APPELS DE L’UA, DE L’UE ET DE LA CENCO
Kabila en aura-t-il cure ?
Le dépôt des dossiers de candidatures à la présidentielle congolaise, prend fin, en principe, aujourd’hui, 8 août 2018. Si certains prétendants à la magistrature suprême ont déjà déposé leurs dossiers ou s’apprêtent à le faire, tel n’est pas le cas pour Moïse Katumbi, désormais « opposant non grata » à Kinshasa. En effet, en exil depuis plus de deux ans, Moïse Katumbi tente, depuis le 3 août dernier, de rentrer au pays pour faire acte de candidature à la présidentielle. Mais le poste-frontière de Kasumbalesa, entre la Zambie et la RDC, à la demande des autorités congolaises, reste fermé à l’ancien gouverneur du Katanga. Ce comportement absurde et antirépublicain du pouvoir de Kabila, a provoqué des réactions de réprobation, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. D’abord, la très influente Conférence des évêques du Congo (CENCO) « exhorte vivement les autorités congolaises à revenir sur leur décision en laissant notre compatriote Moïse Katumbi rentrer au pays et déposer sa candidature comme tous les autres candidats ». La CENCO dénonce un « traitement ségrégationniste » et un « déni identitaire qu’aucune société ne peut tolérer ». Quant au président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, il demande aux responsables de l’Etat congolais « de tout mettre en œuvre pour un scrutin paisible, transparent et véritablement inclusif » et
juge « crucial » « d’assurer le respect scrupuleux des droits et libertés de tous les Congolais », en se référant au cas Katumbi sans le nommer. Cet appel de l’UA a reçu le soutien de l’Union européenne (UE) qui souligne l’importance des « mesures de décrispation, afin d’assurer une compétition électorale équitable et crédible ».
Kabila n’a jamais joué franc jeu
Si la CENCO et l’UE sont coutumières de telles prises de position allant dans le sens de la défense de la démocratie et des droits humains, tel n’est pas toujours le cas de l’UA. La preuve est faite que, de par le passé- et c’est presqu’une règle de cette instance continentale- l’UA s’emmure dans un silence coupable ou se contente de maugréer, lorsqu’un membre du « syndicat des chefs d’Etat » se met à commettre des actes odieux et criminels à l’encontre de ses compatriotes. Alors que les Africains attendent, le plus souvent, qu’elle lève le petit doigt pour dire « basta » à la barbarie ou à la dictature, l’UA préfère louvoyer. Maintenant que, pour le cas congolais, elle a osé se prononcer en condamnant l’injustice et l’oppression, on peut la féliciter. « Abundans cautela non nocet » (l’excès de prudence ne peut nuire), disent les Latins. Avec cette instance continentale où les fonctionnaires sont presqu’au service exclusif des princes qui les placent et non des peuples, il faut faire attention quant il s’agit d’applaudir une décision de cette organisation. Car, la sortie de Moussa Faki Mahamat pourrait n’être qu’une façon de soulager la conscience du « syndicat ».
Cela dit, les appels de l’UA, de la CENCO et de l’UE seront-ils entendus ? Rien n’est pas moins sûr. Car, « le père de la Nation » comme
l’appellent ses zélateurs, qui a accédé au pouvoir par les liens de sang, n’a jamais joué franc jeu. Son comportement envers Katumbi ne surprend d’ailleurs guère. En tout cas, tout ce que Kabila a fait depuis son accession au pouvoir montre, finalement, que c’est un petit président pour un si grand et beau pays qu’est l’ex-Zaïre. Il n’aura fait, jusqu’ici, que preuve d’égoïsme et d’égotisme. Dans cette posture, il n’a pas d’égards pour la postérité ni pour son image. Aura-t-il cure des appels ou autres jérémiades des défenseurs de la démocratie ? Connaissant l’homme, cette hypothèse, si elle se réalisait, relèverait d’un miracle.
Michel NANA