APPEL A LA CANDIDATURE DU VICE-PRESIDENT DE LA TRANSITION MALIENNE
L’affaire commence à faire grand bruit au Mali, mais l’intéressé lui-même reste muet sur la question. Il s’agit de la candidature annoncée du Colonel Assimi Goïta à la présidentielle de l’année prochaine censée marquer la fin de la Transition en cours. Une candidature dont est convaincue l’association Appel citoyen fondée par Issa Kaou Djim, par ailleurs vice-président du CNT (Conseil national de la Transition), dont le mouvement se réclame du chef des putschistes d’août 2020 qu’il rêve de voir accéder à la magistrature suprême à la fin de la Transition. Un gros pavé jeté dans le lit du fleuve Djoliba, d’autant que les termes de la Charte de la Transition rendent clairement inéligibles à la candidature, les dirigeants de la Transition. Alors question. D’où Issa Kaou Djim tient-il sa « conviction » qu’Assimi Goïta sera candidat à la présidentielle de 2022 ? L’intéressé lui en aurait-il donné l’assurance ? Ses paroles sont-elles, comme d’aucuns le pensent, des élucubrations d’un politicien en perte de vitesse cherchant à se faire une place au soleil par tous les moyens, aux côtés des putschistes de Kati particulièrement logés à bonne enseigne dans la Transition ? Est-ce un ballon d’essai lancé en guise de sonde de l’opinion ? D’ailleurs, qu’en dit le colonel Goïta lui-même ?
Assimi Goïta a besoin de rassurer ses compatriotes qu’il n’est pas en train de fabriquer un bébé dans le dos de la Transition
Une chose est sûre: son silence ne rassure pas. C’est pourquoi le numéro 1 des tombeurs de Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) doit sortir de son silence. Il doit d’autant plus le faire qu’il a besoin de rassurer ses compatriotes et les partenaires du Mali, qu’il n’est pas en train de fabriquer un bébé dans le dos de la Transition pour rester au pouvoir. Si c’était malheureusement le cas, ce serait la preuve qu’il n’a jamais renoncé à son désir ardent d’installer ses pénates au palais de Koulouba, par la courte échelle. Cette courte échelle qui a pu le pousser, lui et ses frères d’armes, à faire intrusion sur la scène politique malienne en renversant un président démocratiquement élu. Et si c’était le cas, on pourrait se demander si Assimi Goïta ne court pas à sa perte en se montrant trop pressé et trop ambitieux, à l’image de certains de ses prédécesseurs qui ont fini par se cramer les ailes en voulant aller trop vite en besogne. Au-delà, on peut même se demander si ce jeune militaire a le profil de l’emploi pour sortir le Mali de l’ornière. Rien n’est moins sûr au regard de ce que son prédécesseur putschiste, Amadou Haya Sanogo, a donné à voir de ce dont les hommes de Kati sont capables à l’épreuve du pouvoir au pays de Modibo Kéita. Mais s’il pense être l’homme de la situation, le vice-président de la Transition malienne doit jouer franc jeu avec les Maliens en affichant clairement ses ambitions et en se conformant à la loi qui veut qu’aucun des dirigeants de la Transition, ne puisse se porter candidat.
On peut suggérer fortement à Assimi Goïta de fixer l’opinion malienne sur ses réelles intentions
Autrement, on peut avoir le sentiment qu’il se livre à un jeu malsain et dangereux, qui peut susciter des appréhensions pour la conduite de la Transition au Mali. Car, quand on voit comment les hommes en kaki ont manœuvré pour rester au cœur du pouvoir pendant cette période transitoire au grand dam des démocrates du continent et particulièrement de la CEDEAO qui appelait à une transition purement civile, il est difficile de se rassurer que les bidasses ne viendront pas remettre… leurs godasses dans le plat de la transition et hypothéquer le processus de retour rapide à une vie constitutionnelle normale. Au mieux, ils travailleront à préparer le terrain à des alliés civils tapis dans l’ombre. Au pire, ils ne pendront pas de gants pour tenter de légitimer leur coup de force par les urnes, en compostant un ticket gagnant pour l’un des leurs le moment venu. Et Assimi Goïta et ses camarades pourraient ne pas avoir trop de mal à le faire, au regard de la forte militarisation des institutions de la Transition et du clientélisme de la classe politique dont Issa Kaou Djim semble justement une parfaite illustration. En tout état de cause, autant l’on peut se demander s’il faut prendre au sérieux l’activiste qui a aussi la double casquette de vice-président du CNT, autant l’on peut suggérer fortement à Assimi Goïta de fixer l’opinion malienne sur ses réelles intentions. Il y va de l’intérêt du pays et du succès de la Transition. En attendant, de Salou Djibo au Niger à Moussa Dadis Camara en Guinée en passant par son compatriote Amadou Haya Sanogo, Assimi Goïta ne manque pas de bons exemples et de mauvais repères pour voir dans quel sens il compte inscrire son nom dans l’histoire de son pays.
« Le Pays »