GEORGES KOUWONOU, COORDONNATEUR DE ACTION JEUNESSE UEMOA : « Faire en sorte que l’intégration régionale soit une réalité »
Action jeunesse UEMOA (AJUEMOA) est une Association qui a fait de l’intégration régionale son cheval de bataille. Créée en 2004, l’AJUEMOA dont le siège sous-régional est à Ouagadougou, œuvre aussi à la promotion de la solidarité africaine, de la coopération transfrontalière, la migration, la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, etc. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré son coordonnateur, Georges Kouwonou, qui parle ici des objectifs et actions menées par sa structure qui a été faite en 2014, Chevalier de l’Ordre du Mérite de la jeunesse par l’Etat burkinabè.
« Le Pays » : Votre structure Action jeunesse UEMOA (AJUEMOA) a été créée le 20 décembre 2004 au Burkina Faso. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette structure ?
Georges Kouwonou : Action jeunesse UEMOA (AJUEMOA) est une organisation dont les actions portent essentiellement sur l’épanouissement de la jeunesse africaine. Nous existons depuis 2004 et nous avons une représentation dans la sous-région ouest-africaine et aussi en France, dans le cadre de nos activités de co-développement. Nous avons ici à Ouagadougou, le siège sous-régional et nos actions portent essentiellement sur l’intégration régionale, la migration et évidemment les supports que constituent pour nous toutes ces actions, c’est-à-dire la gouvernance et le développement.
Une de vos thématiques porte sur la migration. Qu’est-ce que vous menez ou comptez mener concrètement sur le terrain par rapport à la migration en général, et à l’immigration clandestine en particulier ?
Nous menons des plaidoyers auprès des autorités pour que la libre circulation des personnes et des biens, qui va permettre de fixer les jeunes sur leur terroir, soit effective, de sorte que le jeune burkinabè qui se déplace, puisse le faire dans l’espace communautaire CEDEAO, parce qu’il y a des opportunités d’emplois et que cela soit facilité à partir du respect du protocole de la CEDEAO, en matière de libre circulation des personnes et des biens. Aussi, sensibilisons-nous les jeunes sur les documents nécessaires pour voyager. En termes d’actions à mener, nous avons déjà élaboré un projet, en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de l’Emploi et de la formation professionnelle ainsi que celui des Affaires étrangères, sur la lutte contre l’immigration clandestine, en particulier l’immigration clandestine des jeunes. Comme vous le savez, c’est aujourd’hui un fléau et, en général, l’immigration fait des victimes. Un rapport de 2016 dit que 90% de migrants en Europe sont passés par des filières d’immigration clandestine. L’objectif spécifique de l’ampleur de ce projet est de travailler à la réduction de ce fléau, principalement cette pratique vers l’Europe. Cette direction est beaucoup prisée par les jeunes, surtout ceux de la région ouest-africaine. Donc, nous sommes en train de travailler dans ce sens. Nous entendons mener des activités de sensibilisation au profit de la jeunesse et aussi organiser des ateliers, pour que les acteurs intervenant dans le domaine puissent collaborer sur le plan de la formation au profit des jeunes et aussi voir comment travailler de sorte à fixer les jeunes sur leur terroir. L’objectif global est de contribuer à la réduction de l’immigration clandestine des jeunes, surtout ceux de la région du Centre (du Burkina) vers des pays étrangers, en renforçant les capacités d’insertion socio-économique des jeunes migrants potentiels et de migrants de retour volontaire ou involontaire qui sont ici à Ouagadougou. Nous entendons aussi renforcer la sensibilisation des jeunes de la région du Centre sur les risques et dangers de l’immigration clandestine vers l’Europe. J’ai évoqué des actions de plaidoyer et de sensibilisation continue. Dans ce cadre, nous envisageons rendre opérationnel un cadre d’orientation socio-économique et d’information sur les migrants à Ouagadougou. En termes de résultats, nous espérons former 1 000 jeunes migrants potentiels et migrants de retour volontaire dans la disposition d’une capacité réelle d’insertion économique. Nous envisageons aussi de lancer un Centre d’information sur l’emploi et les migrations à Ouagadougou (CIEMO). Par ailleurs, nous prévoyons aussi d’organiser un atelier qui va nous permettre de réfléchir et de se pencher sur le problème de l’immigration. Les régions du Centre, des Hauts-Bassins, du Centre-Est et du Sahel sont des zones à forte immigration clandestine.
