ASSISES NATIONALES : Ayons pitié du Burkina !
La nouvelle était attendue depuis que l’Assemblée législative de Transition (ALT) avait validé, le 26 avril dernier, la proposition de loi pour l’organisation des assises nationales. Les Forces vives de la Nation sont convoquées les 25 et 26 mai prochains à Ouagadougou, pour les secondes assises nationales de l’ère Ibrahim Traoré. L’ordre du jour de ce rendez-vous de toute la Nation, selon le ministre en charge de l’Administration territoriale, Emile Zerbo, qui a rendu publique l’information par le canal de la Télévision nationale, sera de faire d’abord le bilan de la Transition et de décider, ensuite, en toute souveraineté, de la suite à d000000000onner au régime qui devait prendre fin le 31 juillet 2024 avec l’organisation des élections. De prime abord, il faut saluer cette décision de convoquer à nouveau les Burkinabè sous l’arbre à palabres familial pour discuter de choses qui les concernent tous. La tenue des assises nationales est d’autant plus à saluer que le risque était grand que le pays bascule dans une zone de non-droit à l’expiration des délais impartis à la Transition dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré avec tout ce que cela comporte comme risques d’instabilité dans un contexte où le pays se bat avec toutes ses énergies contre les groupes armés terroristes.
L’Exécutif qui convoque ces consultations nationales doit mettre du cœur à les organiser dans les règles de l’art
Il était donc d’une urgence extrême de trouver un nouveau pacte social dans la mesure même où tous les acteurs nationaux, à quelques exceptions près, sont du même avis qu’il est pratiquement impossible d’organiser les élections pour retourner à l’ordre constitutionnel normal, dans un contexte marqué par la crise sécuritaire. Si donc la question de l’opportunité de ces assises nationales n’est plus à démontrer, l’on peut cependant s’interroger sur le caractère véritablement inclusif de ce forum national tant dans la forme que dans le fond.Cette inquiétude n’est pas saugrenue dans la mesure où ces assises nationales interviennent dans un contexte national particulièrement tendu. En effet, les activités des partis politiques demeurent suspendues et le dialogue est aussi rompu entre le gouvernement de la Transition et les organisations syndicales. Ce n’est pas non plus le parfait amour entre l’Exécutif et certaines Organisations de la société civile (OSC) qui se montrent critiques vis-à-vis de la gouvernance du capitaine Ibrahim Traoré. Pour preuves, beaucoup de leaders d’opinion sont envoyés manu militari au front quand tout simplement ils ne disparaissent pas dans les geôles du régime. De nombreux Burkinabè traités d’apatrides ont pris le chemin de l’exil. L’on peut véritablement se poser la question de savoir si, dans ce contexte qui, selon certains observateurs et acteurs de la scène politique nationale, frise la purge voire la terreur d’Etat, les Burkinabè peuvent se parler franchement pour faire une analyse sans complaisance de la situation nationale et trouver des solutions consensuelles qui engagent la mobilisation de tous autour des intérêts supérieurs de la Nation. Or, si cela n’est pas possible, il faut craindre que même si l’on obtenait la participation des « pestiférés » du moment, les Burkinabè ne sortent plus divisés que jamais de ces concertations, qu’ils ne le sont aujourd’hui.
Ce qui est en jeu, ce ne sont pas les destins personnels mais ce sont les intérêts supérieurs de la Nation
L’on sait, en effet, qu’il y a des ultra parmi les soutiens du régime qui considèrent la Transition comme leur chose et qui n’ont qu’une vision manichéenne de la société burkinabè qu’ils divisent en gens bien (les patriotes) et en gens mauvais (les apatrides). Pour eux, ces derniers sont à liquider par tous les moyens, y compris physiques. L’un dans l’autre donc, le risque principal de ces assises est qu’elles contribuent à fragiliser davantage le tissu social.Cela dit, ce risque peut être atténué si la Transition qui est d’ailleurs assurée qu’elle bénéficiera d’une prolongation, travaille à rassembler les Burkinabè pour non seulement bénéficier de leur appui, mais aussi pour détendre l’atmosphère socio-politique. Cela revient à dire que l’Exécutif qui convoque ces consultations nationales doit mettre du cœur à les organiser dans les règles de l’art pour qu’à la fin, les résultats ne se résument pas à la prolongation du bail déjà quasiment acquise du capitaine Ibrahim Traoré à la tête de l’Etat mais que des solutions structurelles soient trouvées aux problèmes de la Nation. Mais aussi et surtout qu’une feuille de route consensuelle soit adoptée, fixant le cap pour la marche du Burkina Faso. Et l’on sait que le régime est capable de ce sursaut. Car, il a déjà résisté à l’appel des thuriféraires qui jugeaient inopportunes les assises nationales et qui vont même jusqu’à demander la dissolution de l’Assemblée législative de Transition pour conférer le droit au capitaine Ibrahim Traoré de gouverner par ordonnance. Il peut donc faire davantage en sachant que les aventures solitaires se terminent par des échecs solitaires. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas les destins personnels mais ce sont les intérêts supérieurs de la Nation et non personnels et c’est d’ailleurs le seul combat qui vaille aujourd’hui la peine d’être mené. Franchement, ayons pitié du Burkina !
« Le Pays »