POLEMIQUE AUTOUR DU NOUVEL AVION PRESIDENTIEL NIGERIEN :La pauvreté ne doit pas tout justifier
Le ministre nigérien de la Défense, Karidjo Mahamadou, a annoncé le 1er septembre 2014 dernier, l’achat d’un nouvel avion pour le compte de la présidence de la République. Celui-ci a coûté au budget de l’Etat environ 20 milliards de F CFA. La raison avancée par le gouvernement est que l’ancien avion, qui est arrivé en fin de vie, ne répond plus aux exigences de sécurité. Mais pour l’opposition, cet achat est inopportun. En effet, il intervient, selon elle, dans un contexte marqué par la famine et les inondations. Le dernier rang mondial tenu par le Niger dans le classement de l’ONU en termes de développement humain, a été aussi invoqué par les opposants nigériens, pour dénoncer, in fine, une dépense jugée superflue et indécente. Il faut reconnaître que certains arguments avancés par l’opposition ne sont pas faux. En effet, dire que le Niger est un pays pauvre en proie à plusieurs urgences, relève d’une lapalissade. Personne ne peut en douter. Mais de là à soutenir mordicus que le président doit se contenter d’un cercueil volant qui fait office d’avion présidentiel, est une posture à laquelle l’on peut apporter quelques objections.
L’opposition nigérienne ne doit pas voir derrière cet achat, l’individu de Mahamadou Issoufou. Elle doit plutôt voir l’institution qu’il incarne
D’abord, si l’on devait se baser sur le classement de l’ONU, il faut dire que bien des pays africains seraient disqualifiés pour disposer d’un avion présidentiel. Au cas du Niger, l’on pourrait ajouter d’autres pays qui se disputent de manière récurrente le bonnet d’âne en matière de développement humain. Pourtant, certains présidents de ces Etats se sont offert des avions dont la nécessité pour les pays pourrait être reconnue même par leurs opposants.
Ensuite, l’opposition nigérienne ne doit pas voir derrière cet achat, l’individu de Mahamadou Issoufou. Elle doit plutôt voir l’institution qu’il incarne, l’Etat nigérien. L’achat d’un nouvel avion pourrait participer du rayonnement du pays, pour lequel ce président doit avoir de grandes ambitions.
Ce n’est pas en faisant dans le misérabilisme permanent qu’il cessera d’être pauvre
La polémique aurait pu se justifier si le nouvel avion avait été acquis dans des conditions d’opacité. Ce qui n’est visiblement pas le cas aujourd’hui.
Enfin, l’on ne peut objectivement apprécié cet achat en le dissociant de certains éléments. L’actuel président du Niger, sans être forcément un ange, n’est pas non plus un démon. Il a été élu de manière propre et sa gouvernance est loin d’être un gâchis. Jusqu’à ce qu’il apporte la preuve qu’il porte les mêmes gènes que ses collègues tripatouilleurs de Constitutions pour demeurer à vie au pouvoir, l’on peut croire que Mahamadou Issoufou ne serait pas gêné de retourner cultiver son jardin à la fin de son bail à la présidence. De ce point de vue, l’on peut lui concéder le droit pour ne pas dire le devoir, de doter l’institution présidentielle d’un nouvel avion, qui doit être perçu avant tout comme un outil de travail dont bénéficieront ses successeurs.
Cela dit, à force de brandir toujours la pauvreté et les priorités qui ne relèvent pas, il est vrai, de la fiction, l’on pourrait arriver à suggérer des moyens de transport d’un autre siècle à nos présidents. Cela ne déplairait certainement pas à tous ceux pour lesquels, l’Afrique doit toujours rimer avec misère, poubelle de l’Occident repu, et rafistolage.
C’est pourquoi l’on ne doit pas craindre de dire que le pauvre a aussi de la dignité et que ce n’est pas en faisant dans le misérabilisme permanent qu’il cessera d’être pauvre.
Pousdem PICKOU