PROCES DU PUTSCH MANQUE Encore un report au 29 juin pour « une bonne administration de la justice »
L’audience de la Chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou s’est ouverte le 14 juin à partir de 12h moins le quart. Après l’audience du 12 juin où les accusés Mamadou Traoré et Relwendé Compaoré se sont retrouvés sans conseil, le procès devrait reprendre son cours ce 14 juin avec des avocats commis d’office à la défense de ces accusés. Pendant que l’on s’attendait à voir des accusés à la barre, c’est une requête en récusation introduite par Me Solange Zéba, conseil de Moussa Zerbo, qui a soulevé des débats à l’audience. Elle récuse le président du tribunal, Saidou Ouédraogo, et Emmannuel Konéné, qui ne sont pas habilités, selon elle, à poursuivre l’instruction du dossier du putsch. Une requête rejetée par le tribunal qui a tout de même reporté l’audience au 29 juin prochain, pour une bonne administration de la justice.
Le déport de Me Kientaremboumbou de la défense de Mamadou Traoré, le 12 juin dernier, intervient, plus d’un mois après les autres déports, alors que le tribunal n’avait pas posé un acte qui justifiait ce déport, a-t-on entendu lors de l’exposé des faits par le tribunal à l’ouverture de l’audience du 14 juin dernier. Si le parquet militaire et les avocats de la partie civile trouvaient que le procès pouvait se poursuivre même avec des accusés sans avocats, purvu que ces accusés ne soient pas appelés à la barre, les avocats de la défense, eux, ont bataillé dur pour que le procès soit reporté le temps que les accusés ait chacun un avocat, même commis d’office à sa défense. Ainsi donc, avec le report du procès le 12 juin à la date du 14 juin dernier, l’on devrait savoir si l’interrogatoire des accusés allait enfin commencer. Mais, contre toute attente ce 14 juin, les débats ont plutôt porté sur la notification d’une requête aux fins de récusation de Saidou Ouédraogo et Emmanuel Konéné, introduite par Me Solange Zéba en date du 11 juin 2018, priant le président du tribunal d’en tirer toutes les conséquences de droit. Autrement dit, de surseoir à l’instruction du dossier, en attendant que la chambre criminelle de la Cour de cassation rende une décision à cet effet. Pour la requérante, Me Solange, il ne s’agit pas d’une question ordinaire de procédure, mais de la régularité, de la légitimité et de la compétence de la juridiction à connaître de la cause portée devant elle. Et il appartient à la Chambre criminelle de la Cour de cassation de dire si le tribunal est régulièrement constitué. « Nous n’allons pas prendre la parole devant vous alors que nous estimons que vous n’êtes pas régulièrement constitués et compétents pour nous juger », a-t-elle dit à l’endroit du tribunal. Pour cette raison, a-t-elle dit, et invoquant l’article 655 de la procédure de droit, la prudence commande que le tribunal présidé par Saidou Ouédraogo suspende momentanément la poursuite de l’information judiciaire. Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la défense, lui, a indiqué que la présidente de la Cour de cassation a décliné d’autorité la compétence de ladite Cour et la Cour d’appel qui a été saisie a rendu une décision qui dit que la Cour de cassation est compétente. Deux décisions contradictoires, selon lui, et, a-t-il souligné, « c’est pénible pour tout le monde de voir que le droit est complètement bafoué ». En réaction à la requête de Me Solange Zéba, le parquet militaire a estimé que le ministère public n’a pas le même entendement de la requête en récusation de Me Solange Zéba qui n’a pas respecté les lois en termes de procédures de la chambre de première instance, en notifiant le tribunal par voie d’huissier. Tant que le tribunal n’a pas été notifié par la Cour de cassation, il n’est pas habilité à surseoir à statuer, selon le procureur militaire, Alioune Zanré.
Une requête en récusation qui n’a pas respecté les procédures
Un autre magistrat du parquet militaire va soutenir qu’en matière pénale, la loi est d’interprétation stricte. L’esprit et la lettre du 655 ne sont pas respectés, selon lui, du fait de la notification de la requête de Me Solange Zéba par le biais d’un huissier. « Respectons un peu les procédures, respectons un peu la lettre et l’esprit des lois en matière pénale », a-t-il insisté. Me Yanogo, avocat de la partie civile, a, lui, demandé au tribunal de ne pas se prononcer sur la requête en récusation, puisqu’à son avis, le tribunal n’est pas saisi mais seulement informé de la requête. Me Hervé Kam, un autre avocat de la partie civile, a soutenu que le tribunal ne doit pas céder à ce qui peut être considéré comme un jeu. « Ce n’est pas parce que nous sommes dans une Salle de fête que l’audience est une fête », a-t-il réagi à la requête de Me Solange Zéba. Et d’ajouter qu’il n’y a aucun acte qui permet que l’article 655 soit appliqué. Me Prosper Farama, lui aussi avocat de la partie civile, ne dira pas plus : « c’est déprimant, c’est une question sans intérêt, ni pour le procès, ni pour le droit. Ça frise la provocation ! », selon ses mots. C’est le secrétaire de la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui doit faire la notification de la requête de l’avocate Solange Zéba pour qu’elle produise un effet. Après une suspension de quelques minutes, le tribunal a rejeté la requête de Me Solange Zéba pour simple notification et non saisine par le Secrétariat général de la Chambre criminelle de la Cour de cassation avant de reporter le procès au 29 juin prochain pour « une bonne administration de la justice ».
Lonsani Sanogo