HomeA la uneAPPEL AU DIALOGUE DU CHEF DE L’ETAT :Un alibi pour aller au référendum ?

APPEL AU DIALOGUE DU CHEF DE L’ETAT :Un alibi pour aller au référendum ?


Le chef de l’Etat, Blaise Compaoré, après avoir reçu des délégations de la Majorité, de l’Opposition et du Front républicain, en appelle au dialogue. Cela est, sans conteste, une bonne chose. Sur des questions qui divisent tant les Burkinabè, il était temps que les camps opposés se parlent. Cela devrait permettre de trouver des voies et moyens pour préserver la paix et la concorde nationales, fruit des efforts et des sacrifices de tous les Burkinabè. Pour la paix, aucun effort de dialogue n’est de trop. Tous les protagonistes ont du reste affirmé leur disponibilité à aller au dialogue. C’est dire combien l’appel du chef de l’Etat est porteur d’espoir. Il est donc à saluer à sa juste valeur.

Ce dialogue semble avoir l’échec dans les gênes

Le dialogue est donc très important dans son principe. Seulement, dans le cas d’espèce, on ne peut s’empêcher de se poser des questions, notamment celle-ci : a-t-on des chances de parvenir à des résultats qui apaisent les tensions  et préservent l’intérêt général? Il faut l’espérer, mais rien n’est moins sûr. En effet, ce dialogue semble avoir l’échec dans les gênes. Il suffit de considérer la personne du médiateur. Tout porte à croire que l’arbitre n’est pas si impartial que cela. En ce qui concerne la Majorité, cet appel au dialogue du chef d’Etat est, in fine, une façon de donner à cette même majorité le mandat que l’Opposition exigeait pendant la médiation de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo et ses camarades. Mais le problème réside dans le fait que c’est Blaise Compaoré qui fait, cette fois-ci, office d’arbitre du match qui oppose sa propre équipe à une autre. Difficile donc de ne pas voir là une situation où il est juge et partie. Ce, d’autant plus que le président Compaoré est le principal bénéficiaire d’une éventuelle modification de l’article 37 de la Constitution en vigueur au Burkina. On perçoit difficilement comment il peut être au-dessus de la mêlée, dans une telle situation. La difficulté de la manœuvre est d’ailleurs perceptible dans le choix des groupes que le président Compaoré a reçus. En tout état de cause, à l’allure où vont les choses, personne ne peut jurer que les opposants au référendum sont à l’abri d’une trahison de leur cause commune par un des leurs. Mais pour l’heure, et contrairement aux prédictions des mauvaises langues, on constate que l’ADF/RDA reste ferme sur son refus de tout tripatouillage de la Constitution burkinabè pour permettre à Blaise Compaoré de se représenter, donc de se maintenir au pouvoir, étant entendu que dans cette Afrique, en règle générale, on n’organise pas une élection pour la perdre.

De plus, il y a le choix du chef de l’Etat de recevoir également le Front républicain comme entité à part entière, alors que le parti au pouvoir, le CDP, fait également partie de ce Front républicain. En tout cas, ces concertations auront montré au mieux une gymnastique pour prendre en compte des formations politiques d’opposition réelle et des partis « chauve-souris » qui ne sont ni de la mouvance présidentielle, ni de l’opposition politique assumées, et au pire, des calculs politiciens du premier magistrat burkinabè. En faisant de la place à cette table de dialogue au Front républicain dont la position en faveur du référendum est connue, le chef de l’Etat peut avoir voulu donner l’impression qu’il y a deux camps favorables au référendum contre un qui n’en veut pas. Et règle de majorité oblige, la conclusion serait alors que c’est l’Opposition qui, dans ces conditions, devrait se plier. Bien entendu, cela ne présage rien de bon pour le pays. On sait également que le président Blaise Compaoré est toujours en avance d’une ruse sur l’Opposition. Cet appel au dialogue pourrait faire partie intégrante d’un agenda caché et déroulé soigneusement. Conscient des risques que comporte le projet de révision constitutionnelle, l’actuel président du Faso veut peut-être faire du dialogue à venir un alibi pour aller au référendum tant réclamé par ses partisans et certainement ourdi par lui-même. On imagine bien le scénario de l’actuel locataire de Kosyam. On instaure un dialogue qu’on sait être un dialogue de sourds et on l’exhibe à la face du monde comme preuve de son attachement à la quête d’une solution apaisée. Et quand l’échec prévisible du dialogue sera consommé, on accusera l’Opposition d’avoir une position jusqu’au-boutiste. Dès lors, tirant prétexte de l’impossibilité pour les deux camps de se départager autrement, on s’en remettra à l’arbitrage du peuple souverain. Et le tour est joué !

