NOUVELLES VIOLENCES MEURTRIERES EN RCA : Touadéra a encore du pain sur la planche
C’est à croire que certains Centrafricains n’ont pas assez des violences et autres scènes de guerre dans leur pays. En tout cas, le 12 octobre 2016 aura encore été une journée éprouvante, et surtout meurtrière, pour les habitants de la ville de Kaga-Bandoro, située dans le centre de la République centrafricaine (RCA). Tout serait parti d’une tentative de vol d’un groupe électrogène, la veille. L’un des deux individus qui tentaient de perpétrer le vol, a été tué et le deuxième blessé. Il n’en fallait pas plus pour susciter la colère des ex-Séléka auxquels ils appartenaient. En effet, on a assisté à des actes de représailles menées par des ex-Séléka, qui plus est, sur le site de l’Evêché de la ville qui abrite des déplacés. Ces violences ont encore fait des dégâts matériels, de nombreux déplacés et laissé sur le carreau une douzaine de cadavres.
La douloureuse parenthèse qu’a connue le pays, devait faire comprendre aux uns et aux autres à quel point rien ne vaut la paix
Certes, on peut comprendre la douleur liée à la perte d’un être humain, fût-il voleur. Mais, dans un Etat de droit, il y a des voies de recours en pareilles circonstances et la paix sociale, encore fragile dans ce pays, vaut bien la retenue de soi. Par ailleurs, la cible des représailles suscite bien des interrogations et des inquiétudes. Les ex-Séléka qui s’en sont pris à l’Evêché, auraient voulu réveiller les vieux démons qui somnolent qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. En rappel, la crise politique qui a secoué récemment la RCA, avait aussi une dimension religieuse. En effet, en réponse à l’avènement des combattants Séléka d’obédience musulmane, s’étaient alors constitués les Anti-balaka de confession chrétienne. Les confrontations communautaires avaient fini par transformer le pays en un véritable chaudron. Il aura fallu travailler dur pour tenter de recoller les morceaux. La Communauté internationale aura, non sans difficultés, réussi à accompagner le pays dans l’organisation d’élections pour parachever la Transition qui s’éternisait. Cette douloureuse parenthèse qu’a connue le pays, devait faire comprendre aux uns et aux autres à quel point rien ne vaut la paix. Du reste, le clergé et les imans continuent à jouer leur partition pour ramener la paix et la concorde entre les Centrafricains de tout bord. Le pays aura même reçu entre-temps, la visite du Pape François dans ce sens. Force est donc de constater que la réconciliation après tant de confrontations, n’est pas pour demain la veille. La moindre étincelle peut remettre le feu aux poudres. Ainsi, on peut craindre que les Anti-balaka, de leur côté, soient aussi tentés de reprendre du service. On ne peut donc que condamner ces actes d’ex-Séléka à Kaga-Bandoro. Ceux qui auront mené ces actes de représailles, sont de véritables ennemis de la paix dans le pays. C’est le moins que l’on puisse dire. Car, en se comportant ainsi, ils ont pris le risque de remettre en cause tous les efforts de pacification entre les communautés. Il urge donc de prendre les mesures idoines pour que pareille situation ne se reproduise plus jamais. En tout état de cause, ce grave incident prouve à souhait que les armes continuent de circuler illégalement en RCA. Tant que ce sera ainsi, le pays ne sortira pas de l’ornière. Tant qu’il y aura des milices qui auront des armes par-devers elles, les risques de dérapages de ce genre ne manqueront pas. Après une grave crise armée comme celle qu’a traversée le pays, ceux qui détiennent illégalement des armes sont plus ou moins coutumiers de la violence comme mode de règlement des différends. De ce fait, ils sont portés à en faire usage chaque fois qu’ils ne sont pas contents.
Il appartient aux Centrafricains d’aller résolument à la réconciliation
Ces violences contre un Evêché surviennent alors même que l’Archevêque de Bangui, Mgr Dieudonné Nzapalainga, nouvellement créé Cardinal par le Pape François, prêche la paix. La dynamique de cohabitation pacifique ne doit pas être enrayée par des comportements irresponsables. Le fait que ces violences interviennent à quelques jours de l’arrivée du ministre français de la Défense, Jean Yves le Drian, dans le pays, n’est pas non plus bon signe. Avec de telles violences, on mesure à quel point la fin annoncée de Sangaris risque de laisser un vide, difficile à combler par la seule MINUSCA, d’autant que les forces de défense et de sécurité centrafricaines sont toujours à la recherche de leurs marques. Cela dit, il n’est pas décent d’attendre de la Communauté internationale qu’elle reste indéfiniment au chevet d’un pays indépendant comme la RCA. Il appartient donc aux Centrafricains d’aller résolument à la réconciliation qui implique un désarmement et une réinsertion des ex-combattants qui peuvent l’être, dans les rangs de l’armée nationale. Quant à ceux qui ne peuvent pas bénéficier de cette réinsertion, il faudra développer d’autres projets à leur endroit. C’est dire combien le président Faustin-Archange Touadéra a du pain sur la planche. Cette réconciliation ne doit pas se faire au détriment de la justice. Chacune des personnes épinglées pour sa responsabilité présumée dans les violences qui ont endeuillé le pays depuis le début de la crise, devrait rendre compte pour l’exemple, quitte à être graciée ensuite, au nom de la paix et de la réconciliation nationale. En tous les cas, Touadéra ne doit pas oublier d’ouvrir cet immense chantier de la réconciliation nationale car comme le dit l’adage, « qui remet toujours à demain, trouvera malheur en chemin ».
« Le Pays »