AFFAIRE NORBERT ZONGO : 26 ans après, la vérité se fait toujours attendre
13 décembre 1998 – 13 décembre 2024. Cela fait vingt-six ans que le journaliste Norbert Zongo a été assassiné au Burkina Faso. Et après tant d’années, la vérité se fait d’autant plus attendre que le dossier reste toujours pendant en Justice, après avoir connu de nombreux rebondissements en plus de deux décennies. Sous le régime de Blaise Compaoré, on se rappelle les péripéties du dossier qui avait tenu en haleine le pays tout entier qui était en ébullition. Toujours est-il que le traitement du dossier judiciaire avait abouti, en 2006, à la prononciation d’un non-lieu qui en avait choqué plus d’un au-delà même des frontières du pays des Hommes intègres. Un acte qui s’apparentait, pour de nombreux défenseurs des droits humains, à un déni flagrant de justice dans ce dossier hautement sensible qui mettait en cause la famille présidentielle, avec comme principale figure de crispation, François Compaoré, le frère cadet du président Blaise Compaoré. Il a fallu la chute et la fuite de l’enfant terrible de Ziniaré, pour que le dossier connaisse un nouveau développement, après sa réouverture, en 2015, par les autorités de la Transition d’alors.
Les conditions d’une bonne coopération judiciaire ne sont pas réunies
Une réouverture qui s’est traduite par la désignation d’un nouveau juge d’instruction et la mise à sa disposition de moyens conséquents pour la conduite du dossier, ainsi que l’indemnisation des ayant-droits de Norbert Zongo et ses compagnons d’infortune. Sous le président Roch Marc Christian Kaboré, le dossier avait connu des avancées notables en vue de l’extradition de François Compaoré depuis la France où il avait été alpagué en 2017, en exécution d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités burkinabè à son encontre dans l’enquête sur le meurtre du célèbre journaliste. Les autorités françaises avaient, dans un premier temps, accepté de le renvoyer à Ouagadougou pour y être jugé. Le gouvernement français avait même autorisé son extradition en 2020, avant de se rétracter quelques années plus tard et d’annuler son décret d’extradition. C’était en décembre 2023, à la suite d’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui a émis des doutes sur le respect des droits fondamentaux de l’accusé. La raison fondamentale est le « changement de contexte » au Burkina Faso où une nouvelle transition s’est ouverte depuis 2022. Si l’on ajoute à cela la nature des relations qui ne sont plus au beau fixe entre Ouagadougou et Paris, point n’est besoin d’avoir le troisième œil du sorcier pour comprendre que les conditions d’une bonne coopération judiciaire ne sont pas réunies pour permettre au dossier de connaître un avancement décisif. C’est dire si des obstacles et pas des moindres, continuent d’obstruer le chemin de la manifestation de la vérité dans le dossier de l’assassinat du Fondateur du journal « l’Indépendant ».
Il faut éviter de tuer une seconde fois Norbert Zongo
Le principal accusé qu’est François Compaoré, n’étant manifestement pas disposé à venir s’expliquer devant la Justice de son pays quand il ne donne pas le sentiment d’’user de manœuvres dilatoires pour chercher à s’en soustraire. Aujourd’hui, des voix s’élèvent, de plus en plus, pour demander un procès par contumace. Tant les chances de voir François Compaoré se présenter de gré ou de force devant le juge burkinabè pour apporter plus de lumière dans ce dossier obscur, s’amenuisent au fil des ans. Ce ne sont peut-être pas les conditions idéales de tenue d’un procès qui se veut équitable, diront certains, mais il est impératif que le droit soit dit pour rendre justice à Norbert Zongo. C’est le lieu de saluer l’engagement de tous les acteurs de la lutte qui contribuent à maintenir le flambeau toujours allumé. Cela est d’autant plus important qu’au-delà de la manifestation de la vérité qui est attendue pour connaître les tenants et les aboutissants de cet odieux assassinat, c’est un combat qui a été engagé sous l’angle de la lutte contre l’impunité et la défense les libertés démocratiques. Et le mérite des organisations de défense des droits humains engagées dans la recherche de la vérité dans ce dossier, est d’autant plus grand que ni le temps, ni les obstacles judiciaires n’ont pu éroder leur détermination. Et cette année encore, comme chaque année depuis 25 ans, entre recueillement, dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes des suppliciés, conférences publiques et hommages, les activités de commémoration de ce douloureux événement ne manqueront pas. Comme quoi, avant que justice ne soit faite, il faut éviter de tuer une seconde fois Norbert Zongo qui avait mis sa plume au service de la vérité et des plus faibles, et dont les éditos restent plus que jamais d’actualité.
« Le Pays »