Lettre aux démissionnaires du CDP
« Pourquoi n’avoir pas rejoint l’opposition ? »
L’auteur du point de vue ci-dessous revient sur les démissions de Rock, Salif et Simon du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) pour raison de « déficit de démocratie interne ». C’est à la limite un coup de gueule qu’il décerne aux démissionnaires puisque, dit-il, ils « risquent de priver le processus démocratique en cours de toute possibilité d’alternance ».
A l’heure où s’activent, à l’intérieur comme à l’extérieur du Burkina, d’éminentes personnalités pour ramener la sérénité au sein de la classe politique burkinabè, je m’en veux de jeter ce pavé dans la mare.
Que les uns et les autres me le pardonnent, mais je crois nécessaire de faire fuser ma colère ; et ce n’est nullement avec l’intention de jeter de l’huile sur le feu, encore moins de rechercher une quelconque opportunité de médiatisation.
Le Parti majoritaire, et c’est une grave catastrophe nationale, se déchire lamentablement aujourd’hui pour ce que moi j’appelle un simple fait de déficit de démocratie interne (ou intérieure) et de communication au départ.
Je m’en émeus et m’en mêle pour la légitime raison de ma communauté de sort avec ce parti et toute la majorité présidentielle, d’une part, et, de l’autre, par le fait qu’il s’agit du parti fer de lance de toute l’œuvre réalisée par Blaise Compaoré et la majorité qui l’y a accompagné.
Je leur garde toute ma considération. Mais ce déficit de démocratie interne et de communication vient à s’aggraver maintenant d’un calcul importun de quelques-uns des membres dirigeants de ce parti, pour arracher la succession de Blaise Compaoré, à la fois au CDP et à l’opposition.
Pour ce faire, ces personnes tentent, dans le même temps, le triple coup de priver le processus démocratique en cours de toute possibilité d’alternance véritable, instrumentalisant même la voix légitime du peuple et sa mobilisation pour passer du camp de la majorité qu’ils dirigeaient jusque-là à celui de l’opposition tout en gardant, en fait, leur propre camp : celui de la soif inextinguible du pouvoir qu’ils ont exercé depuis déjà un quart de siècle.
Ma colère n’est cependant pas contre ces personnes et ce triple forfait-là ! Chacun est libre et comptable de ses fidélités ou de ses félonies devant Dieu, les Hommes et l’Histoire.
Bien de gens seront regardés et vus, dès maintenant, comme ces fils qui, à la moindre faiblesse du père, bradent sans aucun état d’âme et, au premier client venu, le secret familial, à leur seul profit, mettant le reste de la famille en émoi et au désespoir.
Ma colère va en fait contre tous ces jeunes du CDP qui, maintes fois, ont crié publiquement et courageusement leur désir de démocratie interne au parti et qui se laissent aujourd’hui “récupérer” par ceux-là même qui la leur refusaient hier au CDP.
Et je voudrais me plaindre de leur subite cécité politique et leur ouvrir les yeux sur ce que leur manque de persévérance dans la revendication de démocratie interne va engendrer.
Je voudrais surtout leur dire qu’ils ont fui l’incommodante odeur du “caca” mais se sont réfugiés, hélas, dans pire que le « caca ».
Leur dire qu’ils ont succombé à l’ensorcelante sirène de ces « fraichement repentis» qui se retrouvent «chaudement» devant eux, portés triomphalement par le fruit des luttes d’honnêtes militants qu’ils recommenceront à brider et brimer à nouveau dès l’extinction des lampions.
Pourquoi n’ont-ils pas pris la responsabilité simplement de créer, comme cette dame au franc courage, un parti politique libre de toute tutelle directe de ces “demi-dieux” ?
Avec même les anti- “yes man”, cela aurait également été vu et compris à la limite, et aurait été, en tous cas, plus crédible et plus honnête vis-à-vis du peuple.
Pourquoi n’avoir pas simplement rejoins l’opposition, si leur position était fondamentalement inscrite dans le sens de la lutte de cette opposition?
Pourquoi aller avec des gens qui veulent se réserver le beurre et l’argent du beurre, et le sourire de la laitière, et la bénédiction du berger, et le ban du public?
Ma colère va aussi contre cette opposition sincère, constructive et en pleine éclosion prometteuse pour le processus démocratique qui, parce que trop pressée de se réaliser, s’accouple, au moindre appel du pied, à ces soi-disant “repentis”, leur accordant le gîte et le couvert, les caresses les roucoulades, sans même prendre de prophylaxie ni le soin de se protéger de leurs tares et autres tracas génétiques.