Avez-vous répertorié des zones au Burkina Faso où le phénomène de l’immigration clandestine est très prononcé ?
Le Burkina Faso est devenu, depuis une vingtaine d’années, non seulement une zone de transit, mais aussi d’immigration. Nous avons ciblé certaines régions particulièrement touchées par le phénomène, notamment la région du Centre, de par sa situation géopolitique, avec la capitale Ouagadougou qui est un concentré de jeunes qui envisagent de quitter le pays ou qui quittent les zones rurales en direction de Ouaga. La région du Centre est aussi considérée comme une zone à forte migration. Il y a les régions des Hauts-Bassins, du Centre-Est (Tenkodogo) et du Sahel, celle-ci étant une zone de transit pour aller vers le Niger, regagner la Libye pour aller ensuite vers l’Europe. Ce sont ces zones que nous avons retenues et dans lesquelles nous comptons mener des activités de sensibilisation et aussi avoir des cadres d’incubateurs. Nous réfléchissons sur l’employabilité des jeunes, tentons de voir les besoins de ces régions à partir desquels nous allons élaborer des modules de formation, pour que ces jeunes restent dans leur région pour y travailler. C’est ce que nous appelons la fixation des jeunes dans leur terroir. Toutes les régions sont touchées par le phénomène d’immigration clandestine, mais nous en avons ciblé ces quatre actuellement, en vue de mener nos activités.
A vous écouter, on imagine que vos objectifs sont énormes. De quels moyens disposez-vous pour les réaliser ?
Les moyens qu’il nous faut premièrement, c’est l’appui institutionnel et l’accompagnement des hautes autorités burkinabè qui, il faut le dire, ont pris le problème des Burkinabè de l’extérieur et évidemment celui de la migration à bras-le-corps. Il s’agit de voir ensemble, avec ces autorités, comment nous pourrons mener nos activités dans le cadre du partenariat public-privé. Notre premier appui, ce sont les autorités. Nous tournons aussi nos regards vers les Partenaires techniques et financiers (PTF) et les ONG, pour leur accompagnement. Tout compte fait, nous comptons d’abord sur nous-mêmes, pour mobiliser les ressources primaires, afin de pouvoir mener nos activités, c’est-à-dire sur l’AJUEMOA et d’autres associations, tel le TOCSIN qui travaille aussi dans ce sens. Ensemble, nous allons réfléchir sur les voies et moyens pour l’atteinte de nos objectifs. Il y a l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) que nous comptons impliquer dans la mise en œuvre de ce projet. Il y a les ministères en charge des Affaires étrangères et des Burkinabè de l’extérieur, de la Jeunesse, de l’emploi et de la formation professionnelle, et de l’Administration territoriale qui s’occupent un peu aussi des problèmes d’immigration. Ce sont sur ces autorités et PTF que nous comptons pour mener nos activités.
Vous rencontrez sûrement des difficultés sur le terrain dans le cadre de l’exécution de vos activités. Quelles sont ces difficultés ?
La première des difficultés, est surtout le problème de disponibilité des ressources humaines et financières pour mener les activités. La problématique des migrations nécessite beaucoup de compétences et en tant qu’OSC, nous en avons un peu. Il faut reconnaître que dans le cadre de nos partenariats, nous envisageons d’élargir ce volet pour que d’autres acteurs puissent s’impliquer et nous appuyer, en termes de ressources techniques. Il y a ce problème de ressources financières, parce que c’est un projet qui nécessite beaucoup d’argent. Il y a des besoins en termes de sensibilisation et d’organisation des ateliers. Nous sommes très heureux que votre organe soit très intéressé par le sujet, ce d’autant que la visibilité du projet est très importante. Lorsque vous préparez un projet et que vous voulez le lancer, si vous avez des organes tels que « Le Pays » qui parlent de votre organisation et aussi de votre projet, cela facilite le contact avec les PTF.
