POLEMIQUE AUTOUR DE LA DEPOUILLE DE DOS SANTOS : Un cadavre exquis
La dépouille de l’ancien président angolais, José Eduardo Dos Santos, est arrivée à Luanda, le 20 août dernier. En rappel, le successeur de Agosthino Neto a rendu l’âme à l’âge de 79 ans, dans une clinique de Barcelone où il avait été hospitalisé suite à un arrêt cardiaque, le 23 juin dernier. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cadavre de l‘ancien n°1 angolais, peut être qualifié d’exquis. En effet, le corps du défunt chef d’Etat, est au centre d’un conflit familial. D’un côté, l’on a la veuve, Ana Paula Dos Santos, qui est favorable au rapatriement du corps de son mari en Angola. De l’autre, l’on a Tchizé Dos Santos, fille du défunt et sur qui pèsent des accusations de corruption et de détournement de fonds publics portées par le président João Lourenço, qui voulait des funérailles familiales en Espagne. Le principal argument brandi par la fille pour justifier sa position, est que les autorités angolaises veulent politiser l’enterrement de son père avant les élections prévues pour ce 24 août. Pour faire entendre sa cause, elle avait porté l’affaire devant les tribunaux espagnols. Elle n’a pas été entendue.
La polémique qui s’est installée entre la veuve et la fille, pourrait être l’avant-goût d’un conflit qui va embraser toute la famille
Car, la Justice espagnole a décidé de trancher en faveur de la veuve en lui remettant le corps de son mari pour être rapatrié et inhumé en Angola. Depuis ce samedi, le rapatriement a été effectif. Pour autant, la polémique n’est pas éteinte au sein de la famille, puisque la fille de l’illustre disparu avait fait appel, ce jeudi, de la décision de la Justice espagnole. Mais ce n’est pas seulement au niveau familial que l’on peut observer le caractère exquis du cadavre de l’ancien président. On peut aussi le constater au niveau du plus haut sommet de l’Etat. En effet, l’on se souvient que lors de son entrée en campagne, l’actuel président, João Lourenço, avait appelé à voter pour lui, pour, disait-il, « honorer la mémoire de José Eduardo Dos Santos ». Pour revenir au conflit qui s’est déclenché au sein de la famille autour du disparu, on peut dire que cela était prévisible. En effet, les familles des richissimes personnalités politiques sont souvent sujettes à des palabres de chiffonniers après le décès du chef de famille. Et ce qui oppose les uns aux autres, est en lien avec soit l’héritage politique du disparu, soit son patrimoine. Le conflit est généralement très prononcé lorsqu’il se passe au sein d’une famille recomposée, comme c’est le cas aujourd’hui de la famille de José Eduardo Dos Santos. De ce point de vue, l’on peut prendre le risque de dire que la polémique qui s’est installée au sein de la famille, notamment entre la veuve Ana Paula Dos Santos et la fille Tchizé Dos Santos de l’illustre et richissime disparu, pourrait être l’avant-goût d’un conflit qui va embraser toute la famille Dos Santos. Et l’énorme patrimoine du défunt, constitué pour l’essentiel, et ça, il faut avoir le courage de le dire, de la prédation des biens du pays, pourrait être au centre de la bagarre.
On peut voir derrière la volonté d’utiliser l’image de l’illustre disparu pour se faire réélire, une tentative d’instrumentaliser son corps à des fins bassement politiques
En ce qui concerne l’appel du président actuel de l’Angola, João Lourenço, lors de son entrée en campagne, à voter pour lui, pour « honorer la mémoire » du défunt président, l’on peut dire que cela s’apparente à un acte indécent, en tout cas, du point de vue de la morale et de l’éthique. En effet, l’on se souvient que c’est le même João Lourenço qui, peu de temps après son avènement au pouvoir, suite au retrait forcé ou consenti de son prédécesseur, c’est selon, avait porté les accusations, à tort ou à raison, de corruption et de détournement de fonds publics à l’encontre de sa famille. Précisons-le tout de suite, nous n’appelons pas à accorder l’impunité aux anciens présidents et à leur fratrie. Seulement, l’on peut voir derrière la volonté d’utiliser l’image de l’illustre disparu pour se faire réélire alors que les affaires concernant certains membres de sa progéniture sont encore pendantes devant les tribunaux, une tentative d’instrumentaliser son corps à des fins bassement politiques. Et cela peut et doit indigner. Mais que voulez-vous ? La politique, sous nos tropiques, ne connaît ni morale ni éthique. L’essentiel est de parvenir à ses fins. Et le fait d’invoquer la mémoire de Dos Santos pour inciter les Angolaises et les Angolais à voter le 24 août prochain, est la preuve que quelque part, le bilan de l’homme n’est pas à jeter complètement dans les poubelles de l’histoire et qu’à un moment donné de la vie du pays, son prédécesseur a beaucoup apporté à l’Angola, surtout dans le domaine de la paix. On peut aussi rendre hommage à Dos Santos, pour avoir renoncé au pouvoir pour passer la main à un autre cadre du parti, même si certains observateurs de la vie politique du pays n’ont pas perçu cela comme un acte consenti, mais obligé. Cela dit, et sans forcément prendre parti pour la veuve, l’on peut saluer le rapatriement du corps de Dos Santos en Angola, pour tout ce qu’il a incarné pour ce pays, avant et après l’indépendance conquise, rappelons-le, dans la sueur et le sang.
« Le Pays »