Ce dialogue apparaît comme une sorte de dernier round

 

Seulement, ceux d’en face, c’est-à-dire les principaux ténors de l’Opposition, ne semblent pas non plus nés de la dernière pluie. Ils sont conscients que le chef de l’Etat est gêné aux entournures par son projet et a tout à perdre dans un environnement international où de tels projets de pouvoir à vie sont décriés par les principaux partenaires. En effet, une crise politique au Burkina au sujet de son maintien au pouvoir, sera désastreuse pour l’image de pacificateur qu’il a donné à voir ces dernières années. Les opposants savent que leur force réside surtout dans leur union. Ils ont également conscience du fait qu’une bonne frange de la population burkinabè est hostile à l’idée du retour des grands timoniers en Afrique et partage le même défi qu’eux : celui de réussir à protéger la Constitution et à faire en sorte que le principe de l’alternance politique et démocratique ne soit plus longtemps un tabou ou un lointain rêve au Burkina Faso. L’Opposition sait donc qu’elle cause des insomnies au locataire de Kosyam. Ses succès sont tributaires de sa capacité à rester soudée et à parler d’une seule voix. Et elle semble décidée à réussir ce pari de l’union sacrée. C’est du moins ce que laisse penser la décision des opposants à leur sortie d’audience, de ne donner leur position à travers les états-majors de leurs partis politiques respectifs, qu’après réflexion. En tout cas, ce dialogue qui vient à la suite des autres médiations nationale et internationale (initiative du président Alassane Ouattara), apparaît comme une sorte de dernier round. Il faut par ailleurs espérer que l’exclusion de la société civile du débat sera vite corrigée, car celle-ci a son mot à dire également dans ce dialogue, à travers ses représentants. Quoi qu’il en soit, les discussions à venir auront au moins le mérite de mettre à nu la position réelle de Blaise Compaoré sur les velléités de son camp de réviser l’article 37 de la Constitution, vu qu’il sera personnellement et physiquement présent aux rencontres. Aussi ne pourra-t-il plus longtemps se réfugier dans un silence ou des réponses alambiquées après la tenue de ce dialogue. En d’autres termes, le président Compaoré devra clairement prendre une décision aux yeux de l’opinion nationale et internationale, quelle que soit l’issue du dialogue à venir. Soit il tranche en faveur de son droit à la retraite tout en calmant ses partisans, soit il décide de répondre favorablement à l’appel du pied de son camp et de confirmer à l’occasion, l’hypothèse de la ruse qu’on soupçonne dans son appel au dialogue. Toujours est-il que les Burkinabè et leurs partenaires ont maintenant et en toute logique, l’occasion d’être clairement situés par le chef de l’Etat sur ce à quoi ils devront s’attendre les mois à venir au pays des hommes intègres. Croisons donc les doigts pour que la sagesse prévale.

« Le Pays »


Comments
  • L’opposition réelle doit redoubler de vigilance car tout les Burkinabè sincères savent que Blaise Compaoré est passé maître dans l’art de rouler ses adversaires dans a farine (comme un certain “boulanger” des bords de la Lagune Ebrié) pour ses seuls intérêts. Il ne fait aucun doute qu’il a une funeste idée derrière la tête pour finalement en venir à sa décision de référendum qu’il a fait passer dans les rangs de ses “griots” du CDP. Et ce dialogue risque de n’être qu’un écran de fumée.

    Vigilance donc, tant au niveau des partis politiques de l’opposition vraie que de la société civile. Rappelons-nous que ce fut grâce surtout aux recommandations du Collège des sages que la paix fut sauvée au Burkina il y a quelques années.

    25 septembre 2014
  • A la marche historique du 23 août 2014 , vous aviez titré , ” L’Opposition rugit près de Kossyam ” . Si la ligne rouge est franchie , nous rugirons à Kossyam après en avoir bouté Blaise Compaoré .
    Non au Sénat !
    Non au référendum !
    Non à la modification de l’article 37 !
    Oui à l’alternance en 2015 !

    25 septembre 2014
  • Vraiment une belle comédie !!!
    Il suffit seulement, qu’un être mortel respecte une loi obtenue par consensus national, et les Burkinabè économiseront leur énergie, pour l’investir dans la recherche de leur pain quotidien !!!
    Mais non, ce blaise, voulant fuir tout ce qu’il a semé, pense échapper !
    Mais sachez que Dieu, le vrai indispensable, saura te rembourser !!!

    2015, vive l’alternance !!! Ce dialogue est une farce !!
    majorité + front = blaise !!!! alors à quoi assiste-t-on?

    25 septembre 2014
  • Faisons attention à, l’éléphant. C’est toute ma crainte ainsi. Il est pour le dialogue et non pour la modification de l’article 37. On me dira que tous les partis de l’opposition ont cette position. Mais….

    25 septembre 2014

Leave A Comment