APPEL A L’APAISEMENT DU PRESIDENT DESTITUE DU PARLEMENT DE LA RCA
Une réaction de patriote et d’homme d’Etat
La république centrafricaine (RCA) s’est fait peur, le vendredi 26 octobre dernier, avec la destitution du président du parlement, Abdou Karim Meckassoua. D’autant que peu après que les députés ont donné leur quitus à la procédure de sa destitution en votant 98 voix pour, 41 contre et une abstention, des armes ont crépité à Bangui. Notamment, dans le sulfureux quartier du PK5, fief électoral du désormais ex-président de l’Assemblée nationale. Il faut dire que l’initiative de la pétition pour la destitution de Meckassoua avait déjà commencé à réveiller les vieux démons, les partisans du président destitué mettant tout cela sous le prisme des rivalités ethnico-religieuses entre chrétiens et musulmans. Et la sortie de Abdoulaye Hissene, le président du Conseil national de défense et de sécurité (CNDS), une formation militaire regroupant différents groupes armés de l’ancienne rébellion à dominance musulmane qui a sommé les agents de l’Etat présents dans des zones sous leur contrôle de déguerpir sous 48 heures suivant le vote de destitution du chef du perchoir, peut être considérée comme un signe des temps. Il y a donc lieu de dire que l’onde de choc de cette disgrâce de Meckassoua fut tellement retentissante que les Centrafricains étaient à deux doigts de déterrer la hache de guerre religieuse. Mais la grandeur d’esprit de l’ex-président du parlement, accusé notamment de détournement de fonds publics, qui s’est gardé de surfer sur la même vague du communautarisme que certains de ses partisans du PK5, évita le pire. Meckassoua n’a pas voulu jouer les boutefeux. Il a plutôt appelé ses sympathisants, partisans et surtout coreligionnaires à l’apaisement tout en les invitant à s’abstenir de toute extrapolation ethno-religieuse, lui qui, au demeurant, compte parmi ses soutiens, des députés chrétiens.
Touadéra doit trouver les formules adéquates pour mettre son pays à l’abri
Cela dit, comment ne pas saluer à sa juste valeur cette hauteur d’esprit d’un homme politique qui a plutôt mis en avant les intérêts de son pays au détriment des siens propres ? C’est clair, il n’a pas voulu qu’on profite de sa destitution pour enflammer un pays qui porte toujours les plaies béantes de guerres civiles. Pour une Centrafrique qui a la mauvaise réputation d’avoir connu trois guerres civiles, la prochaine crise serait vraiment celle de trop et c’est pour cela qu’il faut voir dans l’appel à l’apaisement de Karim Meckassoua, la réaction d’un patriote et d’un homme d’Etat. C’est un comportement qui le grandit et qui rend service à la RCA. En un mot comme en mille, les Centrafricains doivent pouvoir se tourner vers l’avenir en se posant, entre autres questions, celles-ci: Comment restaurer un Etat de droit dans un pays qui a profondément mal à sa sécurité intérieure ? Comment regagner la confiance des investisseurs dans un pays où les armes circulent comme des jouets d’enfants? Comment
construire une nation solide et prospère dans un pays où les clivages ethno-religieux ont affecté les fondements de la République ?
Cela dit, si Meckassoua semble indiquer la voie pour un renouveau de la Centrafrique, sans violences en politique, il n’est pas aussi évident que nombre de ses partisans soient dans la même dynamique que lui. Malgré son appel au calme, l’élection de son successeur, hier 29 octobre, aura été tonitruante avec des coups de feu tirés, dans l’hémicycle, par le député Alfred Yekatom, un de ses soutiens. Un autre député, Aurélien Simplice Zingas a, quant à lui, tenté de forcer un barrage de sécurité à l’entrée du parlement. Autant de signes inquiétants. C’est à se demander si la destitution de Meckassoua n’est pas une autre porte qui s’ouvre sur l’enfer. Avis de forte tempête donc sur la RCA. Et le président mathématicien Touadéra se doit de trouver les formules adéquates pour mettre son pays à l’abri. Ou du moins, Archange, l’autre prénom du président, doit beaucoup prier pour la Centrafrique.
Drissa TRAORE