MORT D’IDRISS DEBY ITNO, UN AN APRES : Les démons de la division hantent toujours le Tchad
Cela fait un an jour pour jour, que le Maréchal du Tchad, Idriss Déby Itno, a été rendu à la terre de ses ancêtres, dans l’intimité familiale et dans son village d’Amdjarass, situé à quelques encablures de sa ville natale de Berdoba, à l’extrême Est du pays. Sanglé dans sa tenue de combat et carte d’Etat-major à la main, il avait répondu, incroyable concomitance des faits, à l’appel de son destin le jour même où il a été proclamé vainqueur de la dernière « fumisterie électorale » qu’il avait organisée quelques jours plus tôt. Un an après, les circonstances exactes de la disparition tragique de ce militaire de carrière, vieux baroudeur et guerrier dans l’âme, restent, pour le moins énigmatiques, puisqu’on ne sait toujours pas s’il a été victime d’un règlement de comptes de la part d’un membre de sa propre tribu, ou d’une embuscade nocturne tendue par les rebelles lourdement armés du FACT qui déboulaient de la Libye voisine en direction de N’Djaména. Mystère donc et boule de gomme autour de cet ultime combat qu’Idriss Déby Itno n’aurait jamais dû livrer, surtout que son fils et commandant de la garde républicaine, le Général Mahamat Idriss Déby et son chef d’Etat-jajor général des armées, le Général Abakar Abdelkerim Daoud étaient tous les deux sur le terrain et tenaient la dragée haute aux rebelles. On en saura peut-être davantage le jour où les résultats des enquêtes ordonnées par les nouvelles autorités, seront rendues publiques. Mais en attendant, on peut se réjouir du fait que contrairement à ce qu’on redoutait après la disparition brusque et brutale d’Idriss Déby, les choses ne soient pas parties en vrille au Tchad, alors que ce pays est connu pour son instabilité chronique, avec un foisonnement de rébellions, comme toujours, à base ethnique, et l’irruption, sur la scène politique, de leaders dont les ambitions personnelles priment sur la cause nationale.
Il faut faire preuve d’un enthousiasme mesuré au regard des propos va-t-en-guerre des uns et des revendications maximalistes des autres
L’inquiétude était d’autant plus grande qu’avant même que « le Maréchal du Tchad » ne soit porté en terre, les rebelles avaient menacé de fondre sur la capitale, en même temps que les syndicats, la société civile et les partis politiques ruaient dans les brancards afin d’éviter que le fils ne succède au père. Sans oublier les risques de remous au sein de la Grande muette traversée, elle aussi, par des dissensions d’ordre ethnique ou tribal. Fort heureusement, le pays n’a pas sombré malgré les couacs et les crises de nerfs enregistrés au cours des laborieuses négociations inter-tchadiennes en cours à Doha au Qatar en prélude au dialogue national prévu pour se dérouler à N’Djaména le 10 mai prochain. Mais il faut, tout de même, faire preuve d’un enthousiasme mesuré au regard des propos va-t-en-guerre des uns et des revendications maximalistes des autres. Si on ajoute à ces tensions manifestes, la propension des Tchadiens à faire feu de tout bois pour régler de simples différends politiques, on peut se demander si le Général Mahamat Idriss Déby, malgré son volontarisme et ses nombreuses initiatives allant dans le sens de la désescalade et du désamorçage de la bombe politico-sociale, pourra conduire le bateau de la transition à bon port. Rien n’est moins sûr, quand on sait qu’il devra quitter le « Palais rose » en décembre prochain, si les différents acteurs s’accordent sur les conditions d’organisation du scrutin à venir. Dans le cas contraire, il va continuer à diriger le pays pendant 18 autres mois, avec le risque évident de déclencher de violentes manifestations ou de nouvelles rébellions pour le chasser du pouvoir. Cette dernière hypothèse est d’autant plus plausible que même dans l’entourage familial du Général Mahamat Déby, certains seraient prêts à nouer des alliances et à conclure des accords d’opportunité dans le but de renverser le régime et de piller les maigres ressources du pays. Au total, on peut dire qu’un an après la mort de celui qui fut l’un des présidents les plus monomaniaques du continent, le vide qu’il a laissé au Tchad, a plus ou moins été comblé. Mais cela ne suffira certainement pas à garantir la paix dans ce pays tant que les acteurs politico-militaires continueront à se regarder en chiens de faïence et refuseront de s’engager résolument sur le chemin de la réconciliation nationale, comme le laisse présager leur attitude de défiance mutuelle au cours de ce qui semble être le dialogue de la dernière chance, avant une possible déflagration aux conséquences imprévisibles. On espère que ceux qui sont actuellement au Qatar et ceux qui sont restés au pays, auront ce supplément d’âme qui leur permettra de se battre non pas pour détruire ce qui reste de ce pays déjà en ruines, mais pour le redresser, dans l’intérêt des Tchadiens d’aujourd’hui et de demain. Mais en attendant, Déby fils devrait se garder de ruser avec le peuple tchadien.
Hamadou GADIAGA