ACCORD A MINIMA DE LA COP 26
Après deux semaines d’éprouvantes négociations à Glasgow, les 196 délégations des pays prenant part à la COP 26, sont finalement parvenues, le 13 novembre dernier, à un accord pour accélérer la lutte contre le réchauffement de la planète. Mais le texte final adopté que l’on peut qualifier d’accord a minima, laisse dans l’ensemble un arrière-goût amer pour les pays africains qui ressortent désabusés de cette conférence mondiale. En effet, non seulement le compromis trouvé n’assure pas le respect des objectifs de l’accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C, si possible à 1,5°C, mais aussi les grands pays industrialisés, non contents d’avoir imposé leurs desiderata au nom de leurs intérêts respectifs, refusent de s’engager formellement à augmenter l’enveloppe financière destinée à aider les pays africains qui n’émettent, pour l’instant, que 3% des émissions de gaz à effet de serre, à s’adapter aux conséquences du changement climatique et à développer des économies décarbonées.
Il n’est pas exclu que la frustration des pays africains soit exploitée par les bandes organisées du crime
« Nous sommes déçus, c’est le moins que l’on puisse dire », a laissé entendre le ministre kényan de l’Environnement qui n’a pas manqué de rappeler les échecs successifs antérieurs : « Nous étions venus négocier un accord robuste sur les pertes et les préjudices subis. Nous voulions davantage de financements pour notre action climatique. Nous espérions du soutien pour nos situations et besoins particuliers. Nous avons supplié comme nous l’avons fait à la COP 22, à la COP 23, à la COP 24, à la COP 25…Nous espérions être entendus, mais comme lors des rendez-vous précédents, notre plaidoyer a été rejeté». En termes clairs, les grands pays pollueurs refusent de compenser les dommages subis par les pays pauvres, notamment les pays africains qui ne sont responsables que de 3% des émissions de gaz à effet de serre. La question que l’on peut alors se poser est la suivante : quelles peuvent être les conséquences du rejet de la requête de l’Afrique qui, au regard des conséquences catastrophiques endurées, ne quémande pourtant pas la charité ? Pour répondre à la question, l’on peut émettre deux hypothèses. La première est que le continent africain, s’estimant lésé dans ses droits, ne se sente pas lié par l’accord signé à Glasgow. Dans ce cas de figure, l’on peut s’attendre à ce que les dirigeants africains fassent la sourde oreille comme le fait le président brésilien, Jair Bolsonaro qui, malgré les cris d’orfraie poussés par les populations autochtones et la communauté internationale, ne se prive pas de l’exploitation des ressources de la forêt amazonienne, occasionnant de vastes déforestations. Il y a donc des inquiétudes à avoir pour la forêt du bassin du Congo qui constitue l’un des poumons verts de la planète ou pour la forêt malgache qui constitue un îlot exceptionnel de biodiversité dans le monde. Pire, il n’est pas exclu que la frustration des pays africains soit exploitée par les bandes organisées du crime, comme on l’a vu il y a quelques années avec le scandale du Probo Koala en Côte d’Ivoire, pour faire du continent un dépotoir clandestin des déchets polluants des pays les plus riches moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes.
Le continent a là, l’occasion de prendre son propre destin en main
La seconde hypothèse est que les pays africains, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, décident de se rendre justice eux-mêmes en imaginant des solutions alternatives pour générer les financements qui lui ont été refusés. En effet, avec un peu d’audace, il est possible que l’Afrique qui constitue une source importante d’approvisionnement en matières premières et un vaste marché de consommation pour les produits manufacturés des grandes nations industrialisées, crée et impose des taxes sur les différentes transactions commerciales au nom de la transition écologique. L’exemple est déjà donné par les taxes qui s’opèrent sur les billets d’avion. Et véritablement, c’est en cela qu’il faut encourager les Etats africains car il faut savoir souvent bander les muscles pour avoir gain de cause dans la foire d’intérêts que constitue l’économie-monde. Ce qu’il faut, en tout cas et à tout prix éviter, c’est de tomber dans le piège de l’endettement auprès des pays pollueurs. En attendant donc de voir la réaction des dirigeants africains, l’on peut dire que le continent a là, l’occasion, pour une fois, de prendre son propre destin en main. En effet, le continent dispose aujourd’hui, plus que tout autre partie du monde, de nombreux atouts pour construire des économies vertes. Le soleil d’Afrique est intarissable et son grand territoire est balayé en toutes saisons par de forts alizés, faisant du continent un immense réservoir d’énergies du futur pour le développement industriel et l’amélioration des conditions de vie de ses populations. Mais encore faut-il que les politiques économiques et éducatives mises en place, permettent le développement de technologies pour la maîtrise et l’exploitation maximale de ces énergies renouvelables et inépuisables. Par ailleurs, faute de grands financements qui étaient attendus, c’est aussi l’occasion, pour l’Afrique, de trouver des solutions endogènes pour lutter contre les conséquences du réchauffement climatique que l’on annonce catastrophiques. L’on sait, par exemple, que les pays du Sahel ont développé de nombreux savoirs endogènes pour lutter contre la sécheresse et augmenter la productivité agricole. C’est donc l’occasion de mettre en place des politiques audacieuses et innovantes pour valoriser, développer et vulgariser ces savoirs qui sont le plus souvent à coûts réduits.
« Le Pays »