HomeA la uneAPPEL A L’ABANDON DES POURSUITES JUDICIAIRES CONTRE KATUMBI : Kabila entendra-t-il l’homélie des Evêques ?

APPEL A L’ABANDON DES POURSUITES JUDICIAIRES CONTRE KATUMBI : Kabila entendra-t-il l’homélie des Evêques ?


En République démocratique du Congo (RDC), le processus politique a pris du plomb dans l’aile, depuis que la question de la succession du président Joseph Kabila a été mise sur la table ; lui qui est constitutionnellement disqualifié pour briguer un nouveau mandat, au terme de son second qui est échu depuis le 19 décembre 2016. Ni l’intercession du facilitateur de l’Union africaine (UA), Edem Kodjo, ni la médiation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) encore moins les manifestations de l’opposition n’ont véritablement réussi à faire bouger les lignes dans le sens de la décrispation, pour pouvoir aller à des élections. Toute chose qui a amené les représentants de l’Eglise catholique à déposer, de guerre lasse, la soutane le 29 mars dernier, non sans avoir adressé un rapport circonstancié au président Joseph Kabila.

Les évêques congolais enfoncent une porte déjà ouverte

De ce rapport, l’on en sait désormais un peu plus sur son contenu. En effet, comme à leur habitude, les prélats congolais ne sont pas passés par quatre chemins pour faire comprendre au président Kabila que Moïse Katumbi, l’ex-gouverneur du Katanga, entré en dissidence avec le chef de l’Etat, est l’objet d’une cabale politique destinée à l’éliminer de la course pour la conquête du fauteuil présidentiel. Arguant que les actes et pièces à charge contre lui, ont été fabriqués à dessein et estimant qu’il devrait bénéficier de la liberté, tout comme le bâtonnier Jean Claude Muyambo condamné à cinq ans de prison pour une sombre histoire d’escroquerie, ils demandent le retrait de la décision d’arrestation immédiate qui pèse comme une épée de Damoclès sur la tête du président du TP Mazembé devenu opposant, afin qu’il puisse rentrer au bercail pour prendre part au processus électoral. Cela, dans le cadre de la décrispation de l’atmosphère politique tant recherchée. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en invoquant la thèse de la cabale politique contre Moïse Katumbi pour demander son élargissement, les évêques congolais enfoncent une porte déjà ouverte. Car, ils se font, à tout le moins, les porte-voix d’une partie des signataires de l’accord de la Saint-Sylvestre, notamment l’opposition dans son ensemble, qui voyait en cette éventualité un signe d’apaisement. Mais il est à rappeler que cela avait achoppé sur le refus de la majorité présidentielle qui n’y était pas favorable. Toutefois, en revenant à la charge, la Cenco se fait le devoir de signifier au chef de l’Etat qu’une telle démarche irait non seulement immanquablement dans le sens de la décrispation du climat sociopolitique, mais aussi pourrait avoir un impact sur le processus de réconciliation nationale, eu égard à l’envergure de l’homme. Cela dit, la thèse des règlements de comptes politiques invoquée, met à nu le caractère partial de la justice congolaise qui aurait ainsi montré toute son inféodation au pouvoir en place. La question que l’on pourrait maintenant se poser est de savoir la suite que le président Kabila réservera à cette requête de la Cenco. Entendra-t-il l’homélie des évêques congolais de la bonne oreille ? D’autant plus qu’a priori, l’on ne voit pas ce qu’il gagnerait à maintenir les poursuites contre Moïse Katumbi, dès lors que l’accord de la Saint-Sylvestre ne fait pas de place pour lui dans les starting-blocks. Rien n’est moins sûr.

Le silence prolongé du maître de Kinshasa est loin d’être rassurant

Car, primo, compte tenu de la position de l’Eglise catholique qui n’a jamais caché sa faveur pour le respect strict de la Constitution, la probabilité est forte que les autorités congolaises restent sourdes à son appel. Secundo, accéder à cette requête de la Cenco serait un désaveu total de la justice congolaise qui se présente pourtant comme un partenaire stratégique dont Kabila ne peut se permettre de s’aliéner la sympathie dans les circonstances actuelles. Tertio, jusqu’à preuve du contraire, Joseph Kabila n’a jamais ouvertement dit qu’il renonçait à briguer un autre mandat, comme le lui interdit la Constitution. Et ce silence prolongé du maître de Kinshasa est loin d’être rassurant. Pour qui connaît le caractère taiseux de l’homme, cela en dit plutôt long sur ses intentions. En témoigne le peu d’enthousiasme qu’il montre à mettre en œuvre l’accord de la Saint-Sylvestre qui était pourtant censé sortir le pays de l’impasse et dégager le chemin des élections. Ce n’est donc pas en ce moment qu’il faudra s’attendre à l’élargissement de celui-là qui se présente aujourd’hui et demain, comme son principal challenger. Mieux, la nomination de Bruno Tshibala à la primature, là où un Félix Tshisékédi était attendu, traduit à souhait la volonté du chef de l’Etat de torpiller un accord qu’il ne semble, du reste, avoir accepté que du bout des lèvres. Enfin, tout porte à croire que Kabila est en train de ruser et n’attend que le moment opportun pour porter l’estocade à l’accord de la Saint-Sylvestre sur lequel tous les Congolais semblent pourtant fonder aujourd’hui leurs espoirs pour une sortie de crise.
En tout état de cause, en jouant au jeu du chat et de la souris avec son opposition, Joseph Kabila prouve qu’il reste le maître du jeu en RDC. Et en bon joueur d’échec, il est méthodiquement en train de faire justement échec à toutes les tentatives de le bouter hors d’une compétition qu’il n’entend pourtant pas manquer, en attendant de faire mat, au grand dam de ses contempteurs. Il en a les moyens, et tout porte à croire qu’il est en train de se les donner, au nez et à la barbe non seulement de ses adversaires politiques mais aussi de la communauté internationale. Qui donc, pour arrêter Joseph Kabila ?

« Le Pays »


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