HomeA la uneAMNISTIE CONTRE LIBERATION DES FILLES DE CHIBOK : Vers un marché de dupes ?

AMNISTIE CONTRE LIBERATION DES FILLES DE CHIBOK : Vers un marché de dupes ?


Le président nigérian Buhari  lors de sa visite en France a manifesté  son intention de proposer à la secte islamiste Boko Haram en échange de la totalité des filles de Chibok enlevées en avril 2014, l’amnistie de ses leaders détenus dans les geôles nigérianes. L’immense émotion soulevée par ce rapt avait contraint le président Mahammudu Buhari à faire de la libération de « ces sabines » une priorité dans sa campagne électorale. Joignant l’acte à la parole, il a annoncé, il y’a peu, que  le personnel de la sécurité aérienne et au sol dans la forêt de Sambisa avait pu repérer l’endroit où se trouvent les jeunes filles.  En attendant de voir la suite qui sera faite de son offre, on ne peut lui faire le procès de ne pas innover en termes d’idées dans la lutte contre Boko Haram et dans sa volonté de ramener ces filles  à leurs familles, contrairement à son prédécesseur Goodluck Jonathan. Cette proposition, toutefois, soulève de nombreuses questions. Le Nigéria amorce-t-il un changement de stratégie dans la lutte contre Boko Haram ? Est-ce un aveu de l’option militaire ? On est tenté de répondre par la négative en raison de la débauche d’énergie que le Nigéria et ses alliés militaires de la coalition anti-Boko Haram pour mobiliser hommes et logistique face à la nébuleuse djihadiste font preuve. Du reste, Buhari lui-même le confirme : «C’est plutôt par une mise en commun de nos forces, et des attaques d’envergure, ainsi que des solutions militaires que nous en viendrons à bout».

On peut douter que Shekau se laisse charmer par ce chant de sirène

Du reste, les armées sous-régionales sous le leadership du Tchad et l’armée nigériane réorganisée ont produit de prodigieux résultats, contraignant les combattants djihadistes à se retrancher dans la forêt de Sambisa. Si l’option militaire demeure donc à l’ordre du jour, cette proposition peut-elle être perçue autrement par Shekau et ses sbires que comme une ruse de guerre ? De fait, on peut douter que Shekau se laisse charmer par ce chant de sirène. Cet adepte de l’ordre apocalyptique, sans foi ni loi ne peut croire aux valeurs du dialogue au point de signer un «gentleman agreement » avec ses irréductibles ennemis.  Pire, en acceptant l’offre, cela suppose d’ailleurs qu’il renonce désormais  à la prise d’otages comme mode opératoire dans cette guerre asymétrique. Quoiqu’il en soit, si par extraordinaire, l’offre de Buhari marchait, ce serait pour lui un gain politique énorme vu la forte émotion suscitée par le rapt de ces lycéennes et surtout les fortes attentes et le désespoir des familles même si l’effet inverse n’est à exclure. L’amnistie pourrait, en effet, entraîner un mouvement de colère des populations qui subissent les exactions à répétition de la secte. Faut-il le rappeler, environ 7 000 personnes au Nigeria ont été tuées dans les violences causées par Boko Haram depuis janvier 2014 et près d’1 million et demie d’autres ont été contraintes à l’exil.

Un simple marché de dupes

A moins que cette offre ne soit simplement qu’un signe de temps ! Buhari certain que l’hydre décapitée du fait des coups de boutoir des armées tchadienne et nigériane,  n’en vienne dans un geste de désespoir à liquider ses otages, poussant au summum le seuil de l’horreur ; ce qui ne manquerait d’éclabousser son mandat. L’autre préoccupation importante, «c’est comment opérationnaliser cet échange qui semble inédit ! Est-il possible de retrouver toutes ces filles dont certaines ont été vendues en dehors du pays ? Et même si on les trouvait, seraient-elles encore saines ? L’auteur de l’idée se veut lui-même,  on ne peut, très prudent. «Mais nous sommes très prudents sur ce sujet, et nous sommes convaincus que nous pouvons récupérer les filles de manière raisonnable, et dans des conditions saines. Nous n’allons pas relâcher les leaders que nous détenons tout de suite.», dit-il. Des propos qui montrent toute la délicatesse de l’opération qui peut s’avérer un simple marché de dupes.

« Le Pays » 


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