DEMISSIONS AU MPP APRES LA PERTE DU POUVOIR : Vous avez dit convictions politiques ?
La conviction politique. Voilà une expression dont on se demande si elle a encore un sens au Burkina Faso où le nomadisme politique a été banalisé au point que l’on se demande s’il ne s’inscrit pas aujourd’hui dans la norme, au gré des intérêts du moment. Dans le contexte actuel du Burkina marqué par le coup d’Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) qui a mis fin au régime du président Roch Marc Christian Kaboré, cette migration politique est marquée par des démissions en cascade au sein de l’ancien parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Ce, deux mois à peine après sa perte du pouvoir, alors même que le président Roch Marc Christian Kaboré est toujours en résidence surveillée, et que des voix s’élèvent de plus en plus pour demander sa libération. Cette image du bateau qui prend l’eau avec des rats qui quittent le navire n’est pas à l’honneur du MPP. Et si l’on ne peut pas tenir rigueur aux démissionnaires de chercher à se repositionner tout de suite et maintenant, dans l’espoir de rebondir immédiatement, le timing choisi pour le faire avec fracas, sur les cendres encore fumantes du pouvoir de leur leader, frise d’autant plus l’indécence que cela ne donne pas une image noble de la politique sous nos tropiques.
Le spectacle qu’offrent certains Hommes politiques est d’autant plus affligeant qu’il n’est pas loin de toucher à l’honneur et à la dignité du « métier »
Qu’il est loin, le temps où nos pères ou grands-pères, au lendemain des indépendances, étaient tellement fiers de s’identifier à leur parti politique qu’il était pratiquement impensable de les voir s’afficher du jour au lendemain sous d’autres couleurs ! Tant la conviction politique et idéologique était profondément ancrée dans la conscience des militants. Aujourd’hui, la donne a complètement changé. Malheureusement, l’on ne peut pas dire que c’est en mieux. Loin s’en faut. Et le spectacle qu’offrent certains Hommes politiques est d’autant plus affligeant qu’il n’est pas loin de toucher à l’honneur et à la dignité du « métier ». Oui, disons-le tout net, la politique est devenue aujourd’hui un véritable métier pour nombre de nos compatriotes pour qui la fin justifie les moyens, pourvu qu’ils puissent sécher leurs habits là où brille le soleil. En tout cas, c’est le spectacle désolant qu’il est souvent donné de voir lors des consultations électorales où l’on assiste à des alliances parfois contre-nature dans le seul but de se donner les meilleures chances de se faire une place au soleil. Si ce n’est pas poursuivre des intérêts personnels, cela y ressemble fort alors que l’intérêt de la Nation qui semble pourtant le dernier souci de ces politiciens à la petite semaine, est l’argument régulièrement brandi pour justifier parfois l’injustifiable. Comment peut-il en être autrement quand un pays brille par un nombre pléthorique de partis politiques qui frôlent la deux-centaine, sans pouvoir justifier autant de lignes idéologiques ? De fait, beaucoup de leaders politiques préfèrent être tête de rat que queue de lion.
Ces démissions sonnent comme une reconfiguration de la classe politique au Burkina
Est-ce la bonne solution ? La question interroge d’autant plus qu’à y regarder de près, ce foisonnement de partis politiques semble avoir tout d’un leurre de la vitalité démocratique, d’un boulet au pied, plus qu’une plus-value pour la démocratie dans notre pays. Pour en revenir aux démissions au sein du MPP, la question qui se pose est la suivante : jusqu’où ira la saignée ? D’autant que le triumvirat Roch-Salif-Simon qui a été à la base de sa création, appartient aujourd’hui à l’histoire. En effet, le parti, tricéphale à sa création, est aujourd’hui orphelin de deux de ses têtes de gondole : Salifou Diallo qui a passé l’arme à gauche en 2017, du haut de son perchoir de l’Assemblée nationale, et Simon Compaoré qui s’est quelque peu mis en retrait de la vie politique depuis son passage de témoin, en 2021, à la jeune génération incarnée par Alassane Bala Sakandé. De ce fait, l’on se demande si le MPP ne portait pas en lui-même, les germes d’une implosion ; tant on le disait traversé par des courants divergents. Reste maintenant à savoir si le parti du soleil levant survivra à tous ces départs. C’est dire si l’on attend de voir comment le MPP réagira à ces démissions qui contribuent à le fragiliser aux yeux de l’opinion. Toutefois, dans une perspective d’avenir, ces démissions pourraient être un mal pour un bien pour le parti, si l’objectif est de dégraisser le mammouth pour mieux le rebâtir autour des militants sincères. En attendant, ces démissions au sein de l’ex-parti au pouvoir, sonnent comme une reconfiguration de la classe politique au Burkina, et l’on attend de voir comment les forces en présence se reconstitueront dans la perspective des élections de fin de transition.
« Le Pays »