EXPULSION DE CELLOU DALEIN DIALLO ET DE SIDYA TOURE DE LEUR RESIDENCE : Chacun en prendra pour son grade
Ils ont espéré jusqu’au bout que le Tribunal de première instance de Dixxim accepterait de juger le litige qui les oppose à l’Etat guinéen au sujet des propriétés qu’ils ont acquises sous la présidence de Lassana Conté. Cependant, force est de constater que cette justice sur laquelle ils ont bâti leurs espoirs s’est effondrée comme un château de cartes. Celle-ci s’est déclarée incompétente dans cette affaire. Une décision judiciaire qui n’est pas sans conséquence pour ces deux leaders politiques guinéens quand on sait que quelques jours après, sur instruction de la Direction générale du patrimoine bâti, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré ont été sommés de quitter les résidences qu’ils occupaient. A l’allure où a été conduite cette affaire, nous sommes tentés de croire aujourd’hui que c’est une chasse aux sorcières, un harcèlement qui ne dit pas son nom. En effet, passé le temps de la grande euphorie qui a envahi les populations guinéennes aux premières heures du coup d’Etat ayant balayé le régime d’Alpha Condé en septembre 2021, s’installent progressivement dans les consciences de bon nombre de citoyens guinéens et de ces deux leaders politiques, le regret et la désillusion. On se souvient que ce sont ces deux leaders politiques qui s’étaient empressés de saluer sur les ondes de certaines radios étrangères ce coup de force de Mahamady Doumbouya. Dans leurs messages, ils invitaient le peuple guinéen à accompagner la junte pour une transition réussie, espérant, à tort ou à raison, que le pouvoir militaire leur ferait la passe à la fin de la gestion de cette transition.
Qui sera la prochaine cible des militaires ?
Ils ont peut être oublié qu’un militaire demeure jusqu’à preuve du contraire un militaire. Le militaire ne prend pas le pouvoir pour le céder facilement à un civil. En Afrique et dans le monde, les exemples sont légion. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il faut éviter d’accorder immédiatement un blanc seing au pouvoir des hommes en kaki après un coup de force. Les chantiers qui se présentent à cette junte guinéenne, sont assez vastes et le peuple guinéen s’attend à ce que ces militaires les exécutent bien afin de ramener leur pays à une vie constitutionnelle normale. Il s’agit entre autres, de la durée de la transition avec un chronogramme consensuel bien établi, la lutte contre la cherté de la vie, la corruption, les dossiers pendants en justice etc. Malheureusement, pour l’instant, au lieu de s’attaquer à ces chantiers, cette junte s’intéresse aux problèmes qui ne retiennent pas l’attention des Guinéens ou qui ne concernent pas leur quotidien. Ce sont entre autres, les radiations au sein de l’Armée, la mise à la retraite des généraux, des gendarmes, des policiers et aujourd’hui, le harcèlement et la traque des leaders politiques. Jusqu’où ira cette junte ? A cette allure, si on n’y prend garde, tout le monde en aura pour son grade en Guinée. Qui sera la prochaine cible de ces militaires ? En effet, si l’intention de la Junte militaire d’assainir le patrimoine immobilier de l’Etat est noble, il faut cependant reconnaître que c’est la manière de procéder qui manque le plus. La direction générale du patrimoine aurait pu mettre en place une commission pour traiter le dossier, en procédant d’abord à l’audition des deux leaders politiques. Malheureusement, ce sont des Forces de défense et de sécurité, armées jusqu’aux dents, qui ont pris d’assaut, le matin du 28 février 2022, les alentours des résidences de ces deux poids lourds politiques, les obligeant manu militari, à débarrasser le plancher. Le peuple guinéen et le monde entier n’avaient pas besoin d’un tel spectacle qui, de mémoire de Guinéen, ne s’est jamais produit, même sous les régimes précédents.
Ben Issa TRAORE