Sur la base de statistiques en sa possession, le département du Pr Stanislas Ouaro, c’est-à-dire le ministère de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales (MENAPLN) avait pris la décision de redéployer son personnel de sorte à rationaliser la gestion du personnel.
L’objectif avancé est on ne peut plus noble. En effet, le simple constat révèle de sérieux dysfonctionnements et une grave injustice. Ainsi, dans les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, on peut relever ceci : au primaire, on peut retrouver dans la même classe deux enseignants voire plus. Au post-primaire, c’est-à-dire de la 6e en 3e et au secondaire, c’est-à-dire de la seconde en terminale, il n’est pas rare de voir des professeurs qui, sur un volume horaire dû par semaine de 18 heures et de 22 heures respectivement pour les professeurs des lycées et collèges et les professeurs de CEG (Collège d’enseignement général), se retrouvent avec moins de 10 heures par semaine. Pendant ce temps, leurs collèges qui officient dans les profondeurs du Burkina, exécutent tout le volume horaire dû.
Pour le même traitement salarial, il faut avoir le courage de reconnaître que quelque part, cela n’est pas juste. A cela, il faut ajouter que bien des enseignants qui n’ont même pas cinq ans d’ancienneté, ont réussi à se soustraire de la tâche d’enseignant sur le terrain pour se retrouver dans les bureaux. Pour ceux qui sont malades, on peut comprendre. Mais pour les autres, ce n’est pas compréhensible. Le redéploiement donc s’imposait. Mais celui-ci ne pouvait se faire sans l’adhésion des syndicats des enseignants. Ces derniers qui étaient associés au départ au processus, viennent de signifier leur retrait des travaux au niveau provincial. Ils exigent comme préalable à leur retour aux travaux, le respect des normes des effectifs par classe.
Il revient aux deux parties de renouer le fil du dialogue
En rappel, voici les normes. Et elles sont contenues dans un protocole : 50 élèves par classe au niveau du primaire, 30 élèves par classe au préscolaire, 70 élèves par classe au secondaire général et 50 élèves au secondaire technique.
Il faut préciser que ces normes ont été fixées conjointement par le gouvernement et les syndicats. Ces derniers sont donc en droit d’exiger qu’on les respecte de manière scrupuleuse. Mais il faut reconnaître que la croissance démographique a atteint un tel niveau dans les grandes agglomérations qu’il est devenu très difficile pour le gouvernement de respecter ces normes sans courir le risque de laisser sur la marge des enfants burkinabè. C’est donc un casse-tête pour l’Etat, puisque le droit à l’éducation est inscrit dans la Constitution. Selon donc la logique du syndicat, au-delà des normes indiquées, l’on doit scinder la classe en deux. Sur cette base, il n’est pas question de parler de pléthore d’enseignants mais plutôt de manque. Nous avons donc deux logiques qui se font face.
Celle du gouvernement qui soutient l’idée selon laquelle il y a pléthore d’enseignants dans les grands centres urbains, d’où la nécessité de procéder à leur redéploiement, et la logique des syndicats qui ne voient pas les choses sous cet angle. Cette donne vient corser la résolution de l’équation par le matheux Stanislas Ouaro. Avant même le retrait des syndicats des travaux sur le redéploiement, l’équation était difficile à résoudre. Car le redéploiement en soi est source d’inquiétudes et de frayeurs. Et dans l’histoire politique du Burkina, seul le CNR (Conseil national de la révolution) a eu le courage de s’essayer à l’exercice. Mais le CNR était un pouvoir fort.
Le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré est loin d’avoir cette qualité. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce qu’il range soigneusement son projet pour ne pas fâcher les syndicats. D’ailleurs, ce gouvernement, en plus de ne pas tenir toujours ses engagements, est passé maître dans l’art d’abandonner ses réformes dès le premier couac. L’exemple le plus emblématique est la remise à plat des salaires des agents de la Fonction publique. Sous un régime moins frileux et conséquent avec lui-même, cette réforme serait passé comme lettre à la poste. En tout état de cause, il revient aux deux parties de renouer le fil du dialogue.
Car sans le pouvoir, il n’y a pas de syndicat. Et sans le syndicat, le pouvoir peut être tenté de se livrer à des abus. Il y a donc nécessité, pour les deux parties, de se considérer comme des partenaires et ce, dans l’intérêt supérieur des apprenants et partant, de celui de la Nation entière.
Sidzabda
CNSE (Coordination nationale des syndicats de l’éducation)