AUDIT INTERNATIONAL DU FICHIER ELECTORAL
Les 21 experts commis à l’audit international du fichier électoral du Burkina Faso sont en fin de mission. Ils ont rendu public leur rapport, le 21 octobre 2020, au siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à Ouagadougou. Ils l’ont jugé conforme aux normes internationales, même s’il y a des améliorations à y apporter.
Le fichier électoral burkinabè est conforme aux normes internationales et peut être utilisé pour l’élection présidentielle et celles législatives du 22 novembre 2020. C’est ce qui ressort du rapport de l’audit international dudit fichier voulu par l’APMP, le CFOP et la CENI. En effet, un comité ad hoc d’audit du fichier électoral constitué de 22 experts et personnalités dont 8 auditeurs indépendants, 6 membres de la CENI, 2 représentants des partis politiques de la majorité et 2 autres de l’Opposition, 2 membres de la société civile et 2 représentants de la communauté internationale, a été mis en place. A l’issue de ces travaux, il a dressé les forces et les faiblesses du fichier électoral. « La CENI a garanti l’unicité de chaque électeur, en procédant à un important dédoublonnage des enrôlements multiples, avec 1 425 725 enregistrements identifiés et supprimés, sur la totalité de la base de données de 2012 à 2020 », peut-on lire dans le communiqué final. Sur le chapitre des forces, l’on peut citer, entre autres, les opérations ayant permis de garantir le caractère inclusif du fichier électoral burkinabè qui compte, à ce jour, 6 490 926 électeurs, le rythme des révisions exceptionnelles, depuis 2012, qui a permis à la CENI de conduire des opérations d’envergure régulières, tout en améliorant constamment la qualité des données du fichier. Il y a, par ailleurs, la complétude des données des électeurs, qui présente un niveau qualitatif élevé. S’agissant notamment de la collecte des données biométriques, « la CENI a fait preuve de transparence et de professionnalisme tout au long des opérations de révision et d’audit du fichier électoral, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes », précise le rapport. Les experts ont aussi salué l’inscription des Burkinabè de l’étranger. Quant aux points de faiblesses relevés, on peut citer, entre autres, le cadre juridique burkinabè qui ne permet à la CENI que de constituer son fichier électoral au travers de révisions annuelles et exceptionnelles. Ainsi, la CENI ne peut, à ce jour, travailler sur des listes permanentes, notamment en s’appuyant sur un état civil efficient et sur un système d’identification unique. Les experts ont également déploré l’accumulation non maîtrisée des électeurs décédés dont le nombre est compris entre 280 000 et 320 000, et l’empilement de données désuètes issues des révisions de 2012, 2014 et 2015. Au regard des forces et faiblesses, les experts ont formulé des recommandations à l’endroit de l’institution chargée d’organiser les élections d’une part, et du gouvernement d’autre part. A l’endroit de la CENI, ils l’invitent à la Redynamisation de la synergie existante entre la CENI, l’Office national d’identification (ONI) et la Direction générale de la modernisation de l’état civil pour travailler, sur le long terme, à un projet de listes permanentes, au recours à des kits biométriques d’ancienne génération devant impérativement intégrer le changement des piles horloges, comme l’ensemble des composants sensibles, afin d’éviter toute erreur d’affectation de date d’enrôlement, comme dans le cas des 1 549 électeurs identifiés par l’audit ; à vérifier, dans le fichier de l’ONI, les 222 cartes d’électeurs enregistrées avec des numéros par défaut pour leur affecter, le cas échéant, leur numéro unique. Signalons que la délégation de l’Union africaine s’est dit satisfaite des résultats obtenus. « Au regard des constats et des résultats d’analyses, il ressort que le fichier électoral soumis à l’audit présente d’importantes forces », a indiqué l’ambassadeur Minata Samaté/Cessouma, commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine avaient d’exprimer la disponibilité de l’UA à soutenir le Burkina Faso dans cette épreuve.
