ABDOULAYE BADO, VICTIME DE VIOLENCE POLICIERE A REO:« En plus des châtiments corporels, j’ai perdu la somme de 1 800 000 F CFA »
Dans notre parution du lundi 4 au mardi 5 août 2014, nous faisions cas, dans la rubrique Confidences du week-end, d’un certain Abdoulaye Bado qui avait été violenté par une dizaine de policiers en présence de sa femme, de ses deux enfants et de deux autres compagnons, à Réo. Quelques jours après l’incident, exactement le 6 août, nous l’avons rencontré à Koudougou, dans la soirée, alors qu’il revenait de Réo. Au cours de l’entretien, l’homme a dit toujours ignorer les raisons qui ont amené les policiers à l’humilier et à le bastonner copieusement comme un « délinquant » ou un «voleur ». A cet effet, M. Bado a demandé que ces policiers qui, selon lui, ne méritent pas de porter la tenue, soient jugés et condamnés.
« Le Pays » : Vous résidez à Ouagadougou. Qu’êtes-vous allé faire à Réo ce jour 6 août ?
« Je suis parti répondre à l’appel des chefs de terre. Ces derniers, tout comme bon nombre de personnes qui ont pu assister à la scène, ont été indignés par le comportement des policiers. En tout cas, depuis lors, les gens m’appellent de gauche à droite pour me demander pardon. Je salue au passage le soutien de la communauté musulmane qui s’est rendue chez moi à Ouagadougou, pour me demander aussi pardon.
Racontez-nous ce qui s’est réellement passé, le samedi 2 août 2014, jour de l’incident ?
Le maire de la commune de Réo est un ami. Il a organisé une coupe au profit de la jeunesse et dont la finale était prévue pour le samedi 2 août. J’ai donc tenu à y assister. Arrivé au terrain municipal où devait se jouer le match, j’ai continué directement pour me garer. Et c’est au moment de me garer que le véhicule a soulevé un peu de poussière. En face, se trouvait un policier à qui j’ai présenté mes excuses et qui a, du moins, hoché la tête en guise de réponse. Après cela, je me suis installé pour suivre mon match. Au finish, c’est mon équipe qui avait gagné et grande était ma joie. Lorsque je suis reparti pour prendre mon véhicule, le policier à qui j’ai présenté les excuses, a relevé l’immatriculation de ma voiture. Après le terrain, je suis allé chez le maire pour la réception. Là encore, un de mes amis est parti demander pardon aux policiers. C’est lorsque j’étais sur le chemin de retour avec ma femme, mes enfants, un ami et un journaliste pour Ouagadougou, que les policiers m’ont arrêté sur le goudron. Et en bon citoyen, j’ai obtempéré en sortant de mon véhicule. Ils ont commencé à me violenter en me jetant sur le goudron. Comme si cela ne suffisait pas, ils ont cogné ma tête contre le goudron. Quand bien même ils continuaient leur violence, je leur demandais ce que j’avais fait pour qu’ils en viennent à me traiter comme un délinquant ou un voleur. Faire sortir quelqu’un de son véhicule et le violenter, de surcroît des soi-disant forces de l’ordre (soupirs), moi je n’en ai jamais vues. Ma femme, mes deux enfants, mon ami et le journaliste, ont tous été mis à l’écart sous des menaces. Mon petit garçon et ma petite fille, qui criaient « papa », ont même reçu un coup de pied. Et quand le journaliste a voulu les en dissuader, leur chef a répliqué en ces termes : « Je m’en fous de journaliste. Moi, je ne fais qu’exécuter des ordres », touten ajoutant que c’est leur chef qui a demandé de m’arrêter. Sachant que les gens viendront quand ma femme a commencé à crier, ils m’ont menotté et jeté dans leur véhicule pour me conduire au commissariat. Je me demande toujours pourquoi cela ? Nous sommes dans un Etat de droit et on sensibilise à chaque fois la population à ne jamais se faire justice. Cette fois, ce sont des forces de l’ordre qui ont dérogé à la règle.
Que comptez-vous faire maintenant ?
Il faut que ces policiers soient jugés et condamnés. Bientôt, je déposerai une plainte auprès du Procureur du Faso. J’en ai déjà déposé une à la gendarmerie de Réo. Dans cette violence, en plus des châtiments corporels et de la honte, j’ai perdu la somme de 1 800 000 F CFA, un portable de 425 000 F CFA et une montre d’une valeur de 125 000 F CFA. Ces hommes ne méritent pas de porter la tenue car ils ternissent l’image de la Police nationale. Donc, il faut que la loi soit appliquée, car nul n’est au- dessus d’elle.
Quel est l’état actuel de votre santé ?
En tous cas, je ne me porte pas bien. J’ai fait beaucoup d’examens radiologiques mais, pour l’instant, les résultats ne sont pas encore disponibles. Je fais tout cela à mes propres frais. Même le jour de l’incident, quand j’ai été au district sanitaire, c’est moi qui ai payé toutes les ordonnances.
Quelle est votre principale préoccupation ?
Ma seule préoccupation, aujourd’hui, est que le droit soit dit quand le dossier sera en Justice. Par ailleurs, je salue la grandeur d’esprit des jeunes qui ont su raison garder en écoutant leurs aînés. Sinon, ils étaient prêts à mettre à sac le commissariat. Mais tous ont compris que cela ne servirait à rien, car en brûlant le commissariat, c’est la localité qui perd et non les policiers qu’on peut d’ailleurs affecter dans une autre localité. Aussi, j’invite les autorités à prendre des dispositions pour assainir les rangs des forces de l’ordre car, dans la plupart des cas, ils sont à la base de situations qui mettent en péril la paix et la cohésion sociale au Burkina Faso.
Propos recueillis par Modeste BATIONO
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Pardon? Oui! mais après réponse à ces questions.Ceux qui demandent pardon sont-ils prêts à porter la responsabilité des futures bavures? ou peuvent-ils se porter garants que de tels comportements ne se reproduiront plus?
13 août 2014Monsieur Ouédraogo a déjà sa douleur, on n’y peut plus rien, mais il peut faire quelque pour qu’un autre fils du pays ne soit encore victime. Ceci est même une obligation morale. C’est cette obligation qu’il faut voir et non une envie de rendre la monnaie de le pièce.
Que celui qui dresse un obstacle à l’action de M. BADO devant toutes les autorités sache qu’il a sa contribution dans le traumatisme d’enfants dont les parents seront victimes de prochaines bavures. Ils n’ont pas idée de ce que c’est pour un enfant de voir son géniteur se faire tabassé sans secours. Ces enfants sont marqués à vie!
Faisons tout ce qui peut être fait pour que cela n’arrive plus! “Plus jamais ça” c’est inscrit quelque part dans le pays!