LICENCIEMENTS « ABUSIFS » D’EMPLOYES DU SECTEUR PRIVE : Des organisations syndicales interpellent le gouvernement
Des travailleurs du Burkina, réunis au sein de l’Unité d’action syndicale (UAS), ont arpenté les rues de Ouagadougou le 29 juillet 2017, pour interpeller les autorités sur les licenciements abusifs dont sont victimes certains employés, surtout du privé.
1 500, c’est le nombre d’employés licenciés « abusivement », selon l’Unité d’action syndicale (UAS), depuis 2014. « Une bombe sociale » qui risque d’exploser si l’on n’y prend garde, s’en sont convaincus plus d’un. Pour tirer la sonnette d’alarme, des organisations syndicales ont marché, le 29 juillet dernier, sur le ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale, afin d’interpeller les autorités. Et ils étaient des centaines, des employés aussi bien de la Fonction publique que du privé, à arpenter les rues de Ouagadougou pour exprimer leur ras-le-bol en ces termes : « Trop c’est trop ! », « Les licenciements abusifs, trop c’est trop », « les protocoles non appliqués, trop c’est trop », « le non-respect des engagements, on n’en veut plus ! », « Les décisions de Justice non exécutées, on n’en veut plus », etc. Partis de la Bourse du travail, ils ont, en effet, traversé le rond-point des Nations unies pour emprunter l’Avenue Kwame N’Krumah avant de rejoindre le ministère de la Fonction publique, du travail et de la protection sociale, pour transmettre leur message aux autorités. «Depuis un certain temps, nous avons constaté que les licenciements s’amplifient et prennent une tournure assez difficile. Cela est grave pour le monde du travail. Si nous avons choisi aujourd’hui samedi (NDLR : pour marcher), cela a tout son sens parce que nous sommes aussi soucieux du développement de notre pays. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’interpeller le gouvernement par rapport à ses responsabilités vis-à-vis du monde du travail. Donc, nous sommes là pour vous remettre ce message à l’attention du gouvernement, afin que chacun puisse jouer son rôle et qu’ensemble, nous puissions travailler à développer notre cher pays», a lancé en substance le porte-parole de l’UAS, Yamba Georges Koanda, par ailleurs Secrétaire général (SG) de l’Union syndicale des travailleurs du Burkina (USTB), au directeur de cabinet du ministre en charge de la Fonction publique, Hallahidi Diallo.
« Interpeller les responsables d’entreprises à respecter les textes qui réglementent le monde du travail »
Pour les organisations syndicales, ces licenciements devenus monnaie courante, surtout dans le secteur privé, se font en violation du Code de travail. « L’économie informelle est aussi un morceau assez important dans le développement de notre pays. Si nous devons permettre que des responsables d’entreprises foulent au pied la législation du travail, tout simplement parce qu’ils veulent imposer leur diktat, leur loi, cela n’est pas juste parce qu’il y a le Code du travail qui est là pour réglementer le monde du travail au sein de notre pays. Malheureusement, nous constatons que ces règles sont bafouées, malgré les interpellations des institutions mises en place (NDLR : les inspections du travail et la Justice) pour veiller à la protection de ces travailleurs », a soutenu M. Koanda. Pour lui, il est temps que les autorités prennent leurs responsabilités. « Nous avons connu une insurrection populaire. Tout Burkinabè qui veut le développement de notre pays, ne devrait pas souhaiter qu’il y ait une deuxième insurrection populaire. C’est pourquoi nous avons jugé qu’il est temps d’interpeller les autorités, car cela contribue à l’apaisement du climat social. Si ce nombre de travailleurs qu’on licencie pêle-mêle grossit, cela va constituer tôt ou tard une bombe sociale (…). Nous les (NDLR : décideurs) interpellons pour qu’ils puissent jouer leur rôle, c’est-à-dire interpeller les responsables d’entreprises à respecter les textes qui réglementent le monde du travail », a-t-il dit. Pour sa part, le directeur de cabinet du ministre en charge de la Fonction publique, Hallahidi Diallo, en accusant réception du message, a assuré de le transmettre à qui de droit.
Mamouda TANKOANO
ENCADRE
La substance de la lettre des syndicats remise au ministre
Monsieur le Ministre,
Ces dernières années, les violations du Code du Travail se sont multipliées dans notre pays, jetant dans la rue des centaines de travailleurs et des dizaines de délégués syndicaux et du personnel. A titre illustratif, nous comptabilisons depuis 2004, près de 150 délégués protégés et 1 500 travailleurs abusivement licenciés. Ces atteintes ont été sans doute encouragées par les dispositions anti-travailleurs du Code du Travail inscrites à la faveur de la relecture du Code en 2008, notamment l’article 74 qui plafonne à 18 mois les dommages et intérêts dont peut bénéficier un travailleur abusivement licencié.