Issa SIGUIRE
Communiqué final
Le Gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante (CENI) du Burkina Faso ont formulé une requête auprès de la Secrétaire générale de la Francophonie (OIF), SE Mme Louise Mushikiwabo, et du Président de la Commission de l’Union africaine (UA), SEM Moussa Faki Mahamat, en vue de réaliser un audit international du fichier électoral biométrique burkinabè. Les deux organisations y ont répondu favorablement et ont déployé une équipe d’experts à laquelle des auditeurs reconnus pour leurs compétences par les partenaires techniques et financiers du Burkina-Faso, ont été également associés.
En vue de conduire ces travaux dans une démarche inclusive et transparente, un comité ad hoc d’audit du fichier électoral a été constitué avec, en son sein, 22 experts et personnalités. Il comprenait des auditeurs indépendants (8), des membres de la CENI (6), des représentants des partis politiques de la Majorité (2) et de l’Opposition (2) au travers du dialogue politique, de la société civile (2) et de la communauté internationale (2). Le comité s’est réuni à six reprises en session plénière pour plus de 29 heures d’analyse et de débats contradictoires.
Après un audit exhaustif, les membres du comité ont conclu à :
« Un fichier électoral constamment amélioré qui ne peut faire l’économie d’une refonte, compte tenu de ses limites »
Au regard des constats et des résultats des analyses, il ressort que le fichier électoral soumis à l’audit présente des forces et des faiblesses.
AU TITRE DES FORCES, IL CONVIENT DE CITER :
– La révision exceptionnelle organisée, par la CENI, du 1er janvier au 17 juillet 2020 a permis à 2 377 601 personnes de s’enrôler ;
– La CENI a garanti l’unicité de chaque électeur, en procédant à un important dédoublonnage des enrôlements multiples, avec 1 425 725 enregistrements identifiés et supprimés, sur la totalité de la base de données de 2012 à 2020 ;
– Ces opérations ont permis de garantir le caractère inclusif du fichier électoral burkinabè, qui atteint aujourd’hui 6 490 926 électeurs ;
– Le rythme des révisions exceptionnelles, depuis 2012, a permis à la CENI de conduire des opérations d’envergure régulières, tout en améliorant constamment la qualité des données du fichier ;
– La CENI a été confrontée à un grand nombre de défis liés à la situation sécuritaire, à la pandémie de COVID-19 et à des retards logistiques ; elle a su s’adapter pour permettre aux électeurs de 329 des 351 communes (94%) et de 7 694 des 9 299 villages (83%) du Burkina Faso de participer à l’enrôlement ;
– La complétude des données des électeurs présente un niveau qualitatif élevé, s’agissant notamment de la collecte des données biométriques ;
– La CENI a fait preuve de transparence et de professionnalisme tout au long des opérations de révision et d’audit du fichier électoral, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes ;
– Le cadre juridique burkinabè, relatif à l’enrôlement des électeurs, est cohérent et lisible, avec un Code électoral unique, complet et accessible à tous les citoyens ;
– L’introduction de l’inscription des Burkinabè de l’étranger est une ouverture significative pour permettre à la diaspora de faire valoir ses droits civiques ;
– L’existence d’un contentieux pré-juridictionnel, permet à la CENI de traiter une grande partie du contentieux des listes, limitant ainsi l’engorgement des tribunaux.
