DEPART DU CHEF DE LA MINUSMA : Qui, après Bert Koenders ?
Les spéculations vont bon train, s’agissant du nom du successeur du chef de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Bert Koenders rentre chez lui pour occuper le poste non moins important de chef de la diplomatie hollandaise. L’information a été confirmée à Bamako par l’Union européenne. Promotion ou retrait diplomatique ?
Le retrait soudain du représentant de Ban Ki-Moon, amène à s’interroger. Quels réels motifs ont-ils donc prévalu à ce départ ? La question se pose d’autant qu’il ne semble pas avoir été retiré illico presto par le Secrétaire général qui l’avait investi d’une mission délicate. On ne saurait donc faire cas de faute. Ce départ pour le moins inattendu du patron de la MINUSMA, se situe néanmoins dans un contexte fort difficile.
En effet, le Mali et les groupes armés du nord sont engagés dans des négociations dans la capitale algérienne, sous l’égide de la communauté internationale. Mais, ces pourparlers s’enlisent. Pendant ce temps, sur le terrain, les « djihadistes » signalent leur retour dans les régions du Nord, mettant ainsi à rude épreuve la mission de maintien de la paix par la Minusma. Les attentats ont tendance à se multiplier, notamment les attentats kamikazes de la part de diverses organisations terroristes. Ils ont fait à ce jour plus d’une trentaine de morts parmi les soldats de la Minusma. L’environnement sécuritaire au nord du Mali, rend donc encore plus délicate l’exécution du mandat de la Minusma. Selon le commandant de la force de la Minusma, l’environnement dans lequel évolue actuellement la mission est « complexe ». Pour le général rwandais Jean Bosco Kazura, cet environnement est « marqué par une insécurité croissante à laquelle les troupes n’étaient pas préparées ».
Entre Bert Koenders et les nouvelles autorités maliennes, les rapports n’ont pas toujours été au beau fixe
Avec la réduction des effectifs des troupes, et le départ de l’opération Serval, sous commandement français, l’on enregistre le retour en force de la violence dans des zones autrefois pacifiées. Venues aider à bouter hors du Mali les envahisseurs « djihadistes », et à œuvrer de manière à pacifier le pays, des soldats agissant sous le drapeau de l’ONU, ont perdu la vie ces derniers temps au nord du Mali. La Minusma arrive difficilement à empêcher que cette partie du Mali soit sous contrôle rebelle. Chaque jour l’on s’interroge sur le rôle d’une mission comme la MINUSMA. Dépourvue de moyens logistiques et humains, elle ne peut bénéficier non plus des «multiplicateurs d’effets » que sont les ponts aériens, le soutien sanitaire et les unités de génie. Tout cela a-t-il pu décider Bert Koenders à se retirer ?
Par ailleurs, entre Bert Koenders et les nouvelles autorités maliennes, les rapports n’ont pas toujours été au beau fixe. Lors d’une rencontre, le nouveau chef de l’Etat avait fait sentir son dépit, en déplorant notamment le fait que Kidal est devenue une zone de non- droit malgré la présence de la Minusma. Le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) qui n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, avait aussi martelé que : « Stabiliser le Mali n’est sûrement pas permettre aux groupes d’y parader, d’y faire la loi et de s’armer allègrement. Ceci est contraire au mandat de l’ONU ». De son côté, la presse malienne avait relevé que la population réclamait « le départ du représentant spécial de l’ONU au Mali ». On reprochait au représentant du Secrétaire général de l’ONU, entre autres : « …les agissements du MNLA contre la visite du Premier ministre Moussa Mara, l’exécution sommaire de fonctionnaires à Kidal », et donc « l’incapacité de la Minusma à assurer la stabilité du Nord, notamment à Kidal toujours aux mains de bandits de tout acabit. » A Bamako, on se plaît à rappeler que c’est la seconde fois que « M. Koenders est contesté par les nouvelles autorités qui avaient réclamé à leur début de mandat la fin de la mission onusienne après le constat d’actes coupables du patron de la Minusma avec un grand contingent basé à Bamako ».
Le moins qu’on puisse dire, est que Bamako n’a jamais vu d’un bon œil l’ouverture d’esprit dont faisait montre le patron de la Minusma à l’égard des Touaregs, considérés dans la capitale comme des empêcheurs de tourner en rond. Ce départ pourrait donc être l’aboutissement de la dégradation des rapports entre Bert Koenders et le gouvernement malien.
En définitive, Bert Koenders, soupçonné de partisannerie, en aurait-il eu marre de cette tension, au point de demander lui-même son départ ? Peut-être faut-il admettre que l’homme occupe chez lui un certain poids sur l’échiquier politique ! Les Occidentaux ne prenant jamais les choses à la légère, son ascension ne le prépare-t-elle pas à un poste plus important ?
Le Mali d’IBK gagnerait à exploiter l’avantage d’avoir eu à collaborer avec Bert Koenders. Celui-ci aurait aussi intérêt à se réconcilier avec les acteurs politiques maliens, même les plus critiques à son égard. Un diplomate, quel qu’il soit, aura toujours besoin d’appui à l’extérieur, si petit soit-il.
L’Union africaine (UA) souhaiterait voir un diplomate africain présider la MINUSMA
Précédemment patron de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, Bert Koenders avait regagné le Mali après sa nomination courant mai 2013. Il prêtera serment ce vendredi. Qui donc lui succèdera comme Chef de mission des Nations unies pour le maintien de la paix au Mali et la stabilisation des régions du nord ? Des tractations seraient en cours afin de lui trouver un autre Néerlandais comme successeur. Des diplomates européens ayant une connaissance du Sahel et du dossier malien, seraient également parmi les postulants. Des Africains pourraient faire l’affaire, dit-on dans les milieux bien informés. L’Union africaine (UA) souhaiterait voir un diplomate africain présider la MINUSMA. On rappelle à ce propos, qu’avant l’adoption d’une résolution autorisant l’envoi des Casques bleus au Mali, c’est l’ancien président burundais, Pierre Buyoya, qui avait été chargé de diriger la mission internationale de soutien au Mali (MISMA).
« Le Pays »