HomeA la uneBOTSWANA : Petit par sa taille, mais grand par sa gouvernance

BOTSWANA : Petit par sa taille, mais grand par sa gouvernance


Au Botswana, la démocratie n’est pas une vue de l’esprit. En effet, ce pays d’Afrique australe, petit par sa taille (600 370 km2 de superficie pour une population de 2 200 000 d’habitants) est en train de s’imposer aujourd’hui comme l’un des grands du continent en matière de gouvernance politique et économique. En effet, pas plus tard que le 31 mars dernier, le président Ian Khama, 65 ans et à la tête du pays depuis 10 ans, a mis fin à ses fonctions en rendant le tablier, pour respecter la lettre de la Constitution qui limite à deux quinquennats, le nombre des mandats présidentiels. Et ce, malgré les supplications de milliers de partisans qui l’imploraient de ne pas écourter son mandat. Il revient donc à son vice-président, Mokgweetsi Masisi, investi dans la foulée le 1er avril dernier, d’étrenner les dix-huit mois restants du mandat de son prédécesseur, pour conduire le pays aux prochaines élections.

Le Botswana reste un exemple qui devrait inspirer

Comment ne pas s’incliner devant cet exemple de respect du jeu de l’alternance sur le continent, quand on voit comment la démocratie est malmenée par endroits par des fossoyeurs à la carapace dure, qui ne rêvent que de pouvoir à vie ? L’exemple de la RD Congo, pays continent avec ses 2 300 000 km2 et ses 89 millions d’habitants, où le président  Joseph Kabila, en fin de mandat depuis plus d’un an mais qui continue de jouer les prolongations à la tête du pays, est assez éloquent. Son voisin de l’autre côté de la rive du fleuve Congo, Denis Sassou Nguesso, n’est pas un meilleur exemple ; lui qui a réussi à se faire réélire à la tête de son pays, après avoir usé de tripatouillage constitutionnel pour se remettre dans la course à sa propre succession. Et que dire du satrape burundais, Pierre Nkurunziza, qui n’a pas hésité à marcher sur les cadavres de ses compatriotes pour se maintenir au pouvoir, en violation de la Constitution de son pays et des accords d’Arusha ? Et ce n’est pas tout ! Car, à côté de ces dictateurs invétérés, il y a des dinosaures comme le Camerounais Paul Biya, au pouvoir depuis plusieurs décennies, qui rechignent à passer le témoin. Ou encore ces fils d’anciens présidents, Ali Bongo Odimba du Gabon et Faure Gnassingbé du Togo, qui semblent dans une logique de dévolution dynastique du pouvoir au point de chercher à s’éterniser au pouvoir. Et pourtant, Ian Khama est aussi fils d’ancien président, notamment de Seretse Khama, «le père de l’indépendance» du pays, mais il ne s’est pas laissé aller à la tentation de la confiscation du pouvoir par des moyens détournés, encore moins de céder aux sirènes des Raspoutine qui ne souhaitaient ni plus ni moins que son maintien, le plus longtemps possible, à la tête de l’Etat. C’est pourquoi son geste est suffisamment rare sur le continent pour passer inaperçu, au point même que l’on se demande si l’on peut rêver de deux ou trois Botswana en Afrique. En tout cas, ce ne sont pas les défenseurs de la démocratie sur le continent, qui s’en plaindraient. D’autant qu’en plus de ses efforts sur le plan de la gouvernance politique qui laisse une place de choix au jeu de l’alternance, ce pays est aussi félicité pour ses performances économiques qui le placent parmi les meilleurs du continent, dans les classements internationaux. Ce n’est pas un hasard si le prédécesseur de Ian Khama, Festus Mogae, a été lauréat du prestigieux prix Mo Ibrahim de la bonne gouvernance en Afrique, prix qui a plus d’une fois eu du mal à trouver preneur. Et l’on peut voir en Khama lui-même, un sérieux prétendant à ce prix. Seule ombre au tableau, le taux de chômage qui tourne autour de 20% et la persistance de la prévalence du sida qui reste à un taux encore élevé dans cette ex-colonie britannique. En tout état de cause, sur le plan de la démocratie, le Botswana reste, sur le continent, un exemple qui devrait inspirer. Et quand on fait le parallèle avec la plupart des pays où la démocratie est mise à rude épreuve, l’on comprend pourquoi ces derniers sont aussi à la traîne en matière de développement.

L’Afrique peut être fière du Botswana

Car, quand il n’y a pas d’alternance, les gens ont tendance à se complaire dans les mauvaises habitudes et les mauvaises pratiques qui tendent à devenir la règle. D’autant plus que le principe même de la reddition des comptes devient le cadet des soucis des gouvernants dont la préoccupation majeure reste la confiscation du pouvoir par tous les moyens. Et la chance du Botswana, est d’avoir des institutions fortes et des hommes politiques éclairés. Ce qui est une denrée rare sur un continent qui manque cruellement de véritables hommes d’Etat, capables de dépassement de soi et de renoncement dans l’intérêt supérieur de la nation. Et il n’est pas exagéré de dire que Ian Khama est de ceux-là, ou à tout le moins qu’il a un sens élevé de son rôle en tant que serviteur de son peuple au point de se permettre certaines libertés comme, par exemple, ne pas porter de gants pour demander à un Joseph Kabila d’écouter les supplications de son peuple en débarrassant le plancher, ou encore en réclamant la démission pure et simple de son voisin zimbabwéen, le nonagénaire ex-président Robert Mugabe qui refusait de faire valoir ses droits à la retraite après plusieurs décennies de règne. Sur ces deux derniers exemples, Ian Khama a peut-être manqué de diplomatie, mais on ne peut pas dire qu’il ait manqué de courage politique pour dire tout haut ce que certains de ses pairs d’ici et d’ailleurs pensent tout bas, face à la détresse de ces peuples. En tout cas, l’Afrique peut être fière du Botswana.

 « Le Pays »


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