INSTALLATION DES MEMBRES DE L’ASSEMBLEE DE TRANSITION : L’ALT sera-t-elle à la hauteur des défis ?
Les hommes et les femmes désignés pour être membres de l’Assemblée législative de transition, ont été convoqués en session spéciale d’installation hier, 22 mars 2022, à 10 heures 00 au siège de l’Assemblée nationale. C’est en substance, le contenu de la note signée par Rakièta Zoromé, Secrétaire générale chargée de l’expédition des affaires courantes à l’Assemblée nationale. Sur les 71 députés prévus, un risque de manquer à l’appel. En effet, au moment où nous tracions ces lignes, la région du Centre-Nord n’était toujours pas parvenue à désigner son représentant, faute de consensus. D’entrée de jeu, l’on peut relever que cette installation des Honorables de la deuxième transition de l’histoire du pays, sauf erreur ou omission de notre part, se passe sur fond d’enchaînement des décomptes macabres. En effet, deux jours avant cette cérémonie officielle d’installation, 13 soldats ont perdu la vie dans une embuscade tendue par des terroristes. Peu avant ce massacre, c’est 13 gendarmes qui avaient été tuées par ces criminels sans foi ni loi. La probabilité est donc grande, que le premier acte des députés consiste à observer une minute de silence pour honorer la mémoire de ces soldats en particulier et celle de l’ensemble des victimes du terrorisme en général. Il faut, par conséquent, espérer que cette Assemblée qui s’installe à un moment où toute la Nation est éplorée, refermera ses portes trois ans plus tard dans un autre contexte où la paix, la sécurité et la prospérité seront au rendez-vous. Cela dit, l’on peut relever et se réjouir, relativement aux membres de l’Assemblée de transition, qu’un effort ait été fait pour que presque toutes les couches socioprofessionnelles soient représentées à l’hémicycle. Ainsi trouve-t-on des enseignants, des juristes, des militaires, des paramilitaires, des paysans, des commerçants, des étudiants, etc.
C’est à l’aune de leur capacité à légiférer de manière efficace que ces députés seront évalués
Et au regard de certains profils, l’on peut oser la comparaison avec le choix des hommes et des femmes, opéré par Thomas Sankara, pour l’accompagner dans l’animation de la Révolution. A cette époque, en effet, en vertu de la démystification de certaines fonctions de la République, l’on recrutait pratiquement dans tous les corps de métier, des gens à qui on confiait de hautes charges. De manière générale, l’on constate que l’écrasante majorité des 70 députés désignés sont des gens peu connus des Burkinabè, pour ne pas dire inconnus. La personnalité la plus connue est sans doute le dernier Premier ministre de Blaise Compaoré, Luc Adolphe Tiao. L’universitaire et agrégé de droit constitutionnel, Abdoulaye Soma, peut se targuer aussi d’être connu des Burkinabè. Sa présence d’ailleurs au sein de cette Assemblée de transition, est perçue par certains Burkinabè comme un fait qui n’est pas congruent avec sa récente déclaration, selon laquelle la prestation de serment de Damiba devant le Conseil constitutionnel, est une « catastrophe constitutionnelle ». Doit-on, après avoir martelé cela, se retrouver dans un organe dont la mise en place est une des conséquences de cette « catastrophe constitutionnelle » ? Ce comportement n’est pas sans rappeler l’histoire de cet homme qui renonce à manger la viande de chien parce que cela est interdit dans sa culture, mais qui est friand de la soupe de viande de chien. Certains Burkinabè, s’appuyant sur le passé politique de certains députés sous Blaise Compaoré et après, pointent du doigt, à tort ou à raison, une sorte de restauration du régime de l’Enfant terrible de Ziniaré. D’autres Burkinabè, au regard du mode de choix de certains députés de l’Assemblée législative de transition, redoutent un parlement où tous les desiderata de Damiba passeront comme une lettre à la poste. Les tenants de cette thèse n’excluent pas que cette Assemblée qui, à leurs yeux, est taillée à la mesure de ce dernier, en arrive à voter une loi accordant un « lenga », c’est-à-dire une prolongation à la transition. Pour terminer, l’on peut évoquer le cas de ces Burkinabè qui dénoncent une sorte d’auto-désignation de certains députés. Ils y voient, par là, une attitude indécente dictée par l’appât du gain. Cela dit, la grande question que bien des Burkinabè se posent au sujet de l’installation des membres de cette législative est la suivante : l’Assemblée législative de transition sera-t-elle à la hauteur des défis ? Ces défis, tout le monde les connaît. Ce sont ceux liés à la restauration, à la refondation, à la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite, la vie chère, la pauvreté ambiante dans laquelle végètent les Burkinabè et l’on en oublie. Ces 71 députés qui coûteront aux contribuables burkinabè des centaines de millions de F CFA pour leur prise en charge, sauront-ils voter des lois pertinentes dans ce sens ? Sauront-ils faire en sorte qu’au bilan, les Burkinabè n’aient pas le sentiment que ceux qui les ont désignés, se sont trompés de choix ? Que leur passage à l’hémicycle a été un véritable gâchis ? C’est à l’aune de leur capacité à légiférer de manière efficace pour relever ces immenses défis, qu’ils seront évalués. Que personne d’entre eux ne se méprenne : à l’image de l’Exécutif, les Burkinabè ne leur feront pas de cadeau. C’est pourquoi ils ont intérêt, dès leur installation, à se revêtir du manteau du député qui incarne la vision, l’exemplarité, la modestie, l’amour de la patrie. Ceux qui sont à l’ALT, dans le secret espoir de s’en servir comme marche-pied pour se construire une carrière politique en phase avec leurs intérêts égoïstes, peuvent, d’ores et déjà, se le tenir pour dit : le Burkina est une savane et par conséquent, leurs possibilités de camouflage sont limitées.
Sidzabda