ACHILLE TAPSOBA, PRESIDENT PAR INTERIM DU CDP : « Nous allons toujours lutter contre toute tentative de caporalisation des ressources publiques»
A l’occasion de ses 72 heures, la jeunesse du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a organisé, le 8 juillet 2017 à Ouagadougou, un panel sur le thème : « Les défis de la jeunesse pour un Burkina meilleur, réconcilié et reconstitué ». Le panel a été animé par Dr Abdoul Karim Sango, en présence des ténors de l’ancien parti au pouvoir.
Quelles sont les actions que doit mener la jeunesse pour réconcilier les fils et filles du Burkina Faso ? C’est pour trouver réponse à cette interrogation que la Coordination nationale des jeunes du CDP a organisé, le 8 juillet dernier, un panel qui a connu la participation des ténors du CDP. Une occasion pour ces derniers, de titiller leurs anciens camarades actuellement au pouvoir. Et l’allocution qui aura le plus marqué les esprits, fut celle de Achille Tapsoba, président par intérim du CDP. Le moins que l’on puisse dire, c’est que celui-ci semble remonté contre la façon dont le pays est actuellement géré. « Devant le peuple burkinabè et devant l’histoire, nous allons toujours reconnaître nos erreurs dans la gestion des affaires publiques. Nous le reconnaîtrons courageusement et de manière responsable. Mais, nous allons toujours lutter contre toute tentative de caporalisation des ressources publiques par un club d’amis et de copains qui sont des coquins politiques. Nous sommes convaincus que la jeunesse sera vigilante et s’opposera au pillage des ressources. Si on a eu le courage de dénoncer la patrimonialisation du pouvoir en son temps, pour attaquer un système (NDLR : géré par Blaise Compaoré), on ne doit plus être en mesure de prôner la privatisation des ressources publiques et des investissements publics. Nous sommes là et nous demeurons vigilants », a-t-il soutenu. A son avis, la Haute cour de Justice devant laquelle sont traduits certains membres de son parti, en l’occurrence les ministres du dernier gouvernement du régime de Blaise Compaoré, n’est pas, jusqu’à preuve du contraire, habilitée à les juger. « Ce qui est à déplorer, ce n’est pas le fait d’être traduit devant les juridictions, mais ce qu’il faut déplorer, c’est la nature de la juridiction devant laquelle on vous traduit. En conséquence, nous disons à tous nos camarades militants du CDP qui sont traduits de façon injuste devant les juridictions, que la justice de Dieu tranchera (…). Nous sommes sûrs d’une chose, seule la vérité triomphera. La vérité politique, la vérité historique et la vérité juridique», a-t-il laissé entendre. Embouchant la même trompette, le Coordonnateur national des jeunes du CDP, Mathias N. Ouédraogo dit Mathico, a appelé ses camarades à faire preuve de vigilance. « Le peuple burkinabè a été manipulé et trahi. Pendant que leurs enfants sont à l’extérieur, ils nous utilisent, nous les jeunes, contre nous-mêmes. Nous, les jeunes du CDP, nous ne serons pas manipulés», a-t-il dit. Saluant l’initiative des jeunes, le président de la Commission ad’hoc chargée de réorganiser les structures du CDP, Léonce Koné, les a appelés à plus de responsabilité. « Vous n’êtes pas dans la politique pour Blaise Compaoré seulement. Vous êtes dans la politique pour vous-mêmes et pour votre pays », a-t-il lancé aux jeunes. Pour lui, il ne s’agit pas de s’engager seulement dans la politique, il faut aussi se former pour connaître les enjeux réels du pays. De son point de vue, ces enjeux portent sur les droits humains, l’économie, la politique, la transition numérique, l’intégration. En un mot, a-t-il dit, le développement du pays.
« Les élections, ce n’est pas de la démocratie »
Dans sa communication, le conférencier, Dr Abdoul Karim Sango, enseignant à l’Ecole nationale de la magistrature (ENAM), a exhorté les jeunes à cultiver des valeurs si, a-t-il ajouté, ils veulent réellement relever le défi d’un Burkina Faso réconcilié et reconstitué. « La jeunesse doit se poser deux ou trois questions fondamentales, si évidemment elle veut relever les défis d’un Burkina Faso meilleur, réconcilié et reconstitué. La première de ces questions, c’est : quelles sont nos motivations, lorsque nous décidons de nous engager en politique ? La jeunesse est-elle engagée pour soutenir un homme ? Est-ce que la jeunesse est engagée en politique pour soutenir une idée ? Est-ce qu’elle est
engagée pour soutenir des valeurs ? Si elle est engagée, comme cela a toujours été le cas jusque-là, pour soutenir un homme, elle ne relèvera jamais les défis d’un Burkina Faso meilleur, réconcilié et reconstitué », a-t-il indiqué. Par contre, a-t-il poursuivi, si elle est engagée au nom d’une idée ou de valeurs, elle a des chances, à ce moment, d’œuvrer pour un Burkina Faso meilleur, reconstitué et réconcilié. Mais quelles sont donc ces valeurs ? De l’avis du Dr Abdoul K. Sango, l’une de ces valeurs fondamentales, c’est la démocratie fondée sur le socle de l’égalité, l’acceptation de la diversité des opinions et la redevabilité. « La grande difficulté que le Burkina Faso ou du moins que l’Afrique rencontre, c’est que nous passons le temps à changer des individus. Or, le vrai problème, c’est le rapport aux valeurs. Ces valeurs sont l’engagement ferme pour la défense de l’idéal démocratique. Car, la démocratie, dans son essence, signifie que dans la société, aucun individu ne peut être supérieur à un autre. Autrement dit, la démocratie, c’est le seul régime qui assure l’égalité entre les membres de la communauté. Il ne s’agit pas de la démocratie artificielle qui consiste en l’organisation des élections. Car, les élections, ce n’est pas de la démocratie. Il s’agit de la démocratie bâtie au nom de l’égalité, au nom de la liberté, au nom de la culture de rendre compte, au nom de l’acceptation des opinions, même celles qui nous choquent, mais qui nous sont contraires », a-t-il affirmé. A son avis, l’autre valeur fondamentale que la jeunesse doit cultiver pour relever le défi d’un Burkina Faso réconcilié et reconstitué, c’est l’attachement aux valeurs positives des cultures africaines. Car, a-t-il fait savoir, un des grands problèmes de la jeunesse de l’Afrique, c’est le rapport à la culture. « Or, un être qui s’ignore est un être vide de sens. Notre culture a des insuffisances certes, mais elle a de nombreuses valeurs, notamment la tolérance, la solidarité, le respect des aînés, le respect de la femme et l’éducation des jeunes », a-t-il fait remarquer. A cela, s’ajoute, selon ses propos, l’amour du travail bien fait. « L’amour du travail bien fait, c’est ce que chacun de nous doit cultiver. Le problème de la jeunesse burkinabè aujourd’hui, est lié à l’environnement général créé par des aînés, qui n’est rien d’autre que la recherche de la facilité. On veut tout à la fois ici et maintenant. Il faut que la jeunesse se mette au travail. Et aujourd’hui, il y a de nombreuses opportunités pour se former. Il faut exploiter toutes ces opportunités », a-t-il proposé à la jeunesse du CDP.
Mamouda TANKOANO