BRUNO DIPAMA, DG DU FPDCT
La pandémie du Covid-19, depuis son apparition, secoue le monde entier. Des milliers de décès sont enregistrés suite à cette maladie. L’Etat burkinabè, depuis l’annonce des premiers cas sur son territoire, essaie de faire face à cette pandémie en prenant d’énormes mesures. Nonobstant ces multiples mesures, la maladie a toujours la peau dure. La gestion de cette crise sanitaire fait aussi couler beaucoup d’encre et de salive. Dans cette interview, le Directeur général du Fonds permanent pour le développement des collectivités territoriales (FPDCT), Bruno S. Dipama, propose quelques solutions pour venir à bout de cette maladie. Lisez !
« Le Pays » : Depuis le 9 mars dernier, le Burkina Faso est touché par le Covid-19, comment le FPDCT joue-t-il sa partition dans la lutte contre cette pandémie?
Bruno Dipama : Le Fonds permanent pour le développement des collectivités territoriales (FPDCT) est l’instrument étatique de mobilisation et de centralisation de ressources financières et techniques destinées au financement des investissements structurants des collectivités territoriales et au renforcement de leurs capacités techniques et opérationnelles. En 2019, nous avons commémoré notre décennie d’existence par une série d’activités, notamment l’organisation de colloques régionaux. Cela nous a permis de faire le bilan dans chacune des treize régions de notre pays, d’une décennie passée d’accompagnement des collectivités territoriales par le FPDCT et de tracer ensemble des perspectives pour l’avenir. Ainsi, avec 2020, c’est une nouvelle décennie qui s’est ouverte avec la restructuration du FPDCT, pour lui permettre d’être à niveau pour répondre à vos attentes multiples et multiformes. C’est aussi des programmes et des projets de type nouveau initiés par le FPDCT pour la transformation – pour le meilleur – du visage des collectivités territoriales de notre pays. C’est alors que la pandémie mondiale du Covid-19 est venue ralentir cet élan, car, comme vous l’avez dit, malheureusement, ce qui était si lointain pour beaucoup de Burkinabè est devenu une triste réalité dans notre pays, avec l’annonce des premiers cas à la date du 9 mars 2020. Le FPDCT a été obligé de s’adapter à cette nouvelle situation tout en continuant d’assurer sa mission auprès des collectivités territoriales.
Comment comptez-vous accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre cette pandémie?
Ce que nous avons déjà fait depuis l’apparition de cette pandémie, nous avons doté des collectivités territoriales de kits de lavage des mains, de gels hydroalcooliques, de masques chirurgicaux et de gants de protection pour leur permettre, non seulement de pouvoir protéger les agents des collectivités territoriales, mais également les usagers des services de ces collectivités territoriales. Des messages de sensibilisation sur la réalité de la maladie et l’impérieuse nécessité de respecter et de faire respecter les gestes barrières ont été enregistrés en six langues et sont diffusés sur les ondes de la radio nationale, des radios commerciales, communautaires et confessionnelles sur toute l’étendue du territoire national. C’est notre contribution à la lutte contre la propagation du virus car, au regard des faibles capacités de nos structures de santé, nous devons tout mettre en œuvre et adopter les bonnes pratiques, pour interrompre la chaîne de transmission communautaire du Covid-19. En ce qui concerne le traitement des dossiers des collectivités territoriales, nous avons pris des dispositions au niveau de la Direction générale du FPDCT et de nos agences régionales pour assurer, entre autres et de façon diligente :
-la réception des requêtes de financement ;
-l’instruction des requêtes de financement ;
-la signature des contrats de financement ;
-le traitement des demandes de décaissements.
Malgré la situation difficile, nous devons apprendre à vivre avec la réalité du Covid-19 tout en faisant avancer notre Nation sur le chemin du développement.
Le Covid-19 a-t-il impacté les activités de votre institution ?
