HomeOmbre et lumièreAFFAIRE BASSOLE : Les Nations unies persistent et signent

AFFAIRE BASSOLE : Les Nations unies persistent et signent


 

 

L’avis définitif du groupe de travail des Nations unies sur la détention de Djibrill Bassolé défraie la chronique. Pour l’auteur de cet écrit, cette sortie de l’instance onusienne devait être une occasion pour « le gouvernement de montrer aux yeux du monde que le Burkina Faso est un Etat de droit, respectueux des décisions des instances internationales ». Lisez plutôt !

 

Eh oui, la vérité est têtue !

Le Général de gendarmerie et ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso n’a jamais cessé de clamer son innocence quant aux accusations à son encontre sur le putsch manqué du 17 septembre 2015. En effet, accusé par le gouvernement de Transition d’être de collision avec des groupes armés terroristes dans le but d’attaquer le Burkina Faso, le Général Bassolé sera arrêté et incarcéré à la MACA le 29 septembre de la même année. Les chefs d’accusation du commissaire du gouvernement sont graves ; il s’agit, entre autres, de trahison, d’atteinte à la sûreté de l’Etat, d’association de malfaiteurs, de complicité de meurtre.

Dès les premiers instants de sa détention, le ministre Bassolé n’a jamais cessé d’affirmer qu’il est victime de manœuvres politiciennes tendant à l’écarter de la scène politique nationale. L’on se souvient qu’il avait été exclu de la course à la présidentielle de 2015 et ce, malgré les injonctions de la Cour de Justice de la CEDEAO. Ne serait-ce pas une autre tentative de ses adversaires politiques qui, même étant aux commandes de l’appareil d’Etat et redoutant son charisme et sa capacité à fédérer les hommes, tiennent vaille que vaille à taire ses ambitions politiques ?

Vraisemblablement, les faits soutiennent la position de monsieur Bassolé. En effet, la lenteur dans l’instruction du dossier judiciaire du putsch, les vices de procédures, l’éviction à un certain moment de ses avocats étrangers au mépris des textes en vigueur, l’illégalité de l’unique preuve retenue contre lui, à savoir les enregistrements des supposés échanges téléphoniques entre lui et le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, ne peuvent pas concourir à soutenir sa culpabilité. C’est dans ce sens que la défense du ministre Bassolé, jugeant que son client est arbitrairement détenu, va formuler plus d’une dizaine de demandes de mise en liberté provisoire auprès du juge chargé de l’instruction du dossier, qui vont toutes être refusées sans motivation. Se rendant compte que leur client est victime d’un acharnement politico-judiciaire, les avocats vont alors saisir en septembre 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire afin qu’il examine le cas Bassolé et donne son avis.

Après plusieurs mois d’investigations auprès des différentes parties prenantes, les experts du Conseil des droits de l’Homme ont jugé à travers l’avis n°39/2017, que monsieur Bassolé est en détention arbitraire. Par conséquent, ils ont demandé au gouvernement burkinabè de le libérer immédiatement et de lui accorder le droit d’obtenir réparation conformément au droit international. Ne trouvant pas satisfaisante la décision du Groupe de travail des Nations unies, le gouvernement burkinabè va donc user de son droit de recours. Il lui fallait dans ce sens apporter de nouvelles informations qui justifieraient la détention légale de monsieur Djibrill Bassolé à la MACA.

Interrogé sur la démarche du gouvernement, le ministre de la Justice avait fait comprendre en septembre que « le Burkina est respectueux des décisions qui sont prises par les instances onusiennes. La démarche que nous avons initiée ne vise pas à méconnaître la décision du Groupe de travail mais c’est une voie de recours qui est offerte par les méthodes de travail du groupe. (…). Nous allons attendre que la décision soit rendue sur la révision et nous allons en tirer les conséquences qui s’imposent ». Le Groupe de travail des Nations unies s’est donc penché sur la demande de réexamen de son avis sur le cas Bassolé, introduite par le gouvernement du Burkina Faso. Les experts estiment que les éléments nouveaux apportés n’atteignent pas le seuil requis pour une telle démarche. En clair, le gouvernement burkinabè n’a pas pu apporter des preuves légales et convaincantes justifiant la détention du Général Bassolé qui s’est transformée entre, temps en une assignation à résidence après que le Président de la chambre de contrôle du Tribunal militaire lui ait accordé la liberté provisoire. Il faut le souligner, l’assignation à résidence de monsieur Bassolé est un cas flagrant et illégal de détention arbitraire et atteste clairement qu’il est séquestré par le gouvernement par l’entremise du ministre de la Défense. Contrairement à ce qu’on fait croire à l’opinion publique, ce n’est pas la Justice qui détient Bassolé mais le gouvernement.

Par conséquent, la demande de révision n’influence aucunement la décision des Nations unies qui exhorte dans ce sens le Burkina Faso à libérer immédiatement Djibrill Bassolé. En effet, les experts du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire estiment que le Burkina Faso doit se conformer aux principes qui régissent le droit international. « Nous appelons le gouvernement du Burkina Faso à respecter les normes internationales et à libérer M. Bassolé maintenant ». C’est en ces termes que les experts du Conseil des droits de l’Homme ont conclu sur le cas Bassolé qui leur était soumis.

On se souvient encore qu’en 2015, le Président de la Transition qui avait rassuré l’opinion nationale et internationale en alléguant comme notre actuel ministre de la Justice, que le Burkina Faso est respectueux des décisions prises par les instances internationales, avait fini par les méconnaître et contribué à l’exclusion politique de certains candidats. Le gouvernement burkinabè emboîtera-t-il les mêmes pas, au risque que l’on qualifie le pays d’Etat voyou ? En tout cas, le silence dont fait montre le gouvernement depuis la réception de l’avis définitif n’est pas de nature à nous convaincre du contraire. Pourtant, le fait de se soumettre aux exigences du Conseil des droits de l’Homme en mettant fin à la détention arbitraire de Bassolé ne met pas fin à la procédure judiciaire en cours. Pour ma part, j’estime que c’est une opportunité offerte au gouvernement, qui ne doit pas manquer l’occasion de montrer aux yeux du monde que le Burkina Faso est un Etat de droit, respectueux des décisions des instances internationales ; surtout onusiennes.

Marius YOUGBARE

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