Après plus d’une dizaine d’années sur le terrain, quelles sont les actions que vous avez déjà menées ?
Nous avons un centre de rencontres appelé Centre de rencontres Marcus Garvey, qui organise périodiquement des actions de sensibilisation à l’endroit des jeunes sur la migration, les possibilités de migration dans l’espace communautaire CEDEAO, puisque nous travaillons avec cette dernière et aussi avec l’UEMOA. Nous avons mené des activités, ici au Burkina Faso, sur la sensibilisation relative à la libre circulation des personnes et des biens. Nous avons mené cette activité aussi au Niger, au Mali, au Togo et au Bénin et elle a consisté à rentrer dans les cars de transport en direction de ces pays sus-cités, pour voir les documents de voyage dont disposent les passagers et les difficultés qu’ils rencontrent lors de la traversée des frontières. Tout cela s’inscrit dans les actions liées à la migration, à la libre circulation des personnes et des biens, qui vont favoriser la fixation des jeunes sur leur terroir et éviter les migrations au-delà du continent. La libre circulation des personnes et des biens fait partie des droits de l’Homme. Donc, tout le monde a le droit de pouvoir circuler librement là où il veut. Maintenant, il y a des difficultés qui sont là, au-delà du continent africain ou au-delà de notre espace communautaire qu’est la CEDEAO. Ce sont ces difficultés qui nous amènent à sensibiliser beaucoup de personnes, spécifiquement les jeunes sur les opportunités qui existent dans l’espace CEDEAO. On n’a pas besoin de visa pour aller dans un pays de la CEDEAO. S’il y a des opportunités en Côte d’Ivoire ou en Guinée, au Togo ou au Bénin, que les jeunes puissent en tirer profit. Et pour tirer profit de ces opportunités, il faut avoir les informations justes et l’appui en terme d’orientation. Nous avons donc fait des campagnes de sensibilisation et d’information dans ce sens. Il faut aussi reconnaître que nous intervenons sur les campus, pour avoir des échanges avec les jeunes en matière de libre circulation des personnes et des biens. Nous échangeons sur les documents dont on doit disposer avant de vouloir émigrer, pour ne pas tomber dans l’immigration clandestine.
Nous avons, dans le cadre d’un projet de réinsertion socio-économique, aidé l’OIM à la réinsertion de migrants burkinabè qui vivaient à Maïduguri, au Nigeria. Ces Burkinabè, dans leur majorité, y étaient nés et avec les atrocités de Boko Haram, ils ont dû tout abandonner et quitter le Nigeria. Avec l’aide de l’OIM du Niger, ils ont pu arriver à la frontière du Burkina et ont été récupérés par l’OIM, avec l’accompagnement des autorités du Sahel, précisément celles de Dori. Et avec notre appui, nous avons pu les installer à 70km de Gorom-Gorom. Nous œuvrons à la réinsertion socio-économique de ces migrants que nous y avons installés. Nous avons mené diverses activités et nous avons un référentiel sur l’état de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace communautaire, qui parle un peu des documents de voyage, bref, de tout ce qu’il faut pour pouvoir traverser facilement les frontières, même si nous savons que les rackets ont la peau dure. Mais quand les populations connaissent leurs droits, je pense que cela est déjà un atout pour pouvoir briser les barrières à la libre circulation dans notre espace. Nous accompagnons aussi les autorités dans le cadre des ateliers de réflexion sur la migration, la libre circulation des personnes et des biens. Nous avons un partenariat de longue date avec le ministère des Affaires étrangères dans ce cadre.
Votre mot de fin ?
Je tiens encore à réitérer mes remerciements à votre organe de presse qui est très connu, pour sa dynamique dans l’accompagnement des OSC et je vous demande de maintenir le cap en matière de sensibilisation sur l’immigration clandestine. Nous lançons un appel aux autorités à faire en sorte que l’intégration régionale soit une réalité. Cela va permettre à beaucoup de jeunes de se fixer sur leur terroir à travers la création d’opportunités d’emplois, basée sur les besoins de nos régions et de nos pays.
Propos recueillis par Colette DRABO (en collaboration avec Vita/Afronline (It