RESTITUTION DES BIENS CULTURELS A L’AFRIQUE
C’est fait ! L’Assemblée nationale française a définitivement voté le projet de loi portant restitution de biens culturels à l’Afrique. C’était le 17 décembre dernier. Le texte avait été rejeté en nouvelle lecture par le Sénat mais il a été finalement adopté. Ainsi donc, 27 œuvres d’art seront transférées aux autorités béninoises et sénégalaises dans un délai maximal d’un an. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président Emmanuel Macron aura tenu parole. Car l’on se souvient, lors de la visite à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, qu’il avait lancé le débat sur la restitution du patrimoine culturel africain. Il avait annoncé, à l’occasion, son intention de vouloir mettre en œuvre dans un délai de 5 ans, des restitutions temporaires et définitives. Il est sur le point donc de passer de la parole aux actes. Mais l’idée du rapatriement des biens culturels africains en elle-même, n’est pas nouvelle et s’inscrit incontestablement dans une tendance qui prolonge un mouvement amorcé dès la seconde moitié du 19e siècle, consécutivement à la décolonisation. Ce courant de pensée avait abouti au texte de référence qu’est la Convention de l’UNESCO de 1970, qui oblige les Etats signataires à restituer le patrimoine sorti illégalement du continent. Les dommages subis par le continent sont difficilement évaluables. Joignant l’acte à la parole, Emmanuel Macron avait chargé Bénédicte Savoy et Felwine Sarr de réfléchir au retour en Afrique des œuvres d’art. La conclusion de leur rapport qui a été remis au président de la République, n’avait pas manqué d’alimenter la polémique. Et pour causes. D’abord, les deux experts semblent avoir balayé le concept de « restitution temporaire » pour ne retenir que l’option de la restitution pérenne.
La question principale reste la suivante : «qui va payer ?»
Aussi vrai que la notion de restitution repose sur le préalable qu’il y a eu vol, pillage ou spoliation, il faut rendre sans autre forme de procès l’ensemble de ce qui a été pris sur le continent africain, à ses propriétaires. Même si cela doit apporter de l’eau au moulin de certaines organisations non gouvernementales qui n’ont pas hésité à franchir le pas en assimilant les œuvres d’art africaines détenues dans les galeries européennes, à des biens mal acquis avec en filigrane l’idée d’une réparation des préjudices subis. Et dans le fond, ce serait porter des œillères que de leur donner tort. Beaucoup de ces objets proviennent du pillage en règle organisé par les administrateurs coloniaux ou par des collectionneurs d’art européens conquis assez vite par ce que l’on a pendant longtemps désigné sous le vocable « d’arts primitifs ». Au sortir de l’ère coloniale, le pillage des objets culturels africains, avec parfois la complicité de trafiquants eux africains appâtés par le gain facile lié aux prix exorbitants de ces objets sur le marché international, a continué d’être la face sombre des relations entre l’Afrique et l’Europe. Les dommages subis par le continent du fait de ce pillage, sont difficilement évaluables car de nombreuses sociétés africaines y ont perdu leur âme, les référents matériels et culturels de leur passé qui leur permettait de se projeter dans l’avenir. Si le débat des réparations peut se mener avec aisance, la question principale reste la suivante : «qui va payer», étant donné que de nombreuses collections d’art appartiennent à des privés qui les ont parfois acquises de bonne foi ? Ensuite, l’autre aspect non moins important de la polémique est « qu’adviendra-t-il du musée du Quai Branly dont l’essentiel des collections est constitué d’objets d’art africains» ? Au-delà des réponses techniques simples liées à la reconversion des missions du musée ou la reproduction des doubles des objets à restituer, c’est toute la question de l’attrait touristique de la ville de Paris et ses implications financières qui est ici soulevée.
« Le Pays »