ELARGISSEMNT DE ROCH KABORE : Est-ce suffisant pour amadouer la CEDEAO ?
Dans un communiqué datant du 6 avril denier, le gouvernement informait l’opinion nationale de ceci : « Après les concertations entamées il y a un peu plus de trois semaines, avec l’ancien président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, il a été décidé qu’il rejoindra ce mercredi 6 avril 2022, son domicile à Ouagadougou… » Dans le même communiqué, le gouvernement a tenu à rassurer que « des mesures sont prises pour garantir sa sécurité ». Autre précision qui vaut son pesant d’or, est que le gouvernement a limité les visites chez l’ancien président, aux membres de sa famille directe. En voyant la bouteille à moitié pleine, on peut estimer que c’est déjà une bonne chose a priori, que l’ancien président qui était en détention depuis le 24 janvier, date à laquelle il a été déposé par l’armée, ait regagné son domicile. On peut aussi se réjouir que le gouvernement ait prêté une oreille attentive aux demandes de sa libération qui fusaient aussi bien de l’intérieur du pays que de l’extérieur. C’est la preuve, peut-on dire, de la volonté des nouvelles autorités de ne pas se mettre à dos les uns et les autres et d’aller à l’apaisement. En lien toujours avec le sujet, l’on peut comprendre que le gouvernement ait mis un point d’honneur à encadrer et à filtrer les visites chez l’ancien président. Car, et là l’on touche du doigt, il n’est pas exclu que des gens, qui ont intérêt à ce que le pays aille en vrille, soient tentés d’attenter à sa vie. Et puis, à l’endroit de ceux qui s’inscrivent dans une sorte d’angélisme, on peut leur dire ceci : Roch a beau être un homme de paix et de Dieu, il ne peut pas manquer d’ennemis. De ce point de vue, l’on doit se garder d’emblée de jeter la pierre à la Transition, de se préoccuper de la sécurité du président déchu. Cela dit, et pour voir maintenant la bouteille à moitié vide, l’on peut se livrer d’abord à une sorte d’exercice de sémantique.
On peut croire que la démarche des nouvelles autorités relève d’un calcul
Quand le gouvernement dit limiter les visites chez Roch aux membres de sa famille directe, l’on peut lui demander de clarifier ce qu’il entend par « famille directe ». En tout cas, s’il faut entendre par là, son épouse et ses enfants biologiques, on ne peut pas dire que cette acception ait évolué, qualitativement parlant. En réalité, on peut croire que Roch vit une assignation à résidence surveillée. Et quand on connaît l’esprit de convivialité de l’Enfant de Tuiré, l’on peut affirmer, sans grand risque de se tromper, que cette « résidence surveillée » sera vécue par lui, comme une sorte de Golgotha, c’est-à-dire comme un calvaire. Pour davantage faire dans l’image, on peut comparer la situation actuelle de Roch, à un lion qu’on a déplacé d’un zoo à une cage logée dans un domicile privé. Dans les deux cas donc, on peut penser qu’il vit en prison. La volonté de la junte serait-elle donc d’empêcher Roch d’aller et de venir comme un citoyen libre ? Ce traitement serait-il lié à la volonté des nouveaux maîtres du Burkina, de tout faire pour que le prédécesseur de Damiba ne partage pas avec ses visiteurs, des informations susceptibles de faire vaciller la Transition ? L’avenir nous le dira. Outre le communiqué dans lequel le gouvernement a annoncé l’élargissement de Roch, on peut aussi relever qu’il a formulé, le même 6 avril, une demande de soutien militaire et humanitaire à la CEDEAO. Et cela se passe alors même que la date du 25 avril avance à grands pas. En rappel, c’est ce délai qui a été donné au pouvoir de Damiba, pour réduire la durée de la transition. En libérant ou en élargissant Roch à quelques encablures de cette date, l’on peut avoir l’impression que par-là, la transition veut amadouer la CEDEAO. Mais cela est-il suffisant pour y parvenir ? Cela est probale. Car, les nouvelles autorités du Burkina donnent l’impression de ne pas chercher à caresser à rebrousse-poil la CEDEAO. Et ce d’autant plus que depuis le coup d’Etat du 24 janvier, elles semblent bénéficier de la bienveillance de cette institution sous-régionale. L’autre lecture possible de la demande d’aide du gouvernement à la CEDEAO sur fond de libération de Roch, est ceci : Damiba voudrait, par-là, mettre la CEDEAO face au peuple burkinabè qu’il ne s’y prendrait pas autrement. En effet, l’on peut décrypter la concomitance des deux actes comme suit : je libère Roch comme l’a demandé la CEDEAO. Dans le même temps, je demande à la CEDEAO, elle qui semble se soucier du sort d’un individu, fût-il un ancien président, de ne pas oublier le Burkina, en proie aujourd’hui au terrorisme et à la famine. Si cette CEDEAO est véritablement celle des peuples, l’on ne voit pas comment elle peut passer par pertes et profit ce cri de détresse pour tirer sur l’ambulance, en sanctionnant le Burkina, pour n’avoir pas ramené la durée de la transition à des propositions raisonnables. De ce qui précède, l’on peut croire que la démarche des nouvelles autorités relève d’un calcul. En tout état de cause, le lieutenant-colonel ne bouderait pas son plaisir d’entrer définitivement dans les bonnes grâces de la CEDEAO.
Pousdem PICKOU