Ils leur ont déjà volé la vedette et, toutes ces années de lutte contre ces mêmes « repentis », tous les acquis, à commencer par la prérogative de chef de file de l’opposition et l’unité d’actions à laquelle l’opposition commençait à aboutir, vont passer à la trappe pour une simple passe à un sou troué.
Ce sou troué est tout ce qu’ils pourront apporter : un ramassis de situationnistes, anciens de ceci, anciens de cela, n’ayant plus rien ni au CDP ni ailleurs, et qui voudront tout et tout de suite, aux dépens des véritables militants de l’alternance démocratique.
La foule qui suit, ne nous trompons point, est celle de ces souffrants du manque d’expression de la démocratie interne à la majorité politique, mais aussi celle de cette immense masse silencieuse du peuple qui a une foultitude de revendications à faire… justement à ces « repentis ».
Des revendications contre la corruption et l’incivisme, la culture de la médiocrité, le népotisme et le « copinage », et tant d’autres maux que ces « repentis » ont laissé prospérer tant qu’ils n’étaient pas des anciens ou ex-ceci ou cela.
Des revendications contre la cherté de la vie, le malaise social, le chômage, l’analphabétisme, les maladies… toutes difficultés de tous les temps et de tous les lieux, pour la résolution desquelles d’ailleurs, la stabilité et la paix, sous-estimées aujourd’hui, sont indispensables et primordiales, n’en déplaisent aux ex-ceci ou cela, anciens ci, anciens ça.
Ma colère va enfin contre le CDP qui a manqué de claire-voyance, de vigilance, de courage pour s’auto-inspecter à l’orée de cette transition pour s’ouvrir au débat en son sein et avec l’ensemble de la majorité présidentielle, pour prévoir et maîtriser à temps ce « coup d’Etat », pour éviter cette déchirure et ce risque de violence.
La plus grande responsabilité d’un parti majoritaire est de gouverner, donc de prévoir, de se prémunir contre ses propres turpitudes, de rassembler, y compris ses adversaires, et surtout de savoir encaisser et rendre positifs les actes et les actions des uns et des autres , au sein du parti comme en dehors.
Les dirigeants d’hier du CDP, démissionnaires aujourd’hui, ont failli depuis lors où ils n’ont pas su ou n’ont pas voulu extirper à temps le situationnisme et la culture de la médiocrité, où ils n’ont pas pu créer les conditions d’une meilleure démocratie interne et d’un plus large débat avec l’ensemble de la majorité présidentielle et au-delà.
Les dirigeants d’aujourd’hui du CDP devront en subir les conséquences, en tirer les leçons et nous sortir de ce pétrin.
En ce qui me concerne, j’ai quitté, depuis 1991, l’ODP/MT de ces mêmes « repentis politiques » d’aujourd’hui, « apprentis gouvernants » à l’époque, pour m’organiser au sein de la majorité présidentielle avec quelques camarades dans une formation où nous sommes peut-être « tête de rat », mais où nous pouvons cultiver à loisir autre chose que la médiocrité et le larbinisme.
« Le sentiment de droiture, la satisfaction d’avoir raison, la joie de s’estimer soi-même sont des ressorts puissants pour nous tenir debout et nous faire avancer », Albert CAMUS.
Il est temps aujourd’hui, et c’est même le moment idéal, de réorganiser les différents bords politiques, la majorité d’un côté et l’opposition de l’autre, chacun des bords avec son chef de file et son programme, et tous les indécis au milieu, et que nous oeuvrions à nous combattre loyalement et d’une manière constructive, qui ne laisse la place à aucun calculateur félon pour l’un et traître pour l’autre ou l’inverse.
Au-delà des responsables du CDP, cette décantation est de la responsabilité même de Blaise Compaoré, avec qui, humblement mais fièrement, nous restons comptable dans ce dernier quart de siècle de la progression du processus démocratique au Burkina Faso, de la stabilité, de la paix et du progrès dans notre pays, même si ce qui reste à faire semble encore immense.
Nous savons pouvoir compter, cette fois encore, sur lui, comme sur tous les patriotes, pour remettre la balle à terre, ramener la sérénité et la paix, et nous encourageons donc nos braves médiateurs à oser toutes les solutions, mais aussi à oser dire à tous que rien ne va sans la stabilité et rien ne vaut la paix !
Que Dieu bénisse le Burkina Faso !
Barry Mamadou Sambo