Monsieur le ministre,
Les constats que nous faisons à propos des licenciements abusifs sont les suivants :
- Des employeurs procèdent au licenciement de délégués du personnel protégés par la loi, sans même s’adresser à l’Inspection du travail pour demander son autorisation ;
- Des employeurs désireux de procéder au licenciement de délégués du personnel demandent à l’Inspection du travail l’autorisation de licencier ; celle-ci, après avoir écouté les différentes parties, répond, sur la base d’arguments précis, qu’elle ne peut donner son accord pour le licenciement. Malgré tout, certains employeurs procèdent au licenciement, violant ainsi le Code du Travail qui leur permet de faire un recours hiérarchique au ministre s’ils ne sont pas d’accord avec la décision de l’Inspection du travail ;
- Des patrons demandent l’autorisation de l’Inspection du travail pour licencier des délégués ; l’Inspection refuse et conformément aux dispositions du Code du Travail, le patron adresse un recours hiérarchique au ministre en charge du Travail qui adopte la même position que l’Inspection du travail. Malgré tout, le patron procède au licenciement, en ignorant la procédure édictée par le Code du Travail ;
- Dans des cas où l’autorisation de licencier est contestée par le travailleur protégé, celui-ci engage les recours qui peuvent aller jusqu’au Conseil d’Etat. Et dans des cas où celui-ci invalide l’autorisation de licencier, le patron refuse la réintégration du travailleur. Et l’autorité fait preuve de complaisance, en ne faisant pas appliquer la décision de Justice.
Face à ces comportements qui violent la législation du travail, nous observons que les autorités, qui ont la responsabilité de faire appliquer la loi et de protéger les travailleurs, sont bien souvent complaisantes à l’égard des patrons. Le prétexte souvent avancé, est que la loi ne prévoit pas la sanction qu’encourt le patron qui ne respecte pas la législation du travail. Cet argument est pour nous irrecevable, quand nous considérons que quand il s’agit de travailleurs qui défendent leurs droits ou manifestent leur mécontentement, les appels téléphoniques des patrons suffisent à obtenir un déploiement des forces de sécurité sur les lieux de travail, même quand les manifestations ne présentent aucun caractère violent !
Monsieur le ministre,
C’est à juste titre que le Code du Travail protège les délégués syndicaux et les délégués du personnel.
La complaisance des autorités vis-à-vis des patrons cause un grand tort au mouvement syndical et au renforcement de la démocratie dans notre pays. En effet, les licenciements abusifs dont sont victimes les travailleurs protégés, contribuent à dissuader les travailleurs d’occuper des postes de responsabilité, notamment de délégués syndicaux ou du personnel.
En choisissant par la présente de mettre l’accent sur la question de la protection des délégués syndicaux et du personnel, nous ne voudrions pas que soient occultées de nombreuses autres préoccupations des travailleurs du secteur privé, relatives notamment à la précarité de l’emploi, provoquées par les facilités de licenciement des travailleurs en général, au droit à l’amélioration des conditions de vie et de travail comme l’augmentation régulière des salaires, etc.
Monsieur le Ministre,
L’UAS attend de vous, une révision de l’attitude de votre département vis-à-vis des atteintes à la liberté syndicale et aux droits des travailleurs, de même que la mise en œuvre effective de l’engagement portant sur la relecture du Code du Travail.
Ouagadougou, le 27 juillet 2017
Pour les Secrétaires Généraux des Centrales Syndicales
Yamba Georges KOANDA
Secrétaire Général / USTB
Pour les Secrétaires Généraux des Syndicats Autonomes
Juste Koumara LOGOBANA
Secrétaire Général / SYNTAS
UNITE D’ACTION SYNDICALE DU BURKINA FASO (UAS)
LES CENTRALES SYNDICALES :
- Confédération Générale du Travail du Burkina (CGT-B)
- Confédération Nationale des Travailleurs du Burkina (CNTB)
- Confédération Syndicale Burkinabè (CSB)
- Force Ouvrière–Union Nationale des Syndicats (FO- UNS)
- Organisation Nationale des Syndicats Libres (ONSL)
- Union Syndicale des Travailleurs du Burkina (USTB)
LES SYNDICATS AUTONOMES :
SAIB–SATB–SAMAE–SATEB–SBM–SNEAB–SNESS–SYN
Source : Dossier de presse