Commune rurale de Ouo : les allogènes disent non à la xénophobie du maire
Des populations allogènes de la commune rurale de Ouo, localité située à 125 km de Banfora sur l’axe conduisant à Gaoua, ont battu le pavé le 10 février 2014 pour protester contre ce qu’elles appellent des pratiques xénophobes du maire Béma Coulibaly.
Les populations non autochtones de Ouo sont en colère. Pour ce faire, elles ont marché le 10 février dernier pour décrier certaines pratiques qu’elles jugent xénophobes. A en croire les habitants de la localité, c’est la première fois dans l’histoire de la commune rurale qu’on assiste à une marche de protestation. Organisée par les allogènes, elle avait pour but, selon leur porte-parole Abdramane Kouda, d’exprimer leur ras-le-bol face aux pratiques xénophobes du maire Béma Coulibaly. « Trop c’est trop », a-t-il martelé avant d’ajouter que depuis son accession à la tête de la commune, ses pratiques ont atteint un niveau jamais égalé qui entravent le développement de celle-ci et par conséquent doivent cesser. « Nous avons initié cette marche pour dire que nous sommes contre », a-t-il lancé. Venus des différents villages de la commune, les marcheurs se sont rassemblés au domicile de leur chef avant d’entamer leur procession. Pancartes en main, ils ont sillonné les artères de la bourgade en scandant des slogans du genre « Le BF est la patrie de tous les Burkinabè », « La xénophobie, on en veut pas dans ce pays » et après avoir fait un tour au marché, le cap sur la mairie. Là, ils ont fait trois fois le tour des locaux avant de marquer un arrêt sous le mât du drapeau flottant ; le temps de lire leur lettre de protestation dans laquelle ils disent être victimes de traitements injustes et d’actes discriminatoires. Pour preuve, ils ont cité les manœuvres de retraits de champs et de boutiques aux membres de leur communauté qui ont été élus conseillers municipaux, le refus du maire de reconnaitre et de travailler avec les conseillers municipaux issus de l’ADF/RDA, la nomination de conseillers municipaux dans certains villages en remplacement de ceux de l’ADF/RDA, la destruction musclée de la boutique d’un commerçant. C’est d’ailleurs ce dernier acte qui a fait déborder le vase puisque depuis la démolition de la boutique appartenant à Niampa Hamadé, ces allogènes ont décidé de se faire entendre. Toujours dans ladite lettre, les grogneurs ont demandé au 1er adjoint du maire, Yaya Ouattara, de démentir les propos qu’il a tenus sur les ondes d’une radio de la place sur la ville morte organisée par les commerçants. Après la mairie, cap a été mis sur la préfecture où le premier responsable du département les attendait, entouré d’éléments de la sécurité. Là également et sous le mât du drapeau, ils lui ont fait savoir le contenu de leur message. Tout en signifiant à celui-ci qu’en cas de persistance des comportements xénophobes, racistes et discriminatoires des responsables de la commune à l’égard de leur communauté, ils se réservent le droit d’adopter d’autres formes pour se faire entendre par les autorités du pays et réclamer justice. Selon toujours le porte-parole, la xénophobie n’existe nulle part au Burkina si ce n’est à Ouo avant d’ajouter que si elle devait exister, elle commencerait à Ouagadougou où il y a un foisonnement d’ethnies. Aussi a-t-il laissé entendre que c’est d’ailleurs le comportement du maire qui a entrainé la chute du CDP dans la ville de Ouo et les villages au profit de l’ADF/RDA lors des élections couplées de décembre 2012. En tout cas, les allogènes ont prévenu que si l’exécutif communal ne change pas ses manières, ils ne l’accompagneront pas dans sa mission. Niampa Hamadé dont la boutique a été détruite et qui passe pour être le président de la communauté a, quant à lui, préféré attendre les marcheurs à leur lieu de rassemblement. Lorsque nous l’y avons retrouvé, il a confié que la destruction de sa boutique est purement un acte de jalousie. « Lorsque je demandais l’espace, il n’était qu’un trou béant qui accueillait les eaux de ruissellement pendant la saison des pluies. Je l’ai personnellement remblayé afin qu’il puisse servir à la construction d’un bâtiment. Aujourd’hui, le maire trouve que c’est cet espace qu’il lui faut pour construire des boutiques de rue et que mon espace doit servir à entreposer des agrégats », a-t-il affirmé.
