AN I DE LA RUPTURE DE L’ORDRE CONSTITUTIONNEL AU BURKINA FASO : Les raisons du coup d’Etat demeurent
24 janvier 2022 ! Les Burkinabè se réveillent dans la confusion la plus totale. Les rumeurs les plus folles courent sur le président Roch Marc Christian Kaboré et certains dignitaires de son régime, mais la communication officielle tend à faire croire à une mutinerie dans certaines garnisons du pays. Et finalement, ce que tous soupçonnaient depuis un certain temps, se confirme : l’ordre constitutionnel est interrompu et les militaires, constitués dans un mouvement politique, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) avec à sa tête le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, se sont emparés du pouvoir. Les Burkinabè, dans leur grande majorité, s’enferment dans le mutisme, entre soulagement et crainte. Et pour cause : le pays fait face à la plus grave crise sécuritaire de son histoire et est menacé de disparition pendant que le régime du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), miné de l’intérieur par l’affairisme, la corruption et le népotisme, balbutie face au désarroi des populations dont déjà près d’un million et demi errent sur les sentiers de l’exil. Mais une année après le putsch militaire de Paul Henri Sandaogo Damiba, qu’est-ce qui a changé ? Autrement dit, quel bilan peut-on faire de la gestion du pouvoir d’Etat par les militaires au Burkina Faso ?
Le premier constat que l’on peut établir est que l’équation sécuritaire demeure. De nombreuses parties du territoire national échappent toujours totalement ou partiellement au contrôle de l’Etat.
Sous le ciel noir, est apparu un soleil nouveau
Les populations rurales sommées de déguerpir par les groupes armés, s’entassent dans les centres urbains dont certains sont sous blocus, occasionnant une grave crise humanitaire. Au plan politique, les Burkinabè ont renoué avec l’instabilité. En effet, les contradictions au sein du MPSR se sont soldées par un autre coup d’Etat qui a amené à la tête du pays, le capitaine Ibrahim Traoré, en remplacement de son ex-mentor, contraint à l’exil comme le président Blaise Compaoré. Un ex-président que le lieutenant-colonel aura eu le malheur de ramener, pour un bref séjour au Burkina, contre l’avis de bon nombre de ses compatriotes. Au plan économique, le tableau n’est pas non plus reluisant avec les menaces qui planent sur la sécurité énergétique des Burkinabè, tandis que la poule aux œufs d’or de l’économie que constituent les mines, est asphyxiée par la pression des groupes armées. Au plan social enfin, le tissu continue de se déchirer avec les conflits communautaires et l’essor de la stigmatisation dont certains groupes font l’objet. La dernière illustration de cet état de fait, ce sont les exécutions extra-judiciaires qui ont ciblé la communauté peule à Nouna.
Mais sous le ciel noir, est apparu un soleil nouveau. En effet, si l’on est encore loin de l’Armageddon, du nom de cette grande bataille finale où les forces du bien triompheront des forces du mal, les Forces de défense et de sécurité (FDS) ont repris l’initiative des opérations militaires et engrangent chaque jour que Dieu fait, un peu plus des victoires. En effet, certaines zones qui étaient devenues des enclaves terroristes comme Solenzo et Falagountou, ont été libérées du joug de l’oppresseur. Cela a été possible grâce non seulement aux nouveaux équipements militaires acquis, mais aussi grâce aux mutations tactiques opérées au sein de l’armée. Et les jours à venir devraient être meilleurs avec l’entrée en jeu des milliers de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ces supplétifs de l’armée qui devraient aider principalement à la sécurisation des territoires reconquis par les FDS. Autre lueur d’espoir, ce sont les signaux de bonne gouvernance émis par le nouveau régime militaire qui s’est inscrit dans un paradigme de rupture avec son prédécesseur dont les frasques financières ont fini par éclabousser toute la scène nationale. L’on peut donc espérer que les Burkinabè renouent avec l’intégrité qui donne son nom au pays. Enfin, un autre bourgeon qui promet de belles fleurs et de beaux fruits, c’est la dignité retrouvée du Burkina Faso dans le choix de ses partenaires internationaux. Si l’on n’en est pas à la rupture diplomatique avec les partenaires historiques, le pays s’est lancé dans une politique de diversification de ses alliés stratégiques ; toute chose qui lui offre non seulement plus de possibilités en termes de solutions face à ses difficultés, mais lui procure aussi plus de respect tout en l’obligeant à compter d’abord sur ses propres forces. Le Burkina renoue un peu plus avec l’idéal de Thomas Sankara.
Cela dit, ces fleurs qui promettent, pourraient se faner bien vite si les autorités du MPSR II ne mettent pas fin aux dérives haineuses de certains de leurs soutiens qui se sont inscrits dans la logique de l’intolérance, de la pensée unique et de la violence, en un mot dans un extrémisme violent. Et c’est maintenant qu’il faut le faire. Car, plus tard pourrait être trop tard dans ce pays où tout est urgent.
Sidzabda