APPEL A MANIFESTER SUR FOND DE DISSOLUTION DU FNDC : Nouvel avis de tempête sur la Guinée
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de partis politiques, syndicats et organisations de la société civile, a mis fin à la trêve négociée et arrachée par la médiation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en annonçant la reprise des manifestations en Guinée pour exiger « l’ouverture d’un cadre de dialogue crédible » sur la transition vers un pouvoir civil. L’on se souvient, en effet, que suite aux manifestations des 28 et 29 juillet 2022, interdites et réprimées dans le sang par la junte militaire au pouvoir avec à la clé cinq morts sur le carreau, le chef de l’Etat de la Guinée-Bissau, Umaru Sissoco Embalo, nouvellement revêtu du costume de président en exercice de la CEDEAO, avait obtenu du FNDC, la suspension de son appel à manifester du 4 août, pour donner une chance au dialogue et surtout pour mettre fin à la flambée de violences qui, sans nul doute, serait allée crescendo si les militants pro-démocratie, bravant l’interdiction de manifester des militaires, redescendaient dans la rue.
Va-t-il à nouveau pleuvoir sur Conakry ?
Mais l’on peut dire qu’avec ce nouvel épisode de manifs qui s’annonce, la trêve n’aura duré que le temps d’un feu de paille, surtout qu’en faisant écho à l’appel du FNDC, le pouvoir de Doumbouya a répondu de la plus radicale des manières, en décidant de dissoudre purement et simplement le mouvement. La question que tous se posent face à ce rebondissement dans la crise, est la suivante : va-t-il à nouveau pleuvoir sur Conakry ? En attendant que la météo politique dans le pays apporte la réponse à cette question dans les tout- prochains jours, l’on peut se poser cette autre question : pourquoi le FNDC s’est-il vu obligé de se dédire face à sa promesse faite au président en exercice de la CEDEAO ? L’on peut retenir comme réponse à cette interrogation deux éléments. D’abord, alors que le FNDC faisait la preuve de sa bonne foi en suspendant son mot d’ordre, la traque de ses militants s’est poursuivie. Ainsi, des leaders emblématiques du mouvement comme Oumar Sylla et Ibrahima Diallo ont été arbitrairement et violemment arrêtés, en violation de toutes les procédures judiciaires et des libertés individuelles et collectives. Face donc à la répression, il était du devoir du Collectif de se mobiliser à nouveau dans la rue, pour exiger « le respect des droits et libertés fondamentaux, au premier rang desquels le droit à la vie (….), la libération sans condition de tous les détenus politiques liés aux manifestations et l’arrêt des harcèlements judiciaires et des poursuites fantaisistes contre les acteurs politiques et de la société civile.. », comme, du reste, le disait Mamadou Billo Bah, porte-parole du FNDC. La seconde raison de la reprise des manifs par le FNDC, est que face à une junte qui ne comprend que le langage de la force, il n’y avait pas d’autres alternatives que de charger à nouveau le pouvoir, quitte à ce qu’il perde toute légitimité en s’éclaboussant du sang des Guinéens. C’est dire si la Guinée danse, à nouveau, sur un volcan dont les éruptions sont connues pour être des plus meurtrières en Afrique de l’Ouest.
Doumbouya s’est lui-même tiré une balle dans le pied avec la dissolution du FNDC
Malgré ces incertitudes qui planent sur le destin proche et lointain de la Guinée prise en otage par Doumbouya et ses compagnons d’armes, l’on ne peut manquer de saluer le courage du peuple guinéen qui se bat, les mains nues, face à la dictature militaire pour laisser en héritage aux futures générations, une nation libre et démocratique. Ce faisant, le FNDC donne à toute l’Afrique une leçon de courage politique en démontrant, comme le dit l’adage populaire, que « l’on ne peut pas aller au paradis sans mourir ». Mais l’on imagine difficilement comment la communauté internationale, à commencer par la CEDEAO, pourrait faire preuve de cynisme en accompagnant de tels soldats assoiffés de pouvoir et qui, manifestement, se trompent de mission. C’est d’ailleurs pour interpeller cette communauté internationale sur son devoir d’assistance à peuple en danger, que le FNDC a décidé de l’appel à manifester le 14 août prochain à Bruxelles en Belgique, sans doute, pour mettre l’Union européenne face à ses responsabilités. En attendant que réagissent les grandes puissances mondiales qui se veulent les porte-étendards des idéaux de la liberté et de la démocratie, le premier anneau de la communauté internationale que constitue la CEDEAO, doit commencer à se serrer sur les côtes de la junte militaire pour l’étouffer avant qu’elle ne transforme la Guinée en une vallée de larmes. Et c’est maintenant que le président Umaru Sissoco Embalo et ses pairs doivent démontrer qu’ils savent autant manier le bâton que la carotte contre un régime qui a choisi de faire dans la défiance. Quant à Doumbouya qui, comme tous les chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête de la Guinée, a réussi le pari de faire regretter son successeur à travers la prédation des libertés individuelles et collectives, ce qu’il devrait craindre le plus, c’est le syndrome Moussa Dadis Camara. Car, en Guinée, un Toumba Diakité n’est véritablement jamais loin. Mais en attendant, il s’est lui-même tiré une balle dans le pied en se privant d’un interlocuteur avec la dissolution du FNDC. Place maintenant à la guérilla urbaine, peut-on dire.
« Le Pays »