La politique s’est invitée à cette crise entre les allogènes et les autochtones. En effet, une mission de l’ADF/RDA, conduite par le député Célestin Koussoubé, y a séjourné le 7 février dernier et a eu des échanges avec les militants composés en majorité de non autochtones. Pour Ouattara Kounandi, 2e adjoint au maire de Ouo, les raisons avancées par ces grogneurs ne sont pas fondées. A l’entendre, le maire Béma Coulibaly n’a jamais remplacé un conseiller ADF/RDA par une autre personne et mieux, lorsqu’une session est convoquée, c’est à Niampa Hamadé, conseiller central de l’ADF/RDA, que le maire remet les convocations de l’ensemble des élus du parti. D’ailleurs, a-t-il déclaré, « depuis l’installation du maire jusqu’à nos jours, ce sont des gens que nous ne connaissons pas. Cela parce qu’ils n’ont jamais répondu à la convocation ». Pour ce qui est du retrait des champs aux conseillers ADF/RDA, le 2e adjoint garde la même logique. Selon lui, dès le début de la crise, ce sont les propriétaires terriens eux-mêmes qui ont intimé l’ordre de libérer les champs et à chaque fois qu’il y a des actions du genre, le maire est toujours accusé. « Je suis formel, le maire n’a jamais dit à quelqu’un de retirer un champ à un allogène », a-t-il lancé. Concernant les élections municipales, Kounandi Ouattara a expliqué que lorsqu’il s’était agi de constituer les listes de candidature, les autochtones et les allogènes ne se sont pas compris. Les migrants n’ayant pas permis aux autochtones de figurer sur les listes de l’ADF/RDA. « En son temps, nous avons demandé que l’on prenne un allogène sur la liste et que le second soit un autochtone. Mais ils ont catégoriquement refusé. Ce qui a amené les propriétaires terriens à leur dire que si c’est la chefferie qu’ils sont venus chercher, qu’ils la prennent mais qu’en retour, ils leur rendent les terres qui leur avaient été octroyées pour exploitation. Je pense que c’est parce que ces allogènes ont voulu faire de leur parti politique une affaire d’ethnie que nous en sommes arrivés là. Mieux, je peux dire que le maire a tenté de dissuader les propriétaires terriens », a-t-il expliqué. Concernant la destruction de la boutique de Hamadé Niampa, le 2e adjoint a indiqué qu’à cause de la boutique, il a fallu entreposer les agrégats pratiquement sur la voie publique. Ce qui, à son avis, représentait un danger et engageait la responsabilité du maire si d’aventure un accident survenait. Ainsi, c’est l’espace de la boutique qui devait donc accueillir ces agrégats. Selon lui, M. Niampa savait depuis 2012 qu’il devait déguerpir et n’était pas le seul. Et quand il entrait en possession de son autorisation d’installation, il avait été informé que l’espace était un espace public dont la commune pourrait avoir besoin à tout moment. Selon lui, les boutiques construites leur reviennent naturellement et si l’on a procédé à la destruction de la boutique de Niampa, c’est parce qu’il avait catégoriquement refusé d’obéir aux instructions du maire. Ce qui pouvait créer un antécédent grave et préjudiciable à la gouvernance du maire.
Mamoudou Traoré
Légende
1- Selon le porte-parole des marcheurs, Abdramane Kouda, la marche avait pour but d’interpeler le maire Béma Coulibaly sur ses pratiques xénophobes (Ph. M Traoré)
2- Hamadé Niampa, président de la communauté des allogènes (Ph.M Traoré)
3- Depuis la destruction de cette boutique, les allogènes ont décidé de se faire entendre (Ph. M Traoré)
4- Selon Kounandi Ouattara, 2e adjoint au maire de Ouo, « Les allogènes ont fait de l’ADF/RDA à Ouo, une affaire d’ethnie » (Ph. M Traoré)
5- A la mairie, tout comme à la préfecture, c’est autour du mât que les grogneurs ont lu leur lettre de protestation (Ph. M Traoré)