COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE SUR LE FONCIER URBAIN : Des pertes fiscales de plus de 16 milliards de F CFA
La commission d’enquête parlementaire installée le 14 juin 2016 pour investiguer sur le foncier urbain dans 15 communes urbaines, a rendu public le 13 octobre 2016 son rapport, au cours d’une séance plénière. Adopté à l’unanimité des 108 députés présents, le rapport fait état de plus de 105 000 parcelles illégalement occupées avec des irrégularités dans le mode d’attribution, soit plus de 16 milliards de F CFA de pertes fiscales.
Les conclusions du rapport d’enquête sont accablantes. Dans les 15 communes urbaines où les commissaires parlementaires ont enquêté, les irrégularités constatées ont pour noms : morcellement de bandes de terres du domaine public, occupation illégale de sites de l’Etat par des promoteurs immobiliers privés, absence de titres fonciers pour leur occupation, changement de destination de terrains sans autorisation préalable, spéculation sur les prix des terrains, absence de cahiers de charges, non-respect des plans d’aménagement… selon le rapport. L’enquête qui a duré 3 mois, a porté sur les lotissements effectués entre 1995 et 2015 dans les grandes agglomérations urbaines du Burkina, dont les communes à statut particulier de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Des particuliers concentrent entre leurs mains des centaines de parcelles alors que des citoyens n’en possèdent pas une seule. L’ancienne opératrice économique Alizèta Gando, au terme de lotissements, dispose à elle seule de 20 000 parcelles, en l’absence de tout document légal prévu par les textes en vigueur, selon Boureima Barry qui a présidé la commission d’enquête parlementaire. Dans la commune de Ziniaré, par exemple, l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, est attributaire de plus de 100 parcelles contre une vingtaine pour son petit frère François Compaoré. L’ex-Directeur régional de l’urbanisme des Hauts-Bassins, Ousséni Zoromé, a bénéficié de plus de 500 parcelles à Bobo-Dioulasso, avec le chef de service de l’urbanisme de la même région, Arouna Bonsa, selon le président de la commission. Des cas de ce genre, on en dénombre à profusion dans le rapport. Comment récupérer ces parcelles illégalement attribuées ? Pour plusieurs parlementaires, l’enquête devrait se poursuivre dans les autres communes du Burkina, pour détecter toutes les parcelles et terrains illégalement attribués et les taxes impayées à cet effet. « Œuvre de salut public pour un peuple qui meurt d’injustice », c’est ainsi que le député Laurent Bado a qualifié le travail des enquêteurs parlementaires. Zilma Bacyé, lui, a parlé de « cas d’école pour le travail abattu et une pédagogie de gouvernement si les recommandations sont mises en œuvre ». Quid donc de la suite à donner aux conclusions du rapport d’enquête ? Pour Boureima Diallo et ses collègues de la commission, le rapport sera communiqué au gouvernement et au procureur général pour suite à donner. L’enquête, en soit, traduit une « vision courageuse du parlement », selon un autre député qui a souhaité que le parlement assure le suivi de la mise en œuvre des recommandations issues du rapport d’enquête. Pour le président de l’Assemblée, Salifou Diallo, le gouvernement doit travailler à mettre en place un cadre, un cadastre informatisé, car, a-t-il dit, « sans cadastre, on navigue à vue ».
Lonsani SANOGO