HomeA la uneAPPEL AU DIALOGUE EN RDC : L’UE sera-t-elle entendue ?  

APPEL AU DIALOGUE EN RDC : L’UE sera-t-elle entendue ?  


Dans un communiqué rendu public, hier, la délégation de l’Union européenne (UE) en RDC exhorte le pouvoir et l’opposition à créer les conditions favorables au démarrage rapide du « dialogue national » en vue « d’élections apaisées ». Cet appel fait suite à la récente sortie des Evêques qui, eux, aussi appelaient la classe politique congolaise au dialogue, l’opposition ayant récusé le facilitateur de l’Union africaine, en la personne de Edem Kodjo qu’elle accuse de faire le jeu du président Joseph Kabila. En tout cas, ces appels au dialogue tombent à pic, quand on sait que pouvoir et opposition congolais sont dans une logique d’affrontement ; en témoignent ces meetings et contre-meetings qui interviennent au moment où se déroule l’opération d’enrôlement des électeurs. C’est un climat de tensions qui n’est pas de nature à arranger les choses. Surtout que les opérations d’enregistrement sont prévues pour durer au bas mot dix mois dans tout le pays, alors que la présidentielle était normalement prévue pour le 27 novembre prochain. Rien que dans la province du Nord-Ubangui où l’opération a été lancée en fin de week-end dernier, la CENI ne prévoit pas moins de trois mois pour la boucler. Autant dire que le glissement du calendrier électoral tant redouté par l’opposition et tant recherché par le pouvoir est, de fait, acté, avec le lancement de cette opération, à un moment qui ne permet manifestement pas de respecter les échéances constitutionnelles. Dans tous les cas, cela n’est pas une surprise. En effet, on voyait Joseph Kabila venir. Car, après avoir travaillé à rendre inéligible l’un de ses challengers les plus sérieux, en la personne de Moïse Katumbi, et amené une Cour constitutionnelle aux ordres à faire une interprétation  scélérate de la loi en vue de son maintien au pouvoir au-delà de son dernier mandat constitutionnel, Joseph Kabila vient, à présent, de poser un acte qui pourrait porter l’estocade à ses adversaires.  Surtout, quand on sait que la révision du fichier électoral est une des revendications de longue date de l’opposition. Que va-t-elle faire maintenant ? En tout cas, l’on ne peut s’empêcher de penser qu’elle s’est fait piéger, même si c’est à son corps défendant, par un Kabila très calculateur. D’un côté, comment remettre à présent en cause ce toilettage du fichier électoral qu’elle a  elle-même longtemps  réclamé à cor et à cri, surtout suite aux fraudes massives de 2011 qui avaient vu le triomphe du parti au pouvoir ? Sans oublier que l’ONU et l’OIF, qui avaient envoyé des experts pour en vérifier la fiabilité, l’avaient aussi recommandé. De l’autre côté, comment accepter ce toilettage et éviter le glissement électoral qui permettrait à Kabila de se remettre en selle pour un troisième mandat, vu les délais que se donne la CENI pour mener l’opération à son terme ? Là est toute la question. Dans tous les cas de figure, c’est Kabila qui gagne.

Le compte à rebours a commencé

Il va donc falloir user d’ingéniosité et de détermination pour pouvoir déjouer les plans du maître de Kinshasa qui vient d’abattre une carte majeure, dans sa volonté de se maintenir à la tête de l’Etat congolais. Et puis, après la veillée d’armes de la semaine dernière où majorité et opposition se sont évertuées à une démonstration de forces dans la rue, une perturbation des opérations d’enrôlement  n’est pas à exclure, dans le climat de tension sociopolitique actuelle qui caractérise la RD Congo. Or, Dieu seul sait s’il y a nécessité de tenir ces opérations dans un climat apaisé, pour donner à la CENI les meilleures chances de les boucler dans les meilleurs délais. Tout débordement n’aurait pour conséquence que de repousser encore un peu plus, les échéances électorales aux calendes congolaises ; toute chose qui ferait encore l’affaire d’un Joseph Kabila déjà assuré de garder son fauteuil jusqu’à la tenue des prochaines élections. En réalité, on ne trouverait rien à redire sur le lancement de cette opération de recensement si le président Kabila clarifiait sa position dans le sens de ne pas se porter candidat à sa propre succession. Cela aurait l’avantage de décrisper l’atmosphère sociopolitique et même de faire accepter un éventuel glissement du calendrier électoral. Mais tout porte à croire que Kabila n’est pas prêt à s’inscrire dans une telle démarche. Au contraire,  le flou qu’il entretient sur la question cache mal sa volonté de se succéder à lui-même, en dépit des dispositions constitutionnelles qui l’en empêche. Mais, face à la détermination de l’opposition qui ne compte pas lui accorder la moindre seconde supplémentaire au pouvoir à l’expiration de son mandat, il y a lieu de craindre pour la RDC. Car, il risque fort de « pleuvoir sur Kinshasa ». En tout état de cause, à présent que le premier acte qui enclenche la procédure électorale a été posé, l’on peut dire que le compte à rebours a commencé. Et bien malin qui saurait en prédire l’issue.

Outélé KEITA

 


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