ACCORD ENTRE WASHINGTON ET PYONGYANG:
Après la Corée du Nord, Trump sortira-t-il les Etats africains de leur statut de « pays de merde » ?
Depuis hier, 12 juin 2018, le monde vit une nouvelle page des relations entre les Etats-Unis d’Amérique et la Corée du Nord, qui sont passées en quelques semaines d’exécrables à bonnes, voire très bonnes, à en juger par les mines décontractées à la limite de l’exubérance des deux chefs d’Etat qui ont paraphé un accord sur la dénucléarisation de la péninsule nord-coréenne. Ainsi, après la période des intimidations et autres propos injurieux qui avaient fait craindre le pire, les deux dirigeants qui se regardaient jusque-là en chiens de faïence, semblent avoir trouvé un modus vivendi sur leur désaccord au point de laisser penser, à s’y méprendre, qu’ils ont toujours filé le parfait amour. Et pourtant, Dieu seul sait si le monde est passé non loin de la catastrophe, tant l’un et l’autre se défiaient par rapport à la grosseur de leur bouton nucléaire.
Les «ennemis » d’hier ne sont pas loin de paraître les meilleurs amis d’aujourd’hui
En effet, pour le président américain, la Corée du Nord était, pourrait-on dire, jusqu’à la date d’hier, un « pays de merde » dirigé par un « petit gros » prétentieux, un « fou » dont la « dictature perverse » ne pouvait cependant pas faire « chanter le monde ». De son côté, le dirigeant nord-coréen n’y était pas allé de verbe mou dans ses amabilités envers Donald Trump qu’il n’a pas hésité à traiter de « vieux » « gâteux mentalement dérangé » ou de « chien enragé ». Il ne restait plus que les deux dirigeants se règlent les comptes à l’arme nucléaire pour que la planète entière en prenne pour son existence. Mais depuis la poignée de main historique de Singapour entre les deux chefs d’Etat, c’est un revirement spectaculaire à 360° entre les « frères ennemis » d’hier qui ne sont pas loin de paraître pour les meilleurs amis d’aujourd’hui. Et pour cause. L’accord sur la dénucléarisation de la péninsule nord-coréenne est passé par là.
Toutefois, la question que l’on pourrait se poser, est celle de savoir jusqu’où et jusqu’à quand cet accord tiendra. Et pour causes.
Primo, la stratégie par laquelle l’on a abouti à l’accord, est une stratégie de menaces, où les deux protagonistes jouaient à se faire peur. Aussi peut-on se demander quelles chances de succès pour cet accord obtenu dans un tel contexte qui frise le chantage. Secundo, connaissant le caractère bien trempé des deux personnages qui sont aussi versatiles que lunatiques, l’on peut encore s’interroger sur la consistance et la durabilité d’un tel accord. Tertio, le président américain, Donald Trump, a jusqu’ici tellement donné de lui l’image d’un homme instable, qui tweete plus vite que son ombre, que l’on se demande si du jour au lendemain, il ne risque pas de servir au monde l’un de ces retournements spectaculaires d’opinion dont lui seul a le secret.
Malgré tout, le locataire de la Maison Blanche et celui de la Résidence Ryongsong ont, tous autant qu’ils sont, besoin de la durabilité de cet accord. Le premier, Donald Trump, pour d’abord marquer véritablement son assise dans son pays en vue de se donner des chances d’une éventuelle réélection. Ensuite, après avoir échoué avec ses partenaires occidentaux du G7, il ne pouvait se permettre un deuxième échec sans écorner véritablement son image. Quant au second, le Coréen, il a besoin de la survie de son régime et son parrain, la Chine, a aussi besoin que cet accord tienne la route pour ne pas risquer un éventuel enrhumement en cas d’éternuement de son voisin nord-coréen.
Il n’est pas exclu que le locataire de la Maison Blanche se découvre une nouvelle ambition
Cela dit, maintenant que le grand blond président américain semble avoir « dompté » son fougueux adversaire nord-coréen, l’Afrique peut-elle rêver qu’il se prenne d’intérêt pour le continent pour le débarrasser de ses dictateurs ? Rien n’est moins sûr ! Surtout que Trump n’en fait pas une priorité de son gouvernement. Mais cela n’est pas non plus à écarter totalement du revers de la main et pour cause : le cas nord-coréen constituait une grosse épine au pied de l’Oncle Sam. Maintenant qu’elle est sur le point d’être arrachée, il n’est pas exclu que le locataire de la Maison Blanche, qui se présente plutôt comme un homme de défis, se découvre une nouvelle ambition, celle de mettre au pas les satrapes du continent. Cela serait d’autant plus bénéfique pour les peuples africains opprimés que la diplomatie de la menace et de la pression de l’homme semble invariablement et imparablement faire mouche. Or, les dictateurs ne comprennent que le langage de la force. En outre, Donald Trump a l’avantage d’être direct et de ne pas louvoyer, contrairement à ceux que l’on connaît ; suivez notre regard… Et s’il a pu traiter les Etats africains de « pays de merde », c’est que quelque part, il ne se satisfait pas de la gouvernance des dirigeants africains. C’est pourquoi l’on peut être porté à penser et surtout espérer qu’avec ce front asiatique en moins, il puisse s’investir pour faire bouger les lignes sur un continent où son pays, quoi que l’on dise, a aussi de grands intérêts à défendre. En tout cas, les démocrates du continent en nourrissent le secret espoir.
En attendant, l’un des avantages que les pays africains peuvent déjà tirer de cette décrispation entre Washington et Pyongyang, c’est le rétablissement de relations diplomatiques et commerciales plus saines avec la Corée du Nord ; certains pays ayant été obligés, au plus fort de la crise, de suspendre leurs relations commerciales avec la péninsule asiatique, pour ne pas prendre le risque de tomber sous le coup de sanctions américaines. C’est déjà cela de gagné.
« Le Pays »