MINI-TOURNEE AFRICAINE D’EMMANUEL MACRON : La démocratie et les droits humains peuvent toujours attendre
Le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, a entamé une tournée africaine le 25 juillet dernier, qui le conduira, tour à tour, au Cameroun, au Bénin et en Guinéé-Bissau. Depuis sa réélection en mai dernier, c’est sa première tournée sur le continent noir. La première étape de ce déplacement sera le Cameroun. Avec papy, pardon Paul Biya, Emmanuel Macron abordera « les possibilités d’investissement français dans l’agriculture camerounaise » et la question de la lutte anti-djihadiste dans le Nord du pays. Une table ronde est aussi prévue à Yaoundé afin de permettre à de jeunes Camerounais qui ont participé au sommet Afrique-France de Montpellier, d’interagir directement avec le locataire de l’Elysée. Après Yaoundé, Emmanuel Macron déposera ses valises à Cotonou. Cette étape sera mise à profit pour évoquer, avec son homologue béninois, non seulement la question des restitutions des biens culturels, mais aussi la menace terroriste à laquelle le Nord du pays est en proie. A ce sujet, il faut rappeler que les autorités béninoises souhaitent, à en croire l’Elysée, un appui français en matière de soutien aérien, de renseignement et d’équipements militaires.
La France entend prendre les devants
Emmanuel Macron bouclera sa tournée africaine par la Guinée-Bissau, pays dont le président, Umaro Sissoco Embalo, vient de prendre la tête de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Avant de porter cette casquette qui fait de lui un interlocuteur incontournable dans la sous-région, Embalo avait fait le déplacement de l’Elysée, en octobre dernier. A cette occasion, Emmanuel Macron avait déclaré que la visite de son homologue témoignait du renouveau de la relation entre Paris et Bissau. On peut donc dire que Yaoundé, Cotonou et Bissau valent bien un détour. Le Cameroun représente une opportunité d’investissements pour la France. Et le domaine ciblé, c’est-à-dire la production agricole, est en congruence avec l’initiative FAM lancée en mars dernier avec l’Union européenne, le G7 et l’Union africaine. La France entend donc prendre les devants pour ne pas se laisser doubler par d’autres partenaires du Cameroun dans cette filière. Et tous ceux qui connaissent le Cameroun, notamment sa géographie, savent qu’à partir de ce pays, on peut desservir l’ensemble des pays de l’Afrique centrale. En outre, le Cameroun regorge d’immenses terres favorables à bien des spéculations. Le Cameroun représente donc une aubaine sur laquelle on ne peut pas cracher. En plus du fait que le Cameroun est une mine agricole, son sous-sol est riche en pétrole. A cela, il faut ajouter que le contexte sécuritaire fait que l’on peut faire de véritables affaires juteuses avec ce pays en matière d’équipements militaires. La meilleure manière d’éviter que le Cameroun lorgne du côté russe pour acheter des armes, est d’occuper le terrain. Et la presque concomitance du séjour de Macron au Cameroun et de la visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov au Congo Brazzaville, pourrait en dire long sur la concurrence féroce à laquelle se livrent Paris et Moscou en Afrique, dans le domaine de la vente d’armes.
Il revient aux peuples des pays en proie à la dictature, de se débarrasser eux-mêmes de leurs dictateurs
C’est cette logique également qui guide les pas de Macron au Bénin. La Guinée-Bissau représente également un intérêt pour la France. Car, son président, Umaro Sissoco Embalo, est à la tête aujourd’hui d’une structure régionale qui a un poids politique qui n’est pas à négliger. Par ces temps où la France est en froid avec le Mali, Paris gagne à entretenir avec le nouveau patron de la CEDEAO, les meilleures relations possibles. De manière générale, on peut dire que ce sont les intérêts qui guident les pas de Macron à Yaoundé, Cotonou et Bissau. N’allez donc pas lui demander d’aller faire des dissertations sur la démocratie et les droits humains dans des pays comme le Cameroun, dont le président, Paul Biya, totalise 40 ans de règne sur son pays. En tout cas, Macron a déjà prévenu tous ceux qui seraient tentés de crier au scandale de le voir s’afficher aux côtés du sulfureux Biya, en disant en substance ceci : « Je ne vais pas dans ces pays pour donner des leçons ou promouvoir un modèle ». Et c’est cette posture que tous les présidents occidentaux adoptent quand ils sont en déplacement dans des pays qui n’ont que du mépris pour la démocratie et les droits humains. Joe Biden vient de rendre visite à l’un d’eux, au Proche orient. Dans ce pays, l’on n’a pas hésité un seul instant à dissoudre le corps d’un journaliste après l’avoir assassiné. Et pendant que les pays occidentaux s’accommodent de ces pays prédateurs des droits humains devant l’Eternel pour préserver leurs intérêts, ils n’hésitent pas à s’ériger en donneurs de leçons sur la démocratie à l’encontre des pays faibles avec lesquels ils ont peu d’intérêts. Leur devise pourrait donc être la suivante : les affaires d’abord, la démocratie et les droits humains peuvent toujours attendre. Cela dit, il revient donc aux peuples des pays en proie à la dictature, de se débarrasser eux-mêmes de leurs dictateurs. C’est aussi simple que cela.
« Le Pays »