MEURTRE D’UN GUINEEN EN FRANCE
Dans la foulée de la finale de la 32ème édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football qui a vu la victoire de l’Algérie sur le Sénégal, le 19 juillet dernier au Caire en Egypte, c’est avec stupeur et consternation que l’on apprenait l’agression sauvage et barbare dont a été victime un jeune universitaire guinéen à Rouen, en France, sur fond de propos racistes. Un acte attribué à des supporters algériens par de nombreux médias guinéens qui se sont du reste fortement émus de cette disparition, mais qui, selon les premiers éléments de l’enquête, a été perpétré par un Turc. Cet amalgame est somme toute compréhensible. Car, si les premiers témoignages recueillis sont avérés, la violence des propos rapportés fait simplement froid dans le dos : « sale Noir, fils de pute, on va vous massacrer », sont les propos qu’auraient tenus les agresseurs, selon un témoignage. Et le « crime » de la victime aurait été de leur avoir demandé ce qu’il avait fait pour être l’objet de telles insultes. Pour toute réponse, il se retrouvera, la nuque brisée, en soins intensifs à l’hôpital, pour ne plus jamais se réveiller.
Si Mamoudou Barry est mort à cause de la couleur de sa peau, c’est un acte vil, inutile et un combat perdu d’avance
Triste sort que celui de ce brillant jeune universitaire, Mamoudou Barry, puisque c’est de lui qu’il s’agit, allé ce soir de finale de la CAN à la rencontre de sa femme sortie pour des courses, et qui était loin de se douter qu’il avait rendez-vous avec la mort, au détour d’un feu rouge. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet acte ne fait pas honneur à son auteur. Mieux, c’est la bêtise jusqu’au bout de l’innommable. Car, si Mamoudou Barry est mort à cause de la couleur de sa peau, c’est un acte vil, inutile et un combat perdu d’avance, en raison des voix de plus en nombreuses qui s’élèvent dans le monde contre le racisme, d’où qu’il vienne. Si cette mort est tout à la fois liée à ce match et à la couleur de la peau, elle vient non seulement ternir la belle victoire de l’Algérie unanimement saluée sur le continent. Mais à travers Mamoudou Barry, c’est tous les Africains de race noire qui peuvent se sentir concernés et meurtris. Or, Dieu seul sait combien ils étaient nombreux à supporter l’Algérie dans cette confrontation avec le Sénégal. De quoi faire regretter à tous ces Noirs qui croient aux vertus du football en tant que vecteur de rapprochement des peuples, leur soutien aux Fennecs qu’ils ont supportés sur des critères purement sportifs. Cela dit, cet acte d’individus, pour crapuleux et répréhensible qu’il soit, ne saurait faire jeter l’anathème sur tout un peuple. Mais les autorités algériennes, pour autant qu’elles se sentent interpellées, gagneraient à ne pas passer par pertes et profits, cet évènement tragique. Car, ce sont autant de faits qui viennent malheureusement écorner sérieusement l’image du pays auquel d’aucuns tendent à coller à la peau, à tort ou a raison, la culture de la violence.
Il appartient aux autorités judiciaires françaises de tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur cette affaire
En tout cas, même si les Algériens n’ont pas la palme de la violence en sport, tout porte à croire que bien des supporters des Fennecs n’ont cure de leur image au point que l’on se demande parfois s’ils ne se croient pas tout permis chaque fois que leur équipe est sous les feux de la rampe, surtout en France où ils tendent à croire qu’ils sont en terrain conquis. Au demeurant, comment leur donner tort quand on voit toute la délicatesse que met la France à traiter des questions algériennes? Du reste, ce n’est pas pour rien que des dispositions sécuritaires spéciales avaient été prises dans l’Hexagone, à l’occasion de cette finale. Car, eu égard aux violences qui avaient suivi la qualification des Fennecs à la finale, l’on pouvait s’attendre à ce que les supporters algériens se signalent violemment, quelle que fût l’issue du match. Maintenant, il appartient aux autorités judiciaires françaises de tout mettre en œuvre pour faire la lumière sur cette affaire. Et il est d’autant plus nécessaire de donner dès à présent un signal fort pour calmer les esprits, que cette affaire pourrait avoir des répercussions inattendues dans un domaine de passion comme le football. Car, qui sait ; le hasard de calendrier pourrait amener les deux pays à s’affronter, dans une ambiance de tension électrique suscitée par un souvenir douloureux, celui de la mort du jeune Guinéen. Le football n’a pas besoin de cela.
« Le Pays »