AN I DE L’ATTAQUE DU BATACLAN : La France est-elle au mieux de sa forme ?
La France a enregistré dans son histoire lointaine comme récente, une foultitude d’attentats terroristes. Mais celui qui a le plus sonné le réveil et la mobilisation du peuple français, est sans conteste l’attaque terroriste du 13 novembre 2015. Ce jour-là, en effet, des fous de Dieu, battant pavillon Etat islamique (EI), se sont déchaînés contre les cafés et restaurants le Carillon, le petit Cambodge, le Comptoir Voltaire, la Belle équipe et la Salle de spectacles du Bataclan. Et la liste n’est pas exhaustive. Les apôtres de l’apocalypse ont frappé très fort et dans le tas : cent trente morts, des centaines de blessés, une capitale meurtrie et dépassée par les événements. Le traumatisme et le choc avaient atteint leur paroxysme si bien que le premier des Français, François Hollande, n’avait pas hésité à employer le mot qui sied le plus à la situation : « la France est en guerre », avait-il en effet, laissé entendre. Le fait donc que la Nation s’en souvienne est une bonne chose. Car, cela a l’avantage non seulement de rendre hommage aux victimes de l’ignoble barbarie, mais aussi de signifier à la face du monde que la France a été cruellement touchée mais qu’elle reste debout et déterminée dans la défense des valeurs qui fondent son identité.
Dans l’absolu, l’on peut être tenté de répondre par la négative
Et ce message n’est pas sans rappeler celui que le Général De Gaule avait martelé au lendemain de l’occupation de l’Hexagone par les Nazis. Un an après l’attaque du Bataclan, l’on peut se poser la question de savoir si la France s’en porte mieux. Dans l’absolu, l’on peut être tenté de répondre par la négative, puisqu’après le 13 novembre 2015, les Français ont enregistré sur leur sol, d’autres attentats à caractère terroriste. Celui de Nice, qui a été perpétré, comble de l’affront, le 14 juillet dernier et qui avait fait 86 morts, est venu rappeler aux Français que le péril est toujours dans la demeure et que tout relâchement de la vigilance serait, on ne peut plus, suicidaire. Cela dit, il faut reconnaître que l’attaque du Bataclan est venue installer une sorte de césure entre 2 Frances : la France, peut-on dire, pré-attaque du Bataclan et la France post-13 novembre 2015. Dans la première, l’on pouvait avoir l’impression que la République avait la faiblesse de croire qu’elle pouvait livrer bataille contre le péril djihadiste tout en évitant de heurter des valeurs, comme le droit d’aller et de venir des citoyens et la liberté d’expression, même quand celle-ci était utilisée pour célébrer le mal. Cette posture a montré outrancièrement ses limites. Et les Français, dans leur écrasante majorité, en ont conscience. Car, l’enjeu ici, c’est de sauver dans l’urgence, la France. Et comme pour éteindre l’incendie, l’on ne distingue pas l’eau propre de l’eau boueuse, la patrie des droits de l’Homme n’a eu aucun complexe à adopter une batterie de mesures dans son arsenal juridique, qui, en temps normal, auraient été perçues comme liberticides. La plus emblématique de ces mesures est sans conteste l’Etat d’urgence. Et celui-ci inaugure l’ère d’une autre France, celle post-13 novembre 2015. Cette France-là semble avoir pris toute la mesure de tout le mal dont sont capables les djihadistes sur son sol. Par conséquent, elle s’est donné tous les moyens légaux pour leur apporter la riposte à la hauteur de leur témérité et de leur péché. Perquisitions de nuit, fichés “S”, surveillés comme du lait sur le feu, interdiction faite à certains citoyens suspects d’aller faire le djihad en Syrie, prolongement de la garde-à-vue pour nécessité d’enquête, bref une kyrielle de mesures dont certaines rappellent les pratiques du régime de Vichy et celles qui ont cours dans les Etats policiers. Cela peut choquer les puristes de l’Etat de droit, mais il faut reconnaître à la France le droit de se défendre contre l’obscurantisme, la barbarie, en recourant aux outils qui lui semblent les plus efficaces et efficients. Et l’on peut faire confiance à la force et à la grandeur des institutions de la République française pour que la juste et légitime guerre qu’elle a lancée contre les djihadistes ne se transforme pas en une guerre contre des citoyens français parce que simplement, ils ont le malheur de s’appeler Ahmed, Bakary, Coulibaly, Zidane, etc. Car, tout ce que souhaitent les gourous de la galaxie djihadiste, c’est d’amener les Français à faire dans l’amalgame pour ensuite crier à une guerre sainte entre la France chrétienne et le monde arabo-musulman. Ce piège-là, les Français doivent absolument l’éviter. Ils doivent d’autant plus le faire que les partis de l’extrême droite, comme le Front national, sont à l’affût, à l’effet de s’attaquer à la beauté de la France, c’est-à-dire sa diversité de races et de cultures.
Un contre-discours fort n’est pas un luxe mais une nécessité
La France des 3B, Blanc, Black et Beur, doit survivre à ces moments difficiles. L’on a des raisons d’y croire. En effet, la guerre engagée par l’Hexagone contre le phénomène djihadiste ne tient pas seulement aux mesures législatives draconiennes. Elle se déroule aussi sur le terrain pédagogique. Cette dernière arme, bien utilisée, peut contribuer à déconstruire, dans la durée, le discours idéologique des « barbus », notamment au sein de la frange de la population la plus vulnérable. Cette posture dite de “déradicalisation” est d’autant plus à saluer et à encourager que les réseaux sociaux pro-djihadistes ont eu tout le temps d’intoxiquer et d’envoûter bien des jeunes français. Dans ces conditions, un contre-discours fort et porté par toutes les composantes de la société française n’est pas un luxe mais une nécessité. Mais cela pourrait ne pas suffire pour bouter hors des frontières de l’Hexagone, le péril djihadiste. La France devrait y ajouter la lutte contre la pauvreté qui sévit aujourd’hui au sein de certaines communautés et qui leur donne le sentiment qu’elles sont oubliées. Enfin, pour que la France vienne à bout du djihadisme, elle doit positionner sa diplomatie de sorte à dénoncer et à combattre toutes les injustices, d’où qu’elles viennent. Et l’injustice faite aux Palestiniens depuis 1948, est l’une d’elles. C’est à ce prix qu’elle peut véritablement tarir toutes les sources qui alimentent le crédo des djihadistes. Mais la lutte sera vaine, si la France n’associe pas à sa guerre contre les « barbus », le reste du monde, à commencer par ses voisins et partenaires européens. Car, certains de ces derniers donnent l’impression, aujourd’hui, de n’avoir pas pris la pleine mesure de la menace.
« Le Pays »