HomeA la uneADAMA KANAZOE, PRESIDENT DE L’AJIR A PROPOS DE SA NOMINATION A LA PRESIDENCE : « Il n’y a pas de mélange de genres »

ADAMA KANAZOE, PRESIDENT DE L’AJIR A PROPOS DE SA NOMINATION A LA PRESIDENCE : « Il n’y a pas de mélange de genres »


Président de l’Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République (AJIR) et candidat malheureux à la présidentielle de 2015, il a ensuite rejoint la majorité présidentielle à travers l’Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle (APMP). Quelque temps après, Adama Kanazoé, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est nommé conseiller spécial du chef de l’Etat chargé du secteur privé et des Objectifs de développement durable (ODD). Un choix stratégique ou une manière de signer la « mort » de son parti ? Le président de l’AJIR répond à ces questions dans cet entretien qu’il nous a accordé, le 3 novembre 2016, à Kosyam. Son rôle auprès de chef de l’Etat et ce qu’il entend faire afin d’accomplir sa mission, sont également des questions sur lesquelles Adama Kanazoé est revenu. Lisez !

 

« Le Pays » : En quoi consiste votre travail auprès du président du Faso ?

 

Adama Kanazoé : Effectivement, c’est au mois d’août dernier que le chef de l’Etat m’a nommé au poste de conseiller spécial chargé du secteur privé et des Objectifs de développement durable (ODD). L’objectif, à travers cette nomination, c’est d’envoyer un signal fort sur son engagement pour la promotion du développement durable et conforter cette position qui veut que le secteur privé soit le moteur de la croissance économique, ce d’autant que l’Etat ne peut pas tout faire. Donc, l’investissement privé doit être un élément fondamental pour que nous puissions atteindre les objectifs de développement au profit du peuple. Donc, c’est dans cette vision que le chef de l’Etat a voulu que je l’accompagne. C’est une bonne opportunité pour moi et je dis encore merci au chef de l’Etat pour le choix porté sur ma modeste personne. C’est un signal fort qui est également envoyé à l’ensemble de la jeunesse pour sa participation. C’est un appel qui montre à la jeunesse qu’elle a un rôle fondamental à jouer et que chacun se tienne prêt car, chacun pourra désormais être appelé dans les plus hautes sphères de la gestion de ce pays. Le renouvellement de la classe politique et la gestion de la relève politique sont une volonté réelle du chef de l’Etat. Mon rôle consiste essentiellement à travailler auprès du chef de l’Etat. Spécifiquement, il s’agit de pouvoir suggérer au chef de l’Etat des idées allant dans le sens de la politique globale qu’il a définie, notamment dans le secteur privé. C’est de travailler à ses côtés afin que nous puissions créer le meilleur environnement possible pour l’investissement privé au Burkina Faso. Il faut dire que le secteur privé est transversal. Et les ministères techniques chargés de la mise en œuvre de ces politiques sont dans la partie opérationnelle. Nous, nous sommes dans la partie stratégique et de réflexion. C’est à travers ce cadre que nous apportons notre contribution auprès du chef de l’Etat pour définir les meilleures approches possibles dans la définition des politiques publiques. C’est également le cas pour les ODD. Ma mission auprès du chef de l’Etat, c’est d’être à ses côtés et s’assurer que dans chaque politique publique, des ODD sont pris en compte. C’est surtout pouvoir effectuer ce travail de suivi et d’évaluation pour nous assurer que l’impact qui est attendu, se traduit dans la réalité. C’est donc un rôle d’accompagnement du chef de l’Etat et surtout de suivi de tous les dossiers qu’il voudra bien nous confier.

 

Vous l’avez dit, c’est un rôle d’accompagnement, mais on ne s’attendait pas à ce que ce soit vous. Surtout quand on sait que vous avez été candidat à la présidentielle, avec votre programme personnel.

 

Je pense qu’il n’y a pas véritablement d’antagonismes entre la casquette d’homme politique et l’aptitude de tout citoyen à apporter sa contribution au développement de son pays. Le chef de l’Etat aurait pu appeler n’importe quel autre Burkinabè, parce que nous devons être à sa disposition pour travailler pour le développement. Donc, je ne pense pas qu’il y a un élément particulier à cette nomination. C’est juste une confiance que le chef de l’Etat a eue en nos capacités pour l’accompagner dans ce domaine. Notre rôle, c’est de lui prouver qu’il n’a pas eu tort. La confiance qu’il a placée en nous est donc une confiance qu’il va falloir mériter. C’est la seule motivation à notre niveau. Pour le reste, c’est à nous de travailler dur et de faire en sorte que cette confiance puisse être étendue à la jeunesse burkinabè. Car, à travers nous, c’est toute la jeunesse que s’engage.

 

Ne pensez-vous pas que cela pourrait porter quand même un coup à la vie de votre parti ?

 

Non, parce qu’il y a deux vies.  Ici, j’assume les fonctions de conseiller spécial du chef de l’Etat. Cela est une chose. Et d’autre part, il y a la vie du parti politique que je dirige. Il n’y a pas de mélange de genres. Ce sont deux perspectives différentes et je pense que l’animation de la vie politique qui est un rôle dévolu à mon parti politique, se fait de façon individuelle et dans le cadre de l’Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle (APMP). Mon rôle de conseiller spécial est apolitique et il s’agit d’apporter des idées et contribuer au développement du pays, pour tous les Burkinabè. A ce niveau, il n’y a pas de clivage politique qui tienne.

 

Cela dit, comment se porte l’AJIR ?

 

« Nous prenons au mot le Chef de file de l’Opposition »

 

Le parti se porte bien. Toutes les structures fonctionnent normalement. Le parti est en train de travailler dans le cadre de la politique d’amélioration de sa représentativité nationale. Le parti réfléchit, avec d’autres acteurs, sur des stratégies qui vont lui permettre de porter notre représentativité à un niveau supérieur. Je ne peux pas vous en dire plus, mais très bientôt, vous serez au parfum de tout ce qui se prépare au niveau de l’AJIR.

 

Vous qui avez été au Chef de file de l’opposition politique (CFOP), que pensez-vous de la création de la CODER               ?

 

J’ai écouté le chef de file de l’Opposition politique qui, lui-même, a dit de ne pas s’alarmer. Le CFOP n’empêche pas aux partis membres qui ont des affinités de pouvoir s’unir. L’important, c’est qu’ils fassent tous partie d’une entité qui s’appelle CFOP. Nous prenons au mot le Chef de file de l’Opposition et nous considérons que ce n’est pas une situation très alarmante. Mais au-delà, ce que nous pouvons observer, c’est que certaines de nos appréhensions sont confirmées. Nous avions, depuis le départ pensé qu’il serait très difficile pour nos camarades de l’ex-CFOP avec lesquels nous avons travaillé pour empêcher le projet du président Blaise Compaoré, de cohabiter de façon durable avec les partis de l’ex-majorité qui ont accompagné ce projet qui a plongé notre pays dans des situations très difficiles. N’eussent été la clairvoyance et la hauteur d’esprit des Burkinabè, la situation aurait pu être pire. Aujourd’hui, nous constatons qu’il y a deux camps. D’un côté, nous avons clairement les ex-insurgés et de l’autre, nous avons l’ex-majorité.

 

Vous avez dit qu’auprès du chef de l’Etat, votre intervention est plutôt stratégique pour le développement du secteur privé. Alors, quelle pourrait être la stratégie à mettre en place pour éponger la dette intérieure, quand on sait que beaucoup d’entreprises souffrent de ce problème ?

 

Sur la question de la dette intérieure, le gouvernement a été assez précis. Toutes les dettes qui respectent l’ensemble des procédures, sont pour la plupart dans un processus de règlement. Mais, il y a des dettes qui sont des dettes à problèmes parce que les entreprises ne disposent pas soit de certains documents soit elles n’ont pas suivi toutes les procédures. Ce sont des dettes pour lesquelles il est difficile de procéder aux règlements. Mais l’un dans l’autre, des solutions sont en train d’être trouvées par le ministère en charge des Finances afin que toutes les dettes soient payées et que partout, l’Etat burkinabè ne soit pas redevable. Il n’est pas non plus acceptable que les deniers publics assez maigres soient dilapidés. Nous sommes d’accord que la dette intérieure est un facteur qui peut être bloquant pour la bonne marche de l’économie et c’est une question qui doit être résorbée. Après, il y a l’environnement global des affaires au Burkina Faso qu’il faut voir également. A ce niveau, le dernier classement du Doing business nous a fait reculer de 3 points. C’est assez grave comme situation. Nous avons donc pris attache avec les services de la Banque mondiale pour comprendre ce qui n’a pas marché puis voir dans quelle mesure le problème peut être résolu très rapidement. Aussi, au Burkina Faso, il y a eu un ensemble de colloques et de séminaires sur le secteur privé, sa contribution au développement et le cadre dans lequel il doit évoluer. Il existe aujourd’hui beaucoup d’éléments, mais qui sont disparates. Nous avons suggéré au chef de l’Etat de travailler à l’harmonisation et à la consolidation de l’ensemble des recommandations prises. Cela, afin que nous puissions élaborer une feuille de route définitive qui, avec l’assistance des services techniques et les PTF, sera mise en place. Aussi, pour que nous puissions dessiner le meilleur écosystème pour un secteur privé attractif, dynamique et rentable au Burkina Faso. C’est ce que nous entendons faire pour que le secteur privé puisse jouer son rôle de moteur de développement économique et social.

 

En tant qu’observateur, dites-nous quels sont, selon vous, les véritables maux qui minent le secteur privé burkinabè ?

 

Il y a beaucoup de choses. Entre autres, le coût élevé des facteurs de production. Mais au-delà, c’est un changement structurel de notre économie qu’il faut entreprendre. C’est pour cela que les questions d’investissement dans les énergies renouvelables pourront nous permettre de résorber quelque peu cette question d’accès aux facteurs de production. En plus de cela, il faut souligner le fait que le pays n’a pas accès à la mer. Cela fait que certaines matières premières peuvent nous revenir plus chères. Il faut travailler à amoindrir ces différents coûts. Il y a également l’accès au financement des PME et PMI qui n’arrivent pas à mettre en œuvre leurs différents projets. Les problèmes sont nombreux, mais pour la plupart, ils ont été traités dans plusieurs rencontres au plan national comme au plan international. C’est pourquoi nous entendons consolider tout cela et dessiner avec tous les acteurs le meilleur écosystème qui soit bon pour les acteurs du privé et pour l’Etat.

 

« La norme veut que nous soyons à la disposition du peuple burkinabè »

 

En tant que conseiller, vous avez entrepris des sorties auprès de certains acteurs de PME et PMI. En quoi consiste cette démarche ?

 

Des jeunes que j’ai reçus, ici, m’ont dit qu’ils étaient très surpris et impressionnés par la facilité avec laquelle ils ont été reçus. Peut-être que les 27 ans de règne de l’ancien régime nous ont fait croire que ce qui était normal est anormal. Sinon, la norme veut que nous soyons à la disposition du peuple burkinabè. Le chef de l’Etat ne peut pas être accessible à tout le monde. Si ses conseillers ne sont pas non plus accessibles, cela pose problème. En tant que conseiller du chef de l’Etat, nous devons avoir les meilleures informations pour pouvoir l’accompagner. Pour pouvoir l’aider dans ses prises de décisions, il faut que nous allions à la rencontre des acteurs. On ne peut pas s’asseoir dans son laboratoire et imaginer ce que tout le monde pense et venir raconter des choses qui ne sont pas réelles. C’est cette fâcheuse tendance à raconter des choses qui ne sont pas vraies aux partenaires comme au chef de l’Etat, qui induit en erreur ces derniers. Nous avons donc décidé d’aller au contact des acteurs afin de nous imprégner de la réalité et formuler des recommandations pour faciliter sa prise de décision. Nous avons l’intention de multiplier ces rencontres et de créer le lien avec l’ensemble des acteurs. Il faut dire que ces acteurs sont très heureux de savoir que le chef de l’Etat est engagé auprès d’eux. Donc, la rencontre avec les jeunes acteurs des PME et PMI est une manière de recueillir l’information, mais aussi de leur dire que l’Etat les suit et leur faire comprendre qu’ils ne sont pas oubliés. Leur contribution, aussi petite soit-elle, joue un rôle pour l’équilibre global de notre économie.

 

Ces acteurs ont également besoin d’accompagnement, notamment en ce qui concerne le volet formation professionnelle. Comment comptez-vous intervenir pour les aider à bénéficier de ces appuis ?

 

Les questions de la formation et d’accès au financement sont des questions récurrentes. Dans le PNDES, ce sont des éléments qui sont pris en compte avec également la question de l’adéquation de l’offre et de la demande en terme de qualification. L’accompagnement des différents acteurs pour qu’ils se perfectionnent davantage dans leurs domaines, est également un élément fondamental et est pris en compte. Lors des travaux de consolidation des recommandations qui seront entrepris bientôt, nous comptons mettre l’accent sur ces aspects. Nous entendons mener le plaidoyer nécessaire pour que la formation continue soit un acquis afin que les acteurs soient beaucoup plus productifs.

 

Depuis que vous avez été nommé, comment vous sentez-vous dans votre peau de conseiller ?

 

C’est une véritable responsabilité parce que vous êtes censé faire des recommandations au chef de l’Etat, dans l’intérêt de tout un peuple. Vous prenez la pleine mesure de cette responsabilité et en même temps, vous vous approchez de la gestion de l’appareil de l’Etat. Ce qui vous permet de vous rendre compte de certaines réalités. Vous pouvez donc constater les difficultés et l’ampleur du travail. Je dois dire aussi que c’est en même temps stimulant, ce d’autant plus que nous avons l’occasion d’apporter notre contribution et c’est une occasion pour nous, de mettre en œuvre un pan de ce que nous pensons être bien dans la gestion de notre pays. C’est beaucoup d’enthousiasme et d’optimisme également. C’est une belle expérience et je pense que nous allons sortir encore plus aguerri pour les combats futurs.

 

Propos recueillis par Adama SIGUE

 

 


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