Comme je l’ai dit plus haut, nous étions lancés pour la réalisation de grands programmes et de projets au titre de l’année 2020. Evidemment la pandémie du Covid-19 à un impact certain sur nos activités. Mais comme je me plais à dire, la plus grande faculté que nous devons développer, c’est l’adaptabilité. A ce titre, nous nous sommes adaptés à la nouvelle donne tout en faisant avancer le traitement des dossiers au niveau de la direction générale tout comme au niveau des agences régionales. Nous avons doté chaque agent du FPDCT d’un kit de protection. Nous avons aussi limité les contacts ; sauf ce qui est impératif pour le traitement de certains dossiers. Les échanges et le traitement de la plupart des dossiers se font à distance par des appels téléphoniques, à travers les e-mails, dans les groupes WhatsApp, etc. Parce que la crise du Covid-19 ne doit pas faire mourir l’administration, c’est-à-dire que l’administration, d’une façon ou d’une autre, doit continuer à fonctionner. Mieux, cette crise de Covid-19 ne doit faire mourir aucun agent de l’administration, d’où la nécessité de prendre des mesures pour préserver la vie et la santé de chaque agent de l’administration.
Au cours de ces dernières semaines, des voix se sont élevées pour attirer l’attention des autorités sur une probable corruption de masse autour des fonds alloués à la gestion de la crise. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que je n’ai pas d’éléments pertinents pour apprécier. Mais, si des critiques se font entendre, certainement qu’il y a eu des incompréhensions ou bien des situations qui nécessitent un certain éclaircissement. Mais si cela est fondé, je pense que les autorités compétentes sont interpellées. Il y a lieu de prendre des mesures pour que tous ces dons et appuis en nature comme en espèces reçus, soient gérés dans la totale transparence. Pour venir à bout d’une crise comme celle du Covid-19, il faut que les uns et les autres se transcendent et abandonnent certaines mauvaises pratiques qui résultent de l’individualisme, alors que le temps est à l’union sacrée qui consiste à suivre, tous ensemble, un même chemin vers un destin commun sans céder à aucune panique, aucune peur, aucune facilité. Pour venir à bout du Covid-19, nos meilleures armes sont le civisme, la discipline, la compassion, l’altruisme, l’entraide et la solidarité.
Que pensez-vous des récentes mesures prises par le gouvernement ?
Vous voulez parler de la réouverture des marchés et yaars, des lieux de culte et de la suspension des mesures de mise en quarantaine de certaines villes ? Je pense que c’est au regard de certaines réalités de notre pays, que ces mesures ont été prises. Et certainement, après une large concertation avec des spécialistes des questions sanitaires et également après concertation avec plusieurs acteurs. Je le répète, nous devons apprendre à vivre avec la réalité du Covid-19 en nous adaptant à la situation et en changeant de comportement car, la crise sanitaire a un impact sur nos vies personnelle, professionnelle et spirituelle. Mais elle ne doit pas sacrifier la vie économique et sociale des acteurs aussi bien du public que du privé. Cependant, qu’on ne se trompe pas. La maladie n’est pas derrière nous, elle est avec nous et elle est devant nous et nous devons redoubler de prudence et de vigilance. Elle est avec nous parce qu’il y a des familles endeuillées qui portent la douleur liée à la perte d’un être cher. Que Dieu leur apporte la consolation et le réconfort ; il y a des malades internés dans les centres d’accueil et de prise en charge à qui je souhaite un prompt rétablissement, mais surtout il y a beaucoup de malades asymptomatiques qui peuvent être des vecteurs de dissémination de la maladie. Elle est devant nous avec l’apparition de cas importés et surtout les conséquences au plan politique, économique, social, entre autres, à gérer sur un long terme. Nous devons intensifier la sensibilisation et de façon massive dans les villes, les villages et le hameaux de culture pour que les populations comprennent que la maladie existe bel et bien, elle tue et à ce jour, il n’existe aucun remède à titre préventif ou curatif. Il faut donc en appeler à la responsabilité individuelle et collective pour que nous fassions bloc autour des mesures et consignes d’hygiène sanitaire et les gestes barrières qui sont à respecter et à faire respecter pour traverser la tempête causée par cette crise sanitaire.
