CAMPAGNE POUR LA PRESIDENTIELLE AU BENIN
Aujourd’hui, vendredi 26 mars 2021, débute la campagne électorale pour la présidentielle du 11 avril au Bénin. Trois candidats ont été autorisés par la Cour constitutionnelle à prendre part à la compétition. Il s’agit du président sortant, Patrice Talon, d’Alassane Soumanou Djimba et de Corentin Kohoué. Le tamis donc voulu par Patrice Talon, a été sans pitié. Car, vingt (20) dossiers avaient été déposés. Résultat : Patrice Talon se retrouve face à deux illustres inconnus de la scène politique béninoise. L’on peut même prendre le risque de dire que Talon s’est choisi deux adversaires à son goût pour l’accompagner dans la course à la présidentielle. La campagne risque fort donc de ne pas emballer les Béninoises et les Béninois. Mais de cela, Patrice Talon n’en a cure, puisque depuis son arrivée à la tête du pays en 2016, il s’est employé, avec méthode, à faire respirer la démocratie béninoise par une seule narine : la sienne. En tout cas, tout laisse croire que l’ancien homme d’affaires ne supporte pas la concurrence, surtout celle qui peut mettre véritablement son fauteuil en danger. Et pour se mettre à l’abri de toute surprise, il crée des misères aux Béninoises et Béninois susceptibles de lui tenir la dragée haute dans les urnes. Ainsi a-t-il contraint l’homme d’affaires et opposant Sébastien Ajavon à l’exil. Aujourd’hui, c’est Reckya Madougou qui est dans son viseur. L’opposante et candidate du parti les Démocrates de l’ancien président Yayi Boni, a été accusée et condamnée pour terrorisme. Et l’un des instruments aux mains de Patrice Talon pour régler les comptes à ses opposants sérieux, est la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). En tout cas, l’on peut noter que le calendrier judiciaire de la structure a été, pour le moins, chargé ces derniers temps.
Une démocratie sans opposition est une démocratie simulée
En effet, la CRIET a rendu deux décisions concernant des personnalités politiques, à quelques encablures seulement du premier tour de la présidentielle du 11 avril prochain. Et pour rendre davantage imparable son plan machiavélique de liquidation de la démocratie, Patrice Talon a mis en place son fameux système de parrainages. Cette trouvaille lui a permis de fabriquer et de faire valider des adversaires fantoches. Et ce n’est pas faire injure à Alassane Soumanou Djimba et à Corentin Kohoué de leur coller cette épithète. Car, c’est ça qui est la vérité. En tout cas, au soir du 11 avril prochain, ces deux candidats « motards » risquent d’avoir des scores ridicules. Et comme l’on a affaire à des victimes consentantes, ils joueront la comédie jusqu’au bout en félicitant le vainqueur. Ainsi donc, Patrice Talon a réussi le coup de force, en l’espace d’un mandat, de faire descendre le Bénin de son piédestal démocratique pour le positionner sur la liste des pays où la démocratie est malmenée. Et au rythme où vont les choses, il n’est pas exclu que le Bénin renoue avec le monopartisme. C’est même pratiquement chose faite. Car, presque tous les maires du pays et tous les députés de l’Assemblée nationale ont été élus sous la bannière de Patrice Talon. Et cet unanimisme politique est aux antipodes des principes cardinaux de la démocratie, la vraie. En effet, une démocratie sans opposition est une démocratie simulée. Et à force de vouloir tailler la même camisole pour l’ensemble des Béninois, Patrice Talon expose son pays à des risques de changement inconstitutionnel du pouvoir. En tout cas, s’il persiste et signe dans sa stratégie de neutralisation politique des opposants d’envergure, la probabilité est forte que ces derniers, poussés dans leurs derniers retranchements, explorent des voies peu démocratiques pour se débarrasser de lui. En attendant, la campagne qui s’ouvre aujourd’hui, est pratiquement un non-événement. Car, elle sera marquée par le match Patrice Talon contre Patrice Talon. C’est ce dernier qui battra le tambour ganga et dansera seul. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est du gâchis, au regard du parcours démocratique élogieux du Bénin depuis la Conférence nationale. En 2016, pourtant, Patrice Talon portait de grands rêves pour le Bénin. Aujourd’hui, il a apporté la preuve qu’il ne suffit pas d’être un homme d’affaires prospère pour diriger, dans les règles de l’art, démocratiquement un pays. Et ça, les Béninois épris de démocratie, l’auront appris à leurs dépens.
Pousdem PICKOU
Tambour ganga*: instrument de musique traditionnel du Bénin