APPELS A LA DEMISSION DU PRESIDENT DU FASO
Les deux principales villes du pays que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, ont été contaminées dans la journée du mardi 16 novembre dernier, par la fièvre des manifestations liées à la dégradation de la situation sécuritaire nationale. En effet, de jeunes manifestants en colère sont descendus dans les rues pour crier leur ras-le-bol contre l’incapacité manifeste du pouvoir à trouver une solution à la crise sécuritaire. Ils en appellent donc à la démission du président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré (PREKA) qui, prenant la mesure du péril, semble sorti de sa léthargie puisque dans une brève allocution, il a promis des « sanctions disciplinaires sans exception ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce ras-le-bol des manifestants est compréhensible. Depuis l’accession au pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré, le Burkina Faso s’est installé dans l’œil du cyclone terroriste. L’Etat a, petit à petit, perdu le contrôle d’une bonne partie du territoire national, donnant aujourd’hui l’impression que les forces du mal ont encerclé tout le pays.
Pour beaucoup de Burkinabè, l’homme ne s’est pas encore revêtu du treillis d’un chef de guerre
La psychose a, de ce fait, gagné progressivement toute la population déjà traumatisée par le ballet incessant des cercueils des Forces de défense et de sécurité (FDS) qui périssent au front et l’errance sur les sentiers de l’exil, de milliers de personnes chassées de leurs villages respectifs. La goutte d’eau qui semble avoir fait déborder le vase est la récente boucherie d’Inata où une cinquantaine de gendarmes ont trouvé la mort si l’on s’en tient aux chiffres communiqués par les autorités. Et pendant que les portes de l’apocalypse semblent se rapprocher, le Chef de l’Etat qui a la responsabilité constitutionnelle de garantir l’intégrité territoriale, semble n’avoir pas pris la mesure réelle du danger. Pour beaucoup de Burkinabè, l’homme ne s’est pas encore revêtu du treillis d’un chef de guerre qui joue la survie de son territoire. D’aucuns d’ailleurs l’accusent d’avoir contribué lui-même à pourrir la situation par sa gouvernance de complaisance basée sur le laisser-faire, l’inertie face aux détourneurs de deniers publics, la concussion, la nomination aux postes de responsabilité, d’amis ou de membres de sa famille. Face à cette avalanche de critiques, la première question que l’on peut se poser est la suivante : dans quel état d’esprit se trouve aujourd’hui le président du Faso ? Faute d’être dans le secret des dieux, il est difficile de répondre à cette question avec certitude. L’on peut cependant penser que l’homme doit être très mal à l’aise mais certainement pas au point de ramasser, comme le veulent les manifestants, ses affaires du palais de Kosyam. Mais il pourrait en être autrement si la météo sociopolitique devait continuer à se détériorer avec l’éventualité des orages annoncés par le Chef de File de l’Opposition politique (CFOP) qui, l’on s’en souvient, a lancé, il y a peu, un ultimatum au Chef de l’Etat pour trouver des solutions sérieuses et concrètes à l’équation sécuritaire au Burkina Faso.
Le pourrissement interne de la situation politique risque de nous faire tomber dans le piège des terroristes
Mais l’on peut se demander si une démission du président Roch Marc Christian Kaboré peut être véritablement la solution à la crise sécuritaire. Rien n’est moins sûr, dans la mesure où, dans un tel cas de figure, le Burkina Faso pourrait se retrouver dans le trou noir du syndrome malien où l’effondrement du régime d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK) n’a abouti qu’à l’installation d’un pouvoir militaire au palais de Koulouba sans un véritable remède au mal sécuritaire. Tout le mal que l’on puisse donc souhaiter, est que l’appel à la démission de Roch Marc Christian Kaboré, fouette l’orgueil du chef de l’Etat afin qu’il se secoue et secoue le cocotier. L’homme peut encore laver son honneur traîné dans la boue par les manifestants en faisant une rupture dans sa gouvernance pour rallier à sa cause les nombreux Burkinabè qui, par dépit, ont fini par souhaiter, son départ. Et c’est maintenant qu’il faut le faire car plus tard, ce sera certainement trop tard. Et pour cause. La crise sécuritaire, si elle n’est pas amoindrie, se doublera d’une crise alimentaire avec la saison agricole catastrophique. Et là, nul besoin d’avoir le troisième œil du sorcier pour lire les conséquences, tant il est évident, comme le disent les Anglais, qu’ « un homme qui a faim est un homme en colère ». Cela dit, les réprobations contre le PREKA comme l’appellent ses fans, ne doivent pas faire oublier aux Burkinabè que le pourrissement interne de la situation politique risque de nous faire tomber dans le piège des terroristes dont la stratégie vise à affaiblir l’Etat pour qu’il s’effondre de l’intérieur pour se donner la latitude de venir se repaitre de sa charogne. L’on doit, en effet, toujours garder à l’esprit, que c’est quand le mur présente des fissures que les cancrelats et autres vipères peuvent y prospérer. Il est donc plus qu’urgent de maintenir la cohésion sociale pour présenter un front uni à l’ennemi. Mais là aussi, il appartient au Chef de l’Etat de donner la cadence de la marche à suivre. Sans nul doute que les jours à venir nous diront si l’homme a bien compris le message de son peuple qui, en ces moments difficiles, a le regard tourné vers lui, à l’image du peuple israélien qui, dans la Bible, levait les yeux vers le serpent d’airain pour espérer la guérison des morsures brûlantes des serpents du désert. Et ce langage de la Bible, Roch Marc Christian Kaboré, réputé être un homme de foi, devrait bien le comprendre.
« Le Pays »