INDEPENDENCE DAY DE LA GAMBIE ET INVESTITURE DE ADAMA BARROW:Le certificat de décès de la satrapie signé
De par la volonté du dictateur Yahya Jammeh, la date du 18 février, marquant l’indépendance de la Gambie acquise en 1965 dans le cadre du Commonwealth, avait été biffée dans l’histoire politique du pays. En lieu et place, il avait pris le soin de commémorer chaque 22 juillet, date à laquelle il a pris le pouvoir par la force des armes, immolant de ce fait la République, sur l’autel de la satrapie. Après la fuite du dictateur, il fallait donc réhabiliter l’histoire. Et c’est ce que le nouveau président, Adama Barrow, vient de faire le 18 février dernier. En effet, ce jour-là, le stade de Banjul a refusé du monde. Les Gambiens et les Gambiennes, dans leurs plus beaux atours et dans une ferveur quasi- religieuse, n’ont pas voulu se faire conter l’événement. Et pour en rajouter à la solennité des choses, pratiquement tous les chefs d’Etat de l’espace CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ont répondu présent à l’invitation de leur homologue gambien.
L’absence du président guinéen n’a pas pour autant gâché la fête
C’est la preuve, s’il en est encore besoin, que toutes ces personnalités qui ont contribué activement à sauver la démocratie dans ce pays en le débarrassant du satrape, restent solidaires de la nouvelle Gambie dans sa marche vers la normalité. La seule absence qui a retenu l’attention est celle du président guinéen, Alpha Condé, par ailleurs ami de l’ex-dictateur et dont les bons offices avaient contribué à éviter un bain de sang en Gambie. La grande question que l’on peut dès lors se poser à propos de l’absence d’Alpha Condé, qui plus est assure aujourd’hui la présidence en exercice de l’Union africaine (UA), est de savoir si cela est lié aux problèmes domestiques qu’il a avec le syndicat des enseignants ou si cette absence peut se lire comme la conséquence de l’incident diplomatique constaté entre lui et la vice-présidente de la Gambie lors du dernier sommet de l’UA à Addis-Abeba. En rappel, à cette occasion, le président Alpha Condé, fraîchement désigné à la tête de l’UA, avait rabroué la vice-présidente de la Gambie. Visiblement irritée, cette dernière avait laissé entendre la phrase suivante : « he is crazy ». Traduction, « il est fou ». Ceci donc pourrait expliquer cela. Que ce soit la première hypothèse ou la deuxième qui tienne la route, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’absence du président guinéen n’a pas pour autant gâché la fête. Et c’est tant mieux pour la Gambie. Et le premier qui, légitimement, peut se frotter les mains, est le bienheureux Adama Barrow, peut-on dire. En effet, non seulement il a su relever le défi de l’adhésion populaire à sa volonté de réhabilitation de la date du 18 février, mais aussi il peut se satisfaire de la forte présence des présidents et de personnalités de la sous-région et même au-delà, à l’Independence Day de son pays, le premier du genre depuis 1994, date à laquelle le dictateur Yahya Jammeh avait posé la première pierre sur laquelle il avait édifié une citadelle digne de Néron. Le retour donc du pays à la date historique du 18 février
symbolise la démolition, du moins dans les esprits, de cette citadelle de la honte et de l’imposture. Et Adama Barrow a été bien inspiré de mettre les petits plats dans les grands pour marquer cette rupture majeure d’une pierre blanche. De ce qui précède, l’on peut dire que le nouveau président vient de signer par là le certificat de décès de la satrapie où pendant 22 longues années, les Gambiens et les Gambiennes étaient contraints d’avaler et de digérer les loufoqueries de ce président atypique qui, à la vérité, faisait la honte de toute l’Afrique. Et Adama Barrow semble déterminé à tourner au plus vite cette page honnie de l’histoire de son pays, depuis qu’il a accédé par la voie des urnes aux commandes de la Gambie, comme l’attestent les faits suivants. Premièrement, il a tenu à dissoudre l’institution la plus emblématique de la satrapie, c’est-à-dire la police politique de Yahya Jammeh. Dans la foulée, il a démantelé la redoutable garde prétorienne du dictateur qui, pendant plus de deux décennies, a fait vivre toutes les misères aux opposants réels ou supposés de leur mentor.
Adama Barrow pourrait ne pas se sentir lié par l’impunité offerte à l’ex-dictateur
Deuxièmement, il a modifié l’appellation officielle du pays à l’effet de le positionner dans la laïcité. Troisièmement, il a marqué sa volonté de réintégrer le statut de Rome en mettant fin au processus de retrait de la Gambie de la Cour pénale internationale (CPI) engagé par son sulfureux prédécesseur. Dans le même registre, l’on peut noter son désir de retrouver la grande famille du Commonwealth que Yahya Jammeh avait quitté au motif que c’est une institution néocolonialiste. Les dernières mesures fortes qu’il vient de prendre à l’occasion de l’ « Independence Day » et de son investiture, sont relatives à la libération de tous les détenus qui croupissent arbitrairement dans les geôles de l’ex-dictateur et l’ouverture d’une enquête pour faire le point sur tous les disparus enregistrés sous l’ère Jammeh. Tous ces actes et projets sont de nature à laver le pays de la souillure de Jammeh. Et au rythme où vont les choses, la probabilité est forte que l’ex-dictateur soit délogé de son exil doré équato-guinéen pour répondre de ses actes, ironie de l’histoire, devant celle qui avait été dans le passé son ministre de la Justice, c’est-à- dire Fatou Bensouda. Et ce ne serait pas pour déplaire aux nombreuses familles dont des membres ont été trucidés sans autre forme de procès par Yahya Jammeh et ses sbires. Ce scénario est rendu d’autant plus possible que Adama Barrow pourrait ne pas se sentir lié par cette sorte l’impunité offerte gracieusement à l’ex-dictateur à l’effet de le rassurer dans son exil. Bref, aujourd’hui, on peut dire, au regard de tout ce qui se passe en Gambie sous la houlette de Adama Barrow, que la satrapie de Jammeh a vécu. Sur ses cendres fumantes, est en train de naître la nouvelle Gambie qui, de l’avis de Adama Barrow, doit être « plus forte, plus libre et plus démocratique ».
« Le pays »