LA NOUVELLE DU VENDREDI : Tenter de sauver une vie
J’étais chez mon cousin Mohamed dans un quartier périphérique de la capitale du Burkina Faso. Une femme venue chercher sa bouteille de gaz dans la boutique, informa mon cousin :
La police est venue faire le constat et le corps vient d’être emporté. C’était vraiment triste. Une jeune de son âge, 28 ans, et ce désespoir jusqu’à l’extrême…
Après le départ de la dame, nous sûmes par Sam, l’employé de mon cousin, qu’un jeune homme du nom de Fay avait commis l’irréparable la nuit dernière dans le quartier voisin, attentant odieusement à sa propre vie. Interrompant volontairement le cycle de Dieu. Une atteinte à la chose la plus précieuse et sacrée de l’existence au-delà de considérations matérielles ici-bas.
Le jeune Sam avait bien connu le malheureux dans le quartier. Il jouait au foot avec John et ses amis les dimanches matin. Je voulus comprendre. Ce que je découvris, me toucha énormément. Sam me disait :
Ce que Fay a fait, est le plus condamnable des actes. Rien ne doit le justifier. Cependant, ce qui me révolte, est le fait que celui qui aurait dû ou pu le sauver, n’a pas voulu le faire. Il y a quelques années, Fay travaillait dans l’entreprise de son frère aîné, Monsieur Mika, un homme immensément riche et très à cheval sur la morale et les principes de la vie. Avec un emploi et un bon salaire après quelques hésitations scolaires après le BEPC, tout allait bien dans la vie du jeune Fay. Jusqu’au jour où il bascula dans l’alcool avant de sombrer dans la drogue. Son patron et frère aîné n’ont jamais avaler la chose. Des avertissements, une mise à pied et finalement une exclusion, et le jeune homme s’est retrouvé abandonné par toute sa famille. Sans ressource de vie et encore plus vulnérable devant ses faiblesses. Il est vrai que Fay portait l’entière responsabilité sur ses épaules, mais seulement avec cette triste fin, je me demande si le frère aîné Mika n’est pas allé trop loin dans cette intransigeance. Coupables et fautifs en y mettant le pied dans l’enfer de l’alcool et de la drogue, les consommateurs finissent par devenir des victimes responsables de leur calvaire.
Et le comportement de ce frère aîné devant le corps sans vie de son jeune frère ? Me permis-je de demander.
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Par les voisins, on a appris que monsieur Mika et sa femme y étaient la nuit avec les autres membres de la famille après le drame. Des larmes de compassion ou d’autres sentiments faisaient un grand déluge. Quoi qu’il en soit, un frère reste un frère, une sœur reste une sœur, on ne peut laver ce lien de sang. Nous rêvons tous d’avoir des frères, des sœurs, des enfants exemplaires selon nos aspirations, mais quand le contraire arrive, sans cautionner et condamnant leurs actes, nous restons, malgré leurs écarts de comportement et cette divergence, leurs parents. Jusqu’à l’extrême, tant que nous pouvions le faire, je crois que c’est un devoir fraternel de tenter et de toujours tenter de sauver un frère ou une sœur…
Sam s’interromput car une belle voiture venait de se garer devant la boutique. Deux hommes sortirent, les yeux savamment couverts de lunette de soleil. Ils prirent une vingtaine de plaquettes de boisson chargées par l’infatigable Sam et s’en allèrent. Sam annonça :
C’est monsieur Mika, le frère ainé du Jay, et son chauffeur. Ils apportent sûrement des boissons au cimetière pour le travail de la tombe et l’enterrement.
Je regardai la belle voiture s’en aller. Je ne connaissais ni Monsieur Mika le riche homme, ni le visage de Jay, le jeune suicidé, mais quelques gouttes de larmes coulèrent sur ma joue.
Ousseni Nikiéma, 70-13-25-96