BOYCOTT DE LA PRESIDENTIELLE PAR LE FPI ORIGINEL : L’avenir de la Coalition en pointillés
Alors qu’Abidjan baigne dans une ambiance de précampagne présidentielle, le Front populaire ivoirien (FPI) continue de laver son linge sale sur la place publique. En effet, au moment où les modérés se sont alignés derrière le président Pascal Affi Nguessan, officiellement investi le 8 août dernier pour être le porte-étendard du parti à l’élection présidentielle du 25 octobre prochain, l’aile dure conduite par Abou Drahamane Sangaré, qui met en avant la libération de son mentor Laurent Gbagbo détenu à la Cour pénale internationale (CPI) depuis novembre 2011, comme préalable à toute discussion, a appelé au boycott de ce scrutin. Ainsi, dans un communiqué publié le mardi 18 août dernier, elle s’est clairement prononcée dans ce sens.
La hache de guerre est loin d’être enterrée entre les héritiers politiques de l’enfant de Mama
Mettant les points sur les i, cette aile du parti a mis en garde « quiconque prétendrait se présenter à l’élection présidentielle frauduleusement au nom ou sous la bannière du FPI ». Une menace à peine voilée à l’endroit de Pascal Affi Nguessan, en faveur de qui la justice ivoirienne s’est pourtant prononcée dans le différend qui opposait les deux tendances pour le contrôle du parti.
Comme on le voit, la hache de guerre est loin d’être enterrée entre les héritiers politiques de l’enfant de Mama. Et tout porte à croire que ce n’est pas demain la veille que les frondeurs vont rentrer dans les rangs. Mais, en réalité, le refus des radicaux de la famille politique du célèbre prisonnier de la Haye n’est pas véritablement une surprise. Il faut même leur reconnaître une certaine constance dans cette ligne de conduite dont les raisons sont certainement à rechercher dans la dénégation de la victoire d’Alassane Ouattara (ADO) à l’élection précédente. Autant dire que ni hier ni aujourd’hui, ils ne reconnaissent la victoire d’ADO sur Laurent Gbagbo. Or, participer à l’élection présidentielle d’octobre prochain, serait une forme de reconnaissance de la victoire d’hier de leur adversaire. De ce point de vue, l’on peut comprendre leur position qu’ils n’ont jamais cachée. Du reste, comment auraient-ils pu porter une candidature sous la bannière du FPI, sans avoir la légalité avec eux ? Toutefois, cette sortie vient retourner le couteau dans la plaie déjà bien béante de la fracture du parti.
Cette position a donc toutes les allures d’une fuite en avant, dans un contexte où sans son leader emblématique, le parti n’est même pas certain de faire un score honorable contre ADO, a fortiori le chasser du palais présidentiel. Cette posture vise donc à ne pas lui donner l’occasion de légitimer une victoire qui lui tend les bras, et qui pourrait leur clouer le bec, une fois pour toute.
Cela est humainement compréhensible. Mais en agissant de la sorte, cette aile du parti de Laurent Gbagbo dont les ténors sont d’une certaine génération, joue à un jeu suicidaire qui ne tient pas compte des aspirations de la jeunesse dans ses propres rangs. Celle-ci n’attend certainement qu’une occasion de se faire valoir. Et à force de se sentir orpheline, elle risque d’aller grossir les rangs d’autres partis où elle pourrait envisager l’avenir avec beaucoup plus de sérénité. Quoi qu’il en soit, le FPI tendance Abou Drahamane Sangaré, est libre de ses décisions. Mais ce n’est pas en agissant de la sorte qu’il donnera de lui l’image d’un parti résolument engagé sur le chemin de la réconciliation. Au contraire, l’on peut avoir le sentiment qu’il est resté violent, dans son comportement et dans son langage, et manque cruellement de réalisme.
Aussi, la question que l’on pourrait alors se poser est de savoir si au-delà du parti, la réconciliation entre frères ennemis ivoiriens avait une chance d’aboutir, dans de telles conditions et dispositions d’esprit, après les événements douloureux que ce pays a vécus suite à l’élection contestée de 2010. L’on peut en douter. C’est pourquoi l’on ne peut s’empêcher de penser que les raisons invoquées pour justifier ce boycott par les partisans du mot d’ordre «Gbagbo ou rien », notamment la « situation politico-sécuritaire précaire marquée par une fracture sociale profonde », une « vive suspicion et une grave crise de confiance entre les acteurs politiques » et les « arrestations et emprisonnements arbitraires d’acteurs sociaux et d’opposants politiques » ne sont que des alibis trouvés pour ne pas prendre part à un scrutin qu’ils ne pouvaient en aucun cas remporter.
Sans l’assurance d’une véritable base électorale, il y a nécessairement un manque de sérénité dans les rangs de la CNC
Quoi qu’il en soit, s’il y a une structure dont cette querelle au sein de la famille FPI ne va pas arranger les affaires, c’est bien la Coalition nationale pour le changement (CNC). Présenté comme une alternative crédible contre Ouattara, ce regroupement hétéroclite d’opposants dont font partie les frondeurs anciens et nouveaux du FPI et des dissidents du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qui n’ont rien d’autre en commun que leur seule volonté de barrer la route du palais de Cocody à ADO, aura du souci à se faire en cas de retrait ou d’abstention des partisans de Woody. En effet, quand on sait le poids des pro-Gbagbo en termes de mobilisation de militants dans cette coalition, il ne fait l’ombre d’aucun doute que si l’appel au boycott de leurs leaders a un écho favorable auprès de leurs militants, l’avenir de ce regroupement risque de se dessiner en pointillés. Etant donné que, selon toute vraisemblance, l’appel de Daoukro de Bédié en faveur d’ADO ne provoquera pas une ruée de militants du PDCI vers les dissidents de ce parti que sont Charles Konan Banny et autre Kouadio Konan Bertin (KKB). Aussi, sans l’assurance d’une véritable base électorale, il y a nécessairement un manque de sérénité dans les rangs de la CNC. Car, l’on ne voit pas comment, dans de telles conditions, ces forces du changement pourraient porter la contradiction à ADO, au point de lui damer le pion au soir du 25 octobre. Par contre, cela fait l’affaire des partis concurrents, principalement le parti au pouvoir qui voit la position de son candidat renforcée, en raison d’un éventuel affaiblissement de la CNC. D’autant plus que, jusque-là, la question de la candidature unique au sein de cette coalition semble être un point d’achoppement que ces alliés de circonstance évitent soigneusement d’aborder. Alors, quel avenir pour la CNC ?
« Le Pays »