SITUATION NATIONALE : Il faut rendre hommage à l’attitude positive de la chefferie traditionnelle et coutumière
Il a circulé, il y a peu, dans la dynamique des évènements récents au Burkina Faso, un audio appelant à s’en prendre physiquement à certaines autorités coutumières et religieuses que l’on a accusées de manœuvrer à l’éviction du jeune capitaine Ibrahim Traoré au profit du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, sur fond de clivage ethnique. Il convient avant tout propos de condamner avec la dernière énergie, ces propos haineux qui, en plus de porter atteinte à la paix et à la cohésion sociale dans un pays qui tangue sérieusement du fait des attaques terroristes, sont aux antipodes de la vérité comme d’ailleurs l’a révélé plus tard un communiqué du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Il ne peut s’agir donc que de fake news au service de desseins apocalyptiques échafaudés par des individus ou des politiques mal inspirés. Ceux-ci tentent d’emprunter la courte échelle très sensible de l’ethnie pour assouvir leur soif du mal ou du pouvoir. Cela dit, il faut, à l’inverse de cette entreprise de diabolisation orchestrée par les apologistes du chaos, savoir rendre hommage à l’attitude positive de la chefferie traditionnelle et coutumière, qui, fidèle à son rôle historique, a toujours été de tous les combats qui ont sauvé le sabordage du navire burkinabè. Les exemples pour étayer cette thèse sont légion. C’est, par exemple, dans le palais du Mogho Naaba, que s’est organisée la lutte pour la reconstitution de la Haute-Volta créée en 1919 puis supprimée en 1932 et répartie entre les colonies du Niger, du Soudan français et de la Côte d’Ivoire. Naaba Sagha IV, à travers le parti qu’il avait créé à cet effet, l’Union Voltaïque, s’est fait le porte-étendard de cette lutte au nom de toutes les populations voltaïques, jusqu’à la reconstitution en 1947.
Il convient de soustraire la chefferie traditionnelle de la politique
Le palais du Mogho Naaba, n’en déplaise à ceux qui tentent de travestir l’histoire, est donc le berceau de la Nation et quand la vie de cette Nation est menacée, les Burkinabè vont y puiser les ressources du vivre-ensemble. Plus proche de nous, nous gardons tous à l’esprit le rôle irremplaçable joué par le Conseil de Sages piloté par Monseigneur Anselme Titianma Sanon et dont les préceptes demeurent encore l’une des voies les plus sûres de la refondation de notre Nation et de la réconciliation nationale. L’on ne saurait non plus taire les médiations réussies dans les crises politiques majeures qui ont secoué la vie de notre Nation comme le coup d’Etat du général Gilbert Diendéré en septembre 2015 et tout dernièrement dans la crise du MPSR. Au-delà de son rôle politique salvateur, nul n’ignore l’important rôle économique, social, culturel et moral de la chefferie coutumière et religieuse qui, comme la navette du tisserand, entrelace les fils du tissu social qui constitue la toile de notre vivre-ensemble. En effet, cette chefferie est au cœur du quotidien des populations dont elle régule les actes de la vie à travers la gestion du foncier, de la justice traditionnelle et de différentes cérémonies (baptêmes, initiations, mariages, funérailles, fêtes coutumières et religieuses, etc.). Incarnant les valeurs traditionnelles et morales dans ce qu’elles ont de plus noble, la chefferie coutumière et religieuse demeure encore largement l’âme de nos sociétés aspirées par le gouffre de la mondialisation. Quelle leçon faut-il tirer de cette action positive des dépositaires de nos traditions ? D’abord, il convient de soustraire la chefferie traditionnelle de la politique. Cette marginalisation positive des dépositaires de nos traditions, les mettrait à l’abri de la manipulation politique et renforcerait leur autorité morale. Ensuite, il faut constitutionnaliser ce pouvoir et prendre des textes pour encadrer l’exercice de ce pouvoir afin de le rendre compatible avec l’Etat de droit républicain. Dans le contexte actuel de la montée des idéologies anti-impérialistes et de la lutte pour la restauration de notre intégrité territoriale, cette chefferie devrait constituer le socle de la définition de l’identité nationale et la rampe de lancement de la lutte pour la reconquête des terres de nos ancêtres car, elle a été, avant l’heure, le garant de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Burkina Faso. Il suffit de se remémorer la résistance héroïque de Naaba Wobgo dit Boukary Koutou, en 1896, ou la révolte des peuples de la Boucle du Mouhoun en 1915-1916.
Sidzabda