Pouvez-vous faire le bilan des différentes actions menées par le Fonds permanent durant ces trois derniers mois ?
Nous avons signé avec les faîtières des collectivités territoriales que sont l’Association des régions du Burkina Faso (ARBF) et l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF), des conventions de financement pour les 13 conseils régionaux et les 351 communes au titre de l’année 2020, nous avons reçu et instruit les requêtes de financement des projets des collectivités territoriales, nous sommes sur la signature des contrats de financement, nous avons traité des demandes de décaissement d’un montant cumulé de plus de trois (03) milliards de F CFA, nous avons mené des missions terrains, nous avons organisé une formation en déontologie administrative et en éthique professionnelle au profit des agents du FPDCT. Ce sont, entre autres, les activités que nous avons pu mener au cours des trois derniers mois. Le bilan est satisfaisant car il y a eu aussi la signature de l’arrêté conjoint entre MATDC et MINEFID portant création du projet trois frontières financé par l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de dix (10) millions d’euros dont la gestion est confiée au FPDCT.
Parlez-nous des difficultés rencontrées par le Fonds permanent en cette période marquée par l’insécurité ?
J’ai parlé de missions menées sur le terrain. Etre assis dans un bureau pour procéder à une répartition mécanique de sources financières aux collectivités territoriales sans pour autant aller voir l’état de réalisation des projets financés, je ne conçois pas ma mission à la tête du FPDCT ainsi. Notre credo, c’est la lisibilité, la traçabilité, la transparence, l’efficience, la rationalité, la redevabilité et la reddition des comptes. Cela nous commande d’être aux côtés des collectivités territoriales pour un suivi bout à bout des projets que nous finançons. Depuis l’identification des besoins des populations, leur analyse, leur priorisation, en passant par la conception de projets pour la satisfaction des besoins identifiés, la mise en œuvre des projets et enfin le suivi des ouvrages réalisés car, nous avons l’obligation de livrer aux populations à la base, des ouvrages de qualité et durables. Le péril sécuritaire qui était principalement dans la région du Sahel s’est déporté dans beaucoup de communes de notre pays, rendant plus difficile notre mission d’accompagnement des collectivités territoriales. Malgré ces difficultés, nous avons développé des initiatives pour le suivi à distance des projets.
En termes de perspectives, que prévoit le Fonds permanent pour les mois à venir?
Vivement que la crise sanitaire sans oublier la crise sécuritaire que nous vivons depuis 2016, prennent tous deux fin. Les perspectives immédiates, c’est de pouvoir disposer, avec les collectivités territoriales, d’un système de gestion numérique des dossiers. De même, avec le processus de restructuration du FPDCT en cours, nous espérons l’adoption, dans les meilleurs délais, des référentiels juridiques qui vont ouvrir une nouvelle ère dans l’accompagnement du FPDCT aux collectivités territoriales, car cela nous permettra de rendre opérationnels le guichet appui technique et surtout le guichet prêt garanti aux emprunts, qui va permettre aux collectivités territoriales de pouvoir réaliser des projets d’une grande envergure qui vont changer le visage de beaucoup de communes de notre pays. Le FPDCT, par ses actions, doit contribuer à garantir à chaque Burkinabè, où qu’il se trouve, les fondamentaux du développement qui sont, entre autres, l’accès à une nourriture saine et en quantité, l’accès à l’eau potable, l’accès à l’éducation, l’accès à la santé, vivre dans un environnement sain, avoir un pouvoir d’achat, etc. Mais pour que les fondamentaux du développement puissent prospérer, il faut d’abord qu’il y ait les préalables au développement que sont la paix, la sécurité, la stabilité, la cohésion des territoires et des communautés.
Avez-vous un mot pour conclure ?
Je voudrais, en ce mois de Ramadan, souhaiter à tous les fidèles musulmans un bon carême. Dans ce grand mois de spiritualité, que Dieu exauce les prières et qu’il donne au Burkina Faso la victoire sur le terrorisme, le Covid-19, la haine et la division.
Frédéric TIANHOUN (collaborateur)