VERDICT DANS L’AFFAIRE ASTOU SOKHNA AU SENEGAL : Quand la justice joue à l’apaisement !
L’affaire avait fait grand bruit et ému plus d’un au Sénégal et au-delà. Astou Sokhna, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est une jeune femme sénégalaise, âgée d’une trentaine d’années, décédée pour avoir attendu, dans de grandes souffrances pendant une vingtaine d’heures, la césarienne qu’elle réclamait. Pour le gouvernement, la faute de ce drame est imputable à six sages-femmes de la structure sanitaire où la pauvre dame a rencontré la mort et cela de manière atroce. Poursuivies pour non-assistance à personne en danger, ces six sages-femmes ont été situées sur leur sort. Trois d’entre elles ont été relaxées tandis que les trois autres ont été condamnées à 6 mois de prison avec sursis. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le tribunal n’a pas eu la main lourde. On pourrait même dire qu’il veut, à travers ce verdict, jouer à l’apaisement. Pour autant, ces sages-femmes sont-elles tirées d’affaire ? Tout porte à croire que non puisqu’une plainte a été déposée hier, pour homicide, contre ces sages-femmes et la gynécologue de l’hôpital où est décédée dame Sokhna. Cela dit, au-delà du Sénégal qui a servi de théâtre à cette histoire douloureuse, c’est toute l’Afrique en général et l’Afrique au Sud du Sahara en particulier, qui était suspendue au déroulement et au verdict de ce procès. Et pour cause. Des femmes comme Astou Sokhna, qui perdent la vie en voulant donner la vie, sont une foultitude dans les maternités de Ouagadougou, de Bamako ou encore de Douala et l’on en oublie. Et dire que parfois, ces cas malheureux sont provoqués par des agents de santé indélicats, relève simplement d’une lapalissade. Seulement, on est en Afrique, continent où le nom d’Allah est invoqué systématiquement pour expliquer et excuser tous les vilains actes commis par les uns et les autres. De ce point de vue, on est prompt à pardonner même l’impardonnable. Nous sommes également en Afrique où l’ignorance des populations est la chose la mieux partagée. De ce fait, ils sont nombreux les Africains, surtout ceux de l’Afrique subsaharienne, qui ne savent pas qu’ils ont le droit d’attaquer un agent de l’Administration publique pour mauvaise manière de servir. Conséquence : bien des agents de l’Etat commettent des impairs et autres crimes sans craindre que les victimes ne les attaquent devant les tribunaux. Ce sont essentiellement ces deux causes, peut-on dire, qui ont presque toujours servi de lit à l’inconscience et à l’insouciance professionnelles sous nos tropiques. Mais, il n’y a pas que les agents indélicats qui soient à l’origine des drames que nous constatons dans nos structures sanitaires. L’on peut aussi pointer du doigt d’autres tares des systèmes de santé. L’une d’elles est liée au caractère moyenâgeux des plateaux techniques dont est dotée l’écrasante majorité des structures sanitaires africaines. C’est pour cette raison essentiellement que les princes régnants d’Afrique, au moindre bobo, s’envolent pour l’Occident où ils sont sûrs de recevoir des soins de qualité. Bien sûr, nos maigres ressources en prennent un coup. Mais cela est le benjamin de leurs soucis. Cela dit, on espère que la condamnation prononcée contre certaine de ces six sages-femmes, servira de leçon à toute l’Afrique et contribuera ainsi à transformer les mouroirs que constituent nos hôpitaux, en espaces de promotion de la santé et du bien-être des patients.
« Le Pays »