SAUVETAGE DE L’ANNEE SCOLAIRE ET ACADEMIQUE
La question que tous les parents d’élèves se posent aujourd’hui, tant elle est au cœur de leurs préoccupations, est la suivante : quand nos enfants reprendront-ils le chemin de l’école ? Et les enfants eux-mêmes, las de s’ennuyer à la maison après deux mois de congés forcés, se posent certainement la même question. Le bout du tunnel était envisagé par les autorités pour ce 11 mai. Eh bien, les uns et les autres devront encore prendre leur mal en patience puisque le gouvernement est revenu sur sa décision. En effet, dans un communiqué daté du 8 mai dernier, le ministère en charge de l’éducation nationale informe que la reprise pédagogique pour les classes d’examens, initialement prévue pour le lundi 11 mai, est reportée au 1er juin 2020. Dans le même communiqué, il informe que la reprise pédagogique pour les classes intermédiaires, initialement prévue le 25 mai 2020, est reportée à une date ultérieure. La raison avancée pour justifier cet énième report est la suivante : permettre une reprise des activités pédagogiques dans les conditions sanitaires optimales telles que prévues dans le plan de riposte du ministère.
Une année blanche serait une véritable catastrophe nationale
L’on peut déjà saluer le souci du gouvernement de ne pas envoyer les élèves et les enseignants à l’abattoir en procédant à une reprise des activités pédagogiques en porte-à-faux avec les conditions sanitaires prévues. L’une d’elles, par exemple, est la mise à disposition du ministère, de 12 millions de masques. Pour le moment, l’on est très loin du compte, puisque seuls 650 000 masques sont disponibles. L’autre condition sanitaire prévue qui est loin d’être opérationnalisée, est la mise en place de dispositifs de lavage des mains. Si le gouvernement avait fermé les yeux sur ces conditions en décidant de la reprise des activités, il aurait ouvert un boulevard à une contamination massive des élèves au Covid-19. Et cela aurait pu conduire à des hécatombes. Pour qui connaît l’exiguïté de nos salles de classes, la pléthore des élèves et l’insalubrité chronique de nos espaces scolaires, la probabilité était, en effet, grande qu’une reprise précipitée des activités pédagogiques, aboutisse à ce qu’on appelle en langue mooré le « Tuk la f kom Zoobre », c’est-à-dire en français facile « après que tu as creusé la tombe, passe-moi ta barre à mine pour que je fasse la même chose ». Le gouvernement a probablement pensé à ce scénario-catastrophe en prenant la décision. Et en plus d’avoir pris par-là une décision responsable, l’on peut aussi noter qu’il a fait preuve de réalisme. En effet, il n’ y a pas que le déferlement du Covid-19 sur nos écoles, que le gouvernement redoute ; il y a aussi que l’autre partie sans laquelle la reprise des activités pédagogiques est impossible, n’est pas dans un état d’esprit favorable à la reprise tant que ses requêtes ne seront pas satisfaites. Tout le monde aura compris qu’il s’agit des syndicats. Et c’est le lieu d’appeler à la responsabilité de tous pour sauver l’année scolaire. En effet, une année blanche au Burkina serait une véritable catastrophe nationale. Et tout le monde en paierait pour longtemps le prix fort.
Personne ne doit se glorifier d’avoir tiré sur l’ambulance
C’est pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, l’heure est au renoncement à certains comportements extrémistes et à la promotion de la culture du compromis et du dialogue pour sauver ce qui peut encore l’être. En tout cas, rien ne peut justifier que l’on sacrifie l’avenir de nos enfants sur l’autel des sempiternelles bagarres entre les syndicats et le gouvernement. De la pitié donc pour ces êtres innocents qui ne demandent qu’à reprendre le chemin de l’école dans des conditions sanitaires optimales et dans un climat social apaisé. En plus de faire preuve de pitié pour les enfants, il faut aussi se mettre à la place de ces milliers de parents d’élèves, qui, à coups de prêts scolaires et de bien d’autres sacrifices, ont assuré la scolarité de leurs enfants. Une année scolaire blanche peut nourrir des envies de suicide chez certains. En tout cas, ils peuvent mettre des années et des années à se relever d’un tel désastre. Chacun, à son niveau, par conséquent, doit aider au sauvetage de l’année. Le faire, serait tout simplement faire preuve d’amour pour les enfants qui, aujourd’hui, sont tous dans la détresse. Et chaque jour que Dieu fait, on peut le lire dans leurs yeux. Au-delà d’eux, on rend service à tout le Burkina. Et personne ne doit se glorifier d’avoir tiré sur l’ambulance. Aujourd’hui, en effet, notre pays est sous la férule du Covid-19, du terrorisme et de la grogne sociale permanente. Si l’on rajoute à cela, une année blanche, cela correspondrait au fait de pousser le pays au fond du précipice. Les associations de parents d’élèves ont déjà, peut-on dire, joué leur partition en proposant des mesures concrètes pour sauver l’année tant sur le plan sanitaire que pédagogique. Aussi, proposent-ils pour les classes intermédiaires, de valider l’année à partir des résultats des 2 trimestres et de mettre en place un système de rattrapage des programmes. Ils proposent également aux autorités de faire en sorte que les épreuves des examens portent sur les programmes déjà exécutés. C’est une contribution qui vaut son pesant d’or. On peut aussi saluer la reprise des activités pédagogiques à l’Université, en ce qui concerne la licence et le Master et dans les écoles professionnelles pour compter d’aujourd’hui et prier les mânes des ancêtres pour que la situation se normalise pour tout le système éducatif. Car, chaque jour qui passe sans le retour effectif de nos enfants à l’école, est un jour perdu pour tout le monde. Déjà, on peut se poser la question de savoir si la saison des pluies qui se profile, ne sera pas un élément perturbateur du plan de riposte du gouvernement. En tout cas, pour accéder à certaines localités du pays à partir de juin, les seuls moyens qui permettent de le faire sont la pirogue et l’hélicoptère.
« Le Pays »