AU TITRE DES FAIBLESSES, IL CONVIENT DE CITER :
– Le cadre juridique burkinabè ne permet à la CENI que de constituer son fichier électoral au travers de révisions annuelles et exceptionnelles, sans pouvoir à ce jour travailler sur des listes permanentes, notamment en s’appuyant sur un état civil efficient et sur un système d’identification unique ;
– Structurellement dépendante de la publication de décrets qui n’abordent pas l’entièreté d’un cycle électoral, la CENI doit organiser in fine l’enrôlement dans un délai très court, engendrant des chevauchements d’activités ;
– La nature du système de révision entraîne deux faiblesses majeures : l’accumulation non maîtrisée des électeurs décédés, estimés dans le fichier électoral entre 280 000 et 320 000 personnes, et l’empilement de données désuètes issues des révisions de 2012, 2014 et 2015 ;
– Le taux d’enrôlement, situé autour de 63,2% de la population cible, est particulièrement marqué par une sous-représentativité chronique des jeunes et des femmes, depuis 2014 ;
– La CENI n’étant pas constitutionnalisée, elle ne dispose donc pas d’un pouvoir réglementaire élargi; de fait, le cadre juridique présente une instabilité récurrente, avec douze modifications successives du Code électoral depuis 2001, dont certaines sont intervenues après les opérations d’enrôlement des électeurs ;
– La CENI n’a pas mis en place un système de conservation numérique des pièces présentées à l’appui de l’enrôlement des électeurs, ne facilitant pas des vérifications ultérieures ;
– L’inexistence de justificatifs de domicile affecte le contentieux, entraînant le rejet quasi systématique de toute requête visant l’inscription d’électeurs en dehors de leur circonscription.
RECOMMANDATIONS
Gouvernement et législateur
Le comité d’audit, sur la base des constats et des résultats de ses analyses, recommande à/au :
– Intégrer, dans le Code électoral, la possibilité, pour la CENI, de conduire une refonte du fichier électoral au moins tous les dix ans ;
– Continuer, en parallèle, d’œuvrer à la mise en place d’un système d’état civil efficient et d’identification unique permettant d’aboutir, à long terme, à des listes permanentes ;
– Conférer des pouvoirs réglementaires élargis à la CENI, pour lui permettre tant de préciser le droit que de détailler les procédures en place, au travers notamment, de mesures d’applications permettant de se fonder sur un document unique et cohérent pour décrire les opérations de révision des listes électorales ;
– Envisager de recourir à la carte nationale d’identité comme pièce valant carte d’électeur ;
– Envisager la gratuité des pièces d’identité essentielles et, en particulier, de la CNIB ;
– Introduire la possibilité, pour les comités villageois de développement, de faciliter la délivrance de certificats de résidence en vue de pallier les difficultés observées dans le contentieux des listes ;
– Fixer une date limite de traitement de tous les contentieux relatifs à l’enrôlement des électeurs, au moins quelques jours avant la publication des listes définitives.
La Commission électoral nationale indépendante
– Redynamiser la synergie existante entre la CENI, l’ONI et la direction générale de la modernisation de l’état civil pour travailler, sur le long terme, à un projet de listes permanentes ;
– Engager une étude, au sortir du scrutin, sur les moyens de mobiliser la jeunesse et les femmes ;
– Envisager un enrôlement concerté entre l’ONI et la CENI pour faciliter les démarches des électeurs ;
– Finaliser l’installation d’un serveur miroir dans le data center, tout en produisant un plan de continuité de service ; acquérir et installer un système de détection et d’extinction automatique
à gaz d’incendie ;
– Renforcer les capacités logistiques et opérationnelles de la CENI, en privilégiant de moderniser la gestion des stocks et des opérations ;
– Supprimer les stocks de cartes d’électeur de tous les exercices de révision antérieurs et effectuer un état des cartes d’électeur délivrées et restituées pour la révision 2020 ;
– Formaliser, dans les textes ou au travers d’une décision de la CENI, les sanctions et motifs applicables pour les personnels d’enrôlement qui ne rempliraient pas leurs obligations contractuelles ;
– Renforcer budgétairement et structurellement certains services de la CENI, en particulier la direction de l’informatique et du fichier électoral, le service juridique, la direction en charge de l’éducation citoyenne et la direction de la communication ;
– Le recours à des kits biométriques d’ancienne génération doit impérativement intégrer le changement des piles horloges, comme l’ensemble des composants sensibles, afin d’éviter toute erreur d’affectation de date d’enrôlement, comme dans le cas des 1 549 électeurs identifiés par l’audit ;
– Vérifier, dans le fichier de l’ONI, les 222 cartes d’électeurs enregistrées avec des numéros par défaut pour leur affecter , le cas échéant, leur numéro unique.