HomeA la uneAFFAIRE KHALIFA SALL : La Justice sénégalaise joue sa crédibilité

AFFAIRE KHALIFA SALL : La Justice sénégalaise joue sa crédibilité


Après l’affaire Karim Wade, du nom du fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, qui avait fait couler beaucoup d’encre et de salive, la Justice sénégalaise fait face à un nouveau défi qui implique une personnalité politique de haut rang, Khalifa Sall, député-maire de Dakar et candidat déclaré à la présidentielle de 2020, poursuivi pour « détournement de fonds publics ». Quand on sait que la gestion de tels dossiers n’est pas une sinécure, il y a lieu de croire que la Justice sénégalaise, dans cet autre dossier judiciaire et pas des moindres, joue gros. D’autant plus que dans ce genre de dossiers, il n’est pas toujours aisé de dégager la ligne de démarcation entre le politique et le purement judiciaire pour des personnalités de cette trempe dont les supporters sont souvent enclins à crier à la cabale politique.

Il faut espérer que les choses se passent dans les règles de l’art

Cela dit, après deux reports, le procès du maire de la capitale sénégalaise s’est enfin ouvert, hier, 23 janvier 2018, à Dakar. Dans un palais de justice plein à craquer, l’on enregistrait la présence de personnalités de haut rang comme le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, ou encore Idrissa Seck, le leader de Rewmi, appelés à intervenir dans ce jugement en qualité de témoins.  C’est dire si ce procès qui suscite l’intérêt et aiguise les passions au pays de la Téranga, est loin d’être un épiphénomène. C’est pourquoi il était temps d’y aller le plus vite possible, pour libérer les Sénégalais du poids de ce procès qui ne cesse d’empoisonner la vie politique et dont tout le monde est curieux de connaître le fin mot de l’histoire. D’abord, pour l’accusé lui-même, qui ne cesse de clamer son innocence, l’ouverture de ce procès est une bonne chose. Surtout si au bout du processus, il en sort blanchi. Pour l’accusation ensuite,  l’ouverture de ce procès est pain bénit puisque, sûre de ses arguments, elle ne demandait qu’à aller au fond du dossier. Pour la Justice sénégalaise enfin, c’est un autre défi à relever pour montrer son indépendance ; elle qui est quelquefois accusée, à tort ou à raison, d’être inféodée au pouvoir. Cela dit, il faut déjà saluer l’ouverture de ce procès qui n’avait, du reste, que trop traîné. Reste maintenant à espérer que les choses se passent dans les règles de l’art car, même si le pouvoir s’en défend, d’aucuns ont vite fait de voir derrière ce jugement, un procès politique visant à briser un adversaire politique. C’est pourquoi la Justice sénégalaise qui est appelée à jouer les arbitres et à conduire le dossier, joue sa crédibilité aux yeux de nombreux Sénégalais. En effet, de sa capacité à se mettre au-dessus de la mêlée et à se placer dans une posture d’impartialité, dépendra l’adhésion du public au verdict qu’elle prononcera. Et son président semble l’avoir compris ; lui qui a promis à la défense un procès juste et équitable. Quoi qu’il en soit, il ne fait plus l’ombre d’un doute que le procès de Khalifa Sall est très attendu au Sénégal. D’autant plus que le bourgmestre de la capitale, en rupture de ban avec sa famille politique, le Parti socialiste (PS), semble y jouer son avenir politique. En effet, si au terme du procès Khalifa Sall venait à être blanchi, nul doute qu’il en tirerait des dividendes politiques, peut-être même  au-delà de ses espérances, qui pourraient lui ouvrir les portes du Palais de la République. Mais en cas de condamnation, cela pourrait aussi sonner à court ou à moyen terme le glas de ses ambitions présidentielles.

On peut se demander si l’affaire Khalifa Sall connaîtra un dénouement à la Karim Wade

A la vérité, les choses semblent se compliquer pour le député-maire de la capitale sénégalaise.  En effet, après ses déboires au sein de son propre parti politique, le PS, dont il a, du reste, été exclu en fin décembre dernier alors qu’il était déjà en détention, l’édile de la capitale sénégalaise pourrait voir de nouvelles tuiles lui tomber sur la tête, si la constitution du conseil municipal de ladite ville en partie civile contre lui dans ce procès, était actée. C’est pourquoi il y a lieu de croire que Khalifa Sall a vraiment du mouron à se faire. En tout état de cause, si le Sénégal a plus d’une fois su prouver à la face du monde qu’il est l’une des démocraties les plus avancées du continent, il reste que certains faits donnent quelquefois le sentiment que bien des affaires judiciaires impliquant des personnalités politiques de haut rang se dénouent en coulisses dans les couloirs du palais présidentiel, sans que le citoyen lambda puisse véritablement saisir tous les tenants et les aboutissants du verdict prononcé. En tout cas, l’on a encore en mémoire l’exemple de l’ex-ministre du Ciel et de la terre d’Abdoulaye Wade que l’on a vu, dès sa sortie de prison,  « s’éloigner du Sénégal et s’abstenir provisoirement de toute expression publique », après la grâce présidentielle dont il a bénéficié en 2016, dans les conditions que l’on sait. C’est pourquoi l’on peut se demander si au bout du compte, l’affaire Khalifa Sall connaîtra un dénouement à la Karim Wade, c’est-à-dire par un de ces arrangements politico-judiciaires aux allures de gentlemen agreement dont seuls les politiciens ont le secret. L’on attend de voir.

« Le Pays »


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