FRONT UNI DE L’OPPOSITION CONTRE LE PRESIDENT TCHADIEN
Le président tchadien, Idriss Deby Itno, a été investi, le 6 février dernier, candidat, par son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), pour un sixième mandat. Faut-il en rire ou en pleurer ? Il faut plutôt en pleurer. Ce d’autant que cette énième candidature à la présidence, n’augure rien de bon pour le Tchad. C’est d’autant plus vrai que les Tchadiens, notamment l’opposition et les organisations de la société civile, n’ont pas tardé à descendre dans la rue pour crier leur ras-le-bol. Mais comme il fallait s’y attendre, de nombreux manifestants ont été interpellés dont Mahamet Nour Ibedou, un farouche défenseur des droits de l’Homme. Pire, sept d’entre eux ont été inculpés. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette énième candidature de Deby achève de convaincre que malgré ses 30 ans aux affaires, le satrape n’est toujours pas prêt à faire valoir ses droits à la retraite. Et ce n’est pas le front uni que vient de mettre en place une quinzaine de partis politiques, qui peut faire trembler le maître de N’Djamena. Loin s’en faut ! Surtout que celui qui a été désigné candidat de l’Opposition, c’est-à-dire Théophile Bongoro, pour ne pas le nommer, est présenté par certains comme ne faisant pas le poids. C’est dire donc que sauf tremblement de terre, Deby empoignera sa chose en avril prochain. En tout cas, ceux qui rêvent d’une alternance par les urnes en seront pour leurs frais. Que les Tchadiens ne se fassent plus d’illusions, la candidature de Deby pour un sixième mandat, n’est rien d’autre qu’un coup de grâce porté à la démocratie. Car, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la monarchisation du pouvoir au Tchad, est en marche. Pouvait-il en être autrement quand on sait que Deby vient de se bombarder Maréchal? Il ne reste plus donc aux Tchadiens que de se préparer à accueillir bientôt Deby Premier. Car, aucun opposant, même en rêve, ne saurait le battre dans les urnes, tant les satrapes du continent ont bien assimilé cette célèbre phrase du président Omar Bongo selon laquelle, en « Afrique, on n’organise pas des élections pour les perdre». C’est dire si la réélection de Deby à la présidentielle du 11 avril prochain ne sera qu’une simple formalité. On est d’autant plus fondé à le penser que l’homme a travaillé à réduire l’opposition à sa plus simple expression.
Tout laisse croire que s’il continue à régner sans partage, c’est parce que Deby bénéficie du parapluie de la France
Le seul enjeu, s’il y en a vraiment, pour cette présidentielle, ne sera certainement pas le score qu’il obtiendra, mais plutôt le taux de participation. Et même là, les princes régnants et leurs courtisans sont si ingénieux que lorsqu’il s’agit de porter un coup de canif à la démocratie, ils ne manquent pas d’officines pour produire des chiffres en vue de légitimer leur victoire. Et ne comptez pas sur la Justice pour remettre en cause la victoire d’un satrape comme Deby. Si en Occident, des présidents d’institutions font preuve d’ingratitude vis-à-vis des présidents qui les promeuvent, en Afrique, il en va autrement. Ils se croient ou se voient plutôt dans l’obligation de répondre aux désidérata du prince. Cela dit, il faut déplorer cette boulimie du pouvoir du président tchadien. Mais tout laisse croire que s’il continue à régner sans partage, c’est parce que Deby bénéficie du parapluie de la France. C’est elle qui aura sauvé in extremis son régime en 2008, en pilonnant les positions de la coalition des rebelles qui étaient aux portes du palais présidentiel. Et ce n’est pas maintenant qu’il est devenu un allié de taille de l’Hexagone dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel, que Deby perdra le soutien de l’Elysée. C’est dire que ce n’est pas demain la veille que les Tchadiens pourront se débarrasser du warrior, surtout que le Sahel est devenu un Far west. Cela dit, la réélection de Deby pour un sixième mandat, ne fera et c’est peu de le dire, que prolonger la souffrance des Tchadiens. Car, malgré les richesses dont il dispose, notamment le pétrole, le Tchad peine toujours à nourrir, à soigner et à éduquer ses filles et fils et ce, à cause de la mal gouvernance qui caractérise le long règne de Deby.
Dabadi